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Vous souhaitez que votre collectivité abandonne la désuète notation des agents pour passer à l'entretien professionnel ? Parfois, vous pratiquez déjà l'entretien pour accompagner la notation ? Vous attendiez donc cette réglementation qui organise ce dispositif ? Fort bien. Mais êtes-vous prêt ? Avez-vous pris conscience des prérequis que cela suppose ?
Prêt à y consacrer du temps sans savoir s'il y a là une source de productivité ? Il faudra écrire l'indispensable fiche de poste. Pas un vague copier-coller d'une quelconque fiche métier, mais un vrai travail d'élaboration des missions déclinées en tâches requérant des compétences. Compter une heure trente à deux heures. Prêt à penser l'organigramme de votre collectivité, car il faudra clairement désigner les « n + 1 » qui auront à mener les entretiens. Ont-ils légitimité pour le faire car les agents pourront juridiquement la contester ? Ont-ils la compétence technique, le courage, le savoir-faire, en un mot l'autorité reconnue par leurs collaborateurs ? Compter plusieurs heures d'échanges pour arriver enfin à une délibération adoptant votre organigramme après avis du CTP. Vous risquez de connaître des moments difficiles car la place de chacun sera réévaluée : votre collectivité a-t-elle vraiment besoin de tous les chefs et sous-chefs plus ou moins compétents, issus parfois simplement des processus d'avancement, de promotion et qui occupent des cases dans la pyramide ? Compter du temps pour préparer les entretiens (une demi-heure par agent), les mener (une heure) rédiger le compte rendu (une demi-heure) échanger avec l'autorité (un quart d'heure). Penser au temps de formation des n + 1, d'information des agents...
Que voulez-vous ?
Ensuite il faudra que vous soyez au clair, et les n + 1 avec vous, sur les intentions que vous voulez donner à ces entretiens. Est-ce un moyen de recadrer des agents défaillants, de « reprendre la main », de se « dire ses quatre vérités » dans une partie de bras de fer, de « laver son linge sale »... ? S'agit-il de raffermir un pouvoir ? Est-ce un exercice d'autorité ou de domination ? Ou bien n'est-ce qu'un rituel démocratique, un simulacre d'échange, un système d'une rationalité apparente suffisante pour être socialement acceptable, un chantage qui ne dit pas son nom, un usage subtil du bâton et de la carotte ? D'ailleurs, lierez-vous lors de cet entretien, les résultats de l'agent à un avancement, une promotion ? Le laisserez-vous être pollué par des attentes de prime à l'efficacité limitée et aux effets pervers ? Accepterez-vous de prendre du temps et d'en laisser à vos collaborateurs, alors que l'on en manque déjà tellement?
Un entretien productif
Des études nord-américaines et européennes ont montré qu'un euro investi dans des actions de prévention génère trois euros de gains de productivité. L'entretien professionnel peut être considéré comme un acte de prévention de la démotivation, de l'usure, de la perte de sens, de la désorganisation. N'en doutons pas, il est productif. Qu'importent les supports si l'échange est fait d'écoute, de respect. Qu'importent les objectifs péniblement déclinés si chacun retrouve du plaisir à travailler. Nul besoin de carotte ni de bâton humiliants car chacun donnera honnêtement le meilleur de lui-même. Les temps que nous vivons appellent à cette nouvelle utopie mobilisatrice.