Face au désastre de l’étalement urbain, des élus inquiets et frileux

Face au désastre de l’étalement urbain, des élus inquiets et frileux

Un lotissement à Sautron, Loire Atlantique

© AdobeStock

S’ils acceptent le principe d’une consommation plus sobre des espaces, les élus restent plus dubitatifs face à l’appréhension des nouvelles règles du jeu urbanistiques. Comment rendre son territoire plus attractif s’il ne peut plus se développer ?

En 2015, 9,4 % du territoire métropolitain étaient considérés comme artificialisés, contre 8,3 % en 2006. Soit l’équivalent de la surface moyenne d’un département français d’espaces naturels, agricoles ou forestiers disparu en dix ans. L’impérieuse nécessité de la lutte contre l’étalement urbain, inscrite dans le projet de loi Climat, examiné en première lecture par l’Assemblée nationale jusqu’au 4 mai, ne fait aucun doute, mais pose un certain nombre de questions.

L’artificialisation a des conséquences sur l’environnement et constitue une menace pour la biodiversité

L’objectif du Gouvernement est de réduire de moitié, par rapport à la décennie précédente, le rythme d’artificialisation des sols sur les dix prochaines années. L’habitat (40 %) avec l’accélération de la construction de lotissements en zone périurbaine, les transports (28 %) induisant la réalisation de routes et l’extension des zones commerciales (16 %) sont montrées du doigt comme de grands dévoreurs d’espaces naturels. L’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) explique cette hausse par la « tendance à la décohabitation et à la baisse du nombre de personnes par ménage, mais aussi par la forte augmentation des résidences secondaires et des logements vacants ».

Traduire cette volonté dans les codes d’urbanisme

Cette artificialisation a des conséquences sur l’environnement et constitue une menace pour la biodiversité. L’Insee assure qu’elle « engendre une perte de ressources en sol pour l’usage agricole et pour les espaces naturels », et qu’elle peut « notamment accélérer le ruissellement des eaux pluviales, accroître la vulnérabilité aux inondations et dégrader la qualité chimique et écologique des eaux ».

« Un certain nombre de maires ruraux ont peur que cette loi les fige dans leur ruralité »

Autre conséquence notable : « L’étalement urbain affecte la qualité de vie. Les personnes doivent passer plus de temps dans les transports en commun ou davantage emprunter leurs véhicules motorisés, consommant plus d’énergie et amplifiant leurs émissions de gaz à effet de serre et de polluants dans l’air », ajoute l’institut de statistiques. Pour le Gouvernement, il est grand temps d’agir : en intégrant « la lutte contre l’artificialisation des sols dans les principes généraux du code de l’urbanisme », peut-on lire dans le projet de loi.

Un ralentissement, pas un blocage

Cet horizon implique de réviser complètement le logiciel du code de l’urbanisme, l’objectif du « zéro artificialisation nette » impliquant que le grignotage de nouveaux espaces naturels, forestiers ou agricoles dans les plans d’occupation des sols ne sera autorisé que si un besoin démographique ou économique sera avéré. De leur côté, les nouvelles zones commerciales ne pourront excéder les 10 000 mètres carrés.

Les associations de défense de l’environnement regrettent un texte trop frileux

Certains élus ne cachent pas leur perplexité. Jean-René Cazeneuve (LREM), rapporteur général du projet de loi Climat, le confirme : « La manière dont va se répartir cet effort entre collectivités, c’est un sujet de démocratie. Un certain nombre de maires ruraux ont peur que cette loi les fige dans leur ruralité, et de ne plus avoir le droit de construire un lotissement ou de recevoir une entreprise ». Le député se refuse pourtant à parler de « blocage », insistant plutôt sur « un ralentissement de l’étalement urbain. On s’inscrit dans le temps, on parle des dix prochaines années. En aucune manière, cela ne veut dire stopper quoi que ce soit qui est prévu aujourd’hui, cela veut dire simplement prévoir différemment à l’avenir ».

Frilosité et inquiétude

Les associations de défense de l’environnement regrettent un texte trop frileux. Elles pointent des manques : les moyens alloués à la densification et à la reconversion des friches ne figurent pas dans le texte ; la question des surfaces commerciales de moins de 10 000 mètres carrés et des entrepôts d’e-commerce reste aussi en suspens. De l’autre côté du spectre des critiques, les professionnels de l’immobilier craignent une inévitable hausse des prix du foncier et donc un coût final plus élevé des projets immobiliers. L’enjeu est de taille : comment construire, notamment des logements sociaux, en disposant de moins en moins de terrains ? L’équation technique devient politique.

Lire la suite de ce dossier : Pour maîtriser l’étalement urbain, le dur quotidien du maire aménageur

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