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Le SCOT, un bon outil si l'on s'en sert
Voir global, c'est anticiper, « imaginer l'avenir et prévoir tout ce qui concerne les logements, l'emploi, les réseaux, l'assainissement... un véritable exercice de prospective » explique Éric Hallereau, responsable du pôle aménagement et territoire de Vannes agglo, la CA du pays de Vannes (Morbihan). Selon lui, les SCOT et le Grenelle ont marqué un véritable tournant dans la manière d'aborder son travail. « Le Grenelle présente l'immense avantage de croiser les thématiques de l'habitat, des déplacements, du foncier et de l'urbanisme, cela oblige à avoir une vision plus globale que l'on ne poussait pas si loin auparavant ». Le rythme est lui aussi soutenu : pour qu'il colle à la réalité et à l'évolution du territoire, le SCOT est révisé tous les six ans. Sachant qu'il faut bien quatre ans d'études et de débat avec les élus pour en tracer les contours, à peine voté, il faut déjà envisager sa révision. Et outre ces délais très serrés qui permettent de coller au terrain, l'évaluation des politiques publiques vient s'ajouter comme un autre garde-fou. Fixer des objectifs, des actions, puis les évaluer... « Quand on évalue au quotidien, on est en capacité de réadapter les réalisations s'il y a des décalages, et d'éviter les inerties. »Car si certains aspects sont relativement prévisibles, comme l'évolution démographique grâce aux projections de l'Insee, d'autres s'avèrent beaucoup plus délicats à anticiper. C'est notamment le cas au niveau du secteur économique. « Les collectivités sont par nature un peu lentes, détaille Éric Hallereau, il peut alors y avoir des décalages dans la réalisation ». Et le temps d'un chef d'entreprise n'est pas celui d'une collectivité. « Entre la décision d'aménager un parc d'activités économiques, sa validation juridique, la réalisation des travaux et bien d'autres points encore, il faut compter deux à trois ans. Pour un chef d'entreprise, il est inconcevable d'attendre si longtemps. »Impossible d'être en mal de locaux, la nécessité d'avoir du foncier disponible est évidente pour préserver l'attractivité d'un territoire. Reste à trouver le juste équilibre, de manière aussi à ne pas froisser les habitants. « Il nous arrive d'avoir des échanges avec la population, qui nous renvoie que ça ne sert à rien d'aménager de nouveaux parcs alors que des locaux sont vides, c'est délicat » relate le responsable du pôle aménagement. Entre ce besoin d'avoir un temps d'avance, le choix de thématiques pour les parcs et par-dessus tout cela, la crise qui peut bouleverser le fragile équilibre, l'exercice est acrobatique.Les électeurs, fauteurs d'étalement
Il est encore plus acrobatique lorsque la donne électorale vient compliquer l'équation. Pour Jean-Jacques Faure, urbaniste et adjoint au maire de l'Isle-d'Abeau en Isère, « le SCOT est très important, il applique un certain nombre de règles, affiche son opposition à l'étalement urbain, le besoin de densifier... dans notre communauté de communes, chaque commune dispose d'un quota, un calcul a été fait pour que chacune sache ce qu'elle peut construire, dans quelle quantité et où, dans le but de réduire l'étalement urbain ». Une décision plus ou moins bien prise par les communes, qui perdent la main sur l'urbanisme et doivent affronter la colère des électeurs. « Les habitants sollicitent beaucoup, ils ont envisagé des projets de vente et ne comprennent pas qu'on ne puisse plus faire comme avant », précise Jean-Jacques Faure. La conséquence de ces protestations est sans appel : plus une échéance électorale approche, moins la mise en application du POS est une priorité... « On soigne l'électorat jusqu'aux prochaines élections, même si cela signifie perdre une année de travail et voir l'étalement urbain se poursuivre » confie un agent territorial en charge de l'urbanisme, qui a souhaité garder l'anonymat. « De toute façon on le sait, rien ne peut être entrepris cette année-là, c'est une année ''cuite" ».Marylise Lebranchu a confirmé le transfert des PLU aux intercommunalités.
Lâcher prise sur l'urbanisme
C'est en effet un des points les plus difficiles à accepter pour les communes : lâcher prise sur les plans locaux d'urbanisme (PLU). L'acte III de la décentralisation dévoilé par Marylise Lebranchu en décembre 2012 ne va pas les réconforter, puisqu'il confirme le transfert des PLU en direction des intercommunalités, afin d'avoir une meilleure vision d'ensemble. Pour autant, précise Éric Hallereau, « l'intercommunalité n'a de sens que si elle arrive à bien travailler avec ses communes. Elles réalisent un vrai travail hyperqualitatif, le dialogue est très important ». Un dialogue parfois absent, d'après Jean-Jacques Faure, qui regrette de n'avoir jamais été convié à donner son avis par l'agence d'urbanisme en charge du territoire auquel sa ville appartient.Pour Robert Hermann, urbaniste, président d'Adeus (l'Agence de développement et d'urbanisme de l'agglomération strasbourgeoise) et premier adjoint au maire de Strasbourg, « le PLU communautaire prend en compte l'avis des maires et oblige à la concertation, à la compréhension du territoire. Cela ne provoque pas de frustrations incontournables dès lors que les communes sont associées à la concertation ». Reste à savoir si leurs suggestions sont prises en compte, lorsqu'elles sont écoutées. À Saint-André-le-Gaz, près de l'Isle-d'Abeau, Jean-Jacques Faure a pu constater le gouffre qu'il y avait entre les désirs de la commune et les choix faits lors de l'élaboration du SCOT. « La ville a une zone non construite près de sa gare, mais le maire ne voulait rien faire dans ce coin. Une vraie bataille des visions a eu lieu, puisque les orientations prises par le SCOT sont de densifier les environs des gares. La marge de manœuvre des petites collectivités est considérablement réduite. »C'est une nouvelle répartition des cartes qui est en train de se dessiner. Le besoin d'avoir une meilleure vision d'ensemble est inéluctable, mais il ne se fait pas sans questionnement sur le rôle de chaque entité, commune et agglomération. Ces nouveaux outils et ces cadres seront appréhendés avec le temps, l'acte III de la décentralisation aidera certainement à donner de meilleures définitions des rôles de chacun. Pour autant, des résultats très concrets sont déjà visibles : « Notre programme d'habitat prévoit de diminuer les espaces consommés, explique Éric Hallereau, avant le SCOT nous consommions 120 hectares par an, nous sommes maintenant à 80 ». Reste à trouver le bon compromis pour ne pas frustrer tous ces riverains en quête du pavillon de leurs rêves, situé à proximité de tous les équipements... ce qui n'est pas une mince affaire.Étudier les modes de vie pour mieux anticiper Les centres commerciaux sont très forts pour ça : observer les modes de consommation des habitants et anticiper leurs besoins pour s'implanter au bon endroit. Observation et anticipation sont essentielles, pourtant les collectivités sont à la traîne sur cet aspect. Adeus, l'Agence de développement et d'urbanisme de l'agglomération strasbourgeoise, se targue d'être la seule en France à mener une enquête sur les modes de vie. En partenariat avec l'école polytechnique de Lausanne, 3 000 ménages font l'objet d'une enquête régulière. L'allongement de la durée de vie, la cohabitation des générations, les nouvelles cultures numériques, l'évolution du travail et des comportements d'achat y sont scrutés de près.