Espace public : rendre la ville à ses habitants

Marjolaine Koch

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Espace public : rendre la ville à ses habitants

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Comment rendre la ville plus accessible aux enfants ? Selon Thierry Paquot, philosophe de l'urbain, d’abord en la rendant adaptée à tout le monde. Pas une ville abandonnée aux automobiles, mais une ville de l’usager, harmonisée, sécurisée et qui laisse aussi sa place à l’aventure.

Quels sont les plus grands obstacles, dans la ville, pour les enfants ?

Le plus grand obstacle est évidemment l’automobile. Devant la taille d’un enfant et sa fragilité, la voiture est un monstre de métal, un véritable danger, y compris à l’arrêt. Mais le mobilier urbain représente aussi un obstacle, nous avons pu l’expérimenter en plaçant une caméra à la hauteur des yeux d’une enfant de cinq ans. La ville prend une autre dimension.

Les trottoirs non plus ne sont pas assez larges, ils ne permettent pas aux enfants de s’ébattre tel que leur corps leur permet de le faire dans leur non-conscience du danger. Il faut avoir en tête qu’un enfant se promène dans la rue dans un climat de confiance, car il est accompagné d’adultes qui prennent soin de lui.

D’une manière générale, la ville n’est pas accueillante pour les adultes, il n’y a donc aucune raison qu’elle le soit pour les petits.

D’une manière générale, la ville n’est pas accueillante pour les adultes, il n’y a donc aucune raison qu’elle le soit pour les petits. La ville est fonctionnelle, entièrement abandonnée aux automobilistes. Dans l’aménagement de la voirie, c’est toujours le piéton qui doit se déplacer pour rejoindre son arrêt de bus ou son passage piéton sans jamais gêner le flux de voitures.

Que faudrait-il pour rendre la ville plus adaptée aux enfants ?

Si l’on se préoccupait davantage de tous les habitants à commencer par les enfants, tous les trottoirs ne seraient pas asphaltés. Cela pose, d’abord, un problème d’imperméabilité de la ville. D’ailleurs aux États-Unis, certaines villes arrêtent de tout bitumer. Il faut donner une place circonscrite au piéton « efficace » qui ne veut pas se salir les pieds, et ouvrir le reste de trottoir à d’autres matières.

La tendance pour les enfants est d’élaborer des parcours spécifiques pour l’école en parallèle à la « vraie rue », au trajet efficace abandonné aux voitures.

L’autre point, c’est l’itinéraire et sa qualité : en France, ce qui prime, c’est la destination, pas le parcours. La tendance pour les enfants est d’élaborer des parcours spécifiques pour l’école en parallèle à la « vraie rue », au trajet efficace abandonné aux voitures. C’est dommage, car c’est une séparation au lieu d’un partage de l’espace public.

Et puis hors des villes, le centre bourg périclite : il n’y a pas de voirie au niveau des maisons individuelles, pas d’urbanisme rural. La vraie protection pour les enfants, c’est la maison, le jardin, puis l’écran. Si l’on veut rendre la ville ou ces abords de village un peu plus sûrs pour les enfants, il n’y a pas d’autre solution que de faire ralentir les voitures.

Les aires de jeux en France sont très standardisées…

C’est certainement pour des raisons de sécurité qu’on a des aires de jeux normalisées qui ne sont aucunement des terrains d’aventure. La réglementation et la question de la responsabilité juridique du maire sont vraiment en cause en France. Si une passerelle se rompt, un panier de basket se décroche… le maire est attaqué par les parents. Il a tout intérêt à prendre le maximum de précautions.

La réglementation et la question de la responsabilité juridique du maire sont vraiment en cause en France.

En Allemagne, les terrains vagues agrémentés d’équipements apparaissent dès les années 1830, ils sont repris par les États-Unis après la guerre de Sécession. Alors que nos parcs français déterminent des tranches d’âges, il n’y en a pas dans ces terrains d’aventure, pour que les grands frères et sœurs surveillent les plus petits et que ceux-ci aient envie d’imiter les plus grands.

Pour qu’il y ait confiance, il faut de la réciprocité et de la responsabilisation. Je pense que l’on doit faire confiance aux enfants : ils savent jusqu’où ils peuvent aller.

Thierry Paquot,
philosophe de l’urbain et essayiste, a dirigé en 2015 une exposition pour la communauté urbaine de Dunkerque, « La ville récréative ».

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