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Prévue dans le dernier plan de lutte contre les violences faites aux femmes, cette expérimentation nationale s'inspire des marches "apparues dans les années 90 au Canada", explique à l'AFP Laurent Giraud, directeur de France Médiation, réseau de médiation sociale qui la coordonne. Placée sous l'égide des secrétariats d'État aux Droits des femmes et à la ville, l'initiative associe habitantes des quartiers, mairies et associations.
Arcueil (Val-de-Marne), Creil (Oise) et Bordeaux ont déjà organisé des marches. Amiens, Avignon, Bastia, Lille, Mons-en-Baroeul (Nord), Montreuil, Paris XXe, Rennes et Saint-Etienne se préparent à le faire.
L'idée, déjà mise en œuvre auparavant dans certaines villes, en Seine-Saint-Denis ou encore à Clermont-Ferrand, est que les femmes réalisent un "diagnostic de terrain" et fassent des propositions de changements aux élus.
"On a constaté que dans la rénovation des quartiers, les décideurs étaient souvent des hommes, et que l'espace public était de moins en moins investi par les femmes", souligne Djamila Debab, médiatrice de l'association Interm'Aide qui pilote les marches à Creil.
"Elles ne vont plus dans certains endroits, progressivement grappillés par les hommes: par exemple, des rues commerçantes avec un café ou des débits de tabac devenus au fil des années strictement masculins". "Les femmes ne veulent plus passer dans ces endroits où elles sont parfois harcelées". Ou ne vont plus avec leurs enfants dans certains parcs, "en raison d'un sentiment d'insécurité, un malaise". Il s'agit aussi d'améliorer l'aménagement urbain, en repérant éclairage manquant ou défectueux, trottoirs défoncés, grilles cassées, saleté, nuisances olfactives ...
"Harcèlement sexiste"
À Creil, un groupe d'une douzaine de femmes volontaires a déjà effectué trois marches en février et début mars, le matin, l'après-midi et en soirée, dans une rue animée en journée mais "désertée dès qu'il fait nuit". "Il y a des femmes qui travaillent, d'autres pas, des femmes âgées et jeunes, de différentes origines. On a surtout voulu que ce soit ouvert à des personnes qu'on n'entend pas généralement", explique Mme Debab. Deux habitantes étaient chargées de prendre des notes, deux autres d'animer le groupe, une de prendre des photos. "Est-ce qu'on est suffisamment vues, est-ce qu'on peut être aidées en cas de difficulté, y a-t-il des piétons, de l'éclairage?", autant de choses à repérer.
Des médiatrices les ont accompagnées "pour les rassurer", mais sans intervenir "afin de ne pas les influencer". Les participantes feront prochainement une synthèse des trois marches à l'aide d'un logiciel fourni par France Médiation, avec leurs constatations et propositions d'amélioration, qu'elles présenteront aux élus municipaux. "Elles peuvent avoir un regard particulier sur le territoire, parce qu'elles sont femmes, parce qu'elles sont mères", souligne Laurent Giraud. "On cible des quartiers en politique de la ville. L'idée est que leur parole soit prise en compte, et qu'elles se réapproprient l'espace urbain, leur environnement de vie".
"Je veux que les femmes puissent être partout où elles le souhaitent, à l'heure où elles le veulent", déclare Pascale Boistard, secrétaire d'État aux droits des femmes.
Le gouvernement a demandé au Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes d'examiner le "harcèlement sexiste" dont sont victimes les femmes dans l'espace public. L'avis du Haut conseil, attendu en avril, devra comporter des recommandations, qui alimenteront les réflexions d'un groupe de travail sur les violences faites aux femmes dans les transports.