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Certains vivent avec tellement de douleur qu’on les prive d’un mandat qu’ils estimaient leur appartenir pour la vie qu’ils sont capables d’utiliser tous les stratagèmes pour garder le pouvoir.
« Bande de machos »
La fin du cumul des mandats est un déchirement. C’était mieux avant : quand on pouvait rester premier adjoint ou premier vice-président. Mais la loi est devenue si stricte : pas question de serrer de trop près un successeur fantoche, il n’est aujourd’hui possible que de rester conseiller de base. Alors place à l’ingéniosité pour garder le pouvoir.
Vous êtes des machos : seule sa compétence a présidé au choix de sa femme.
Des exemples ? Il y en a comme s’il en pleuvait. Il y a Jean-Christophe Lagarde, le patron de l’UDI, qui s’est fait remplacer par sa femme, élue maire de Drancy. Face aux critiques, la défense tient en deux arguments. Un, on a été transparent (« chaque électeur, a osé Lagarde, savait au moment de m’élire ou non député ce qui allait se passer à la mairie »). Deux, vous êtes des machos : seule sa compétence a présidé au choix de sa femme (« Devenir Aude Lagarde devait-il me priver de mes droits civiques en m’empêchant de devenir maire ? » a lancé la nouvelle édile après son élection). On pourra ricaner un peu plus en apprenant que, dès l’élection de la maire actée, son mari, simple conseiller municipal donc, est allé s’asseoir à sa droite.
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Pas maire, mais maire quand même
D’autres n’ont même pas eu la « pudeur de gazelle » de tenter de préserver les apparences. Le plus indécent, comme l’a raconté le Canard enchaîné, est sans doute François Cornut-Gentille (LR). L’homme a un solide passé de cumulard : député-maire de Saint-Dizier depuis 1993 et président de la communauté d’agglomération, il entame donc le 18 juin 2017 son cinquième mandat de député. Fort marri de ne pouvoir terminer son quatrième mandat de maire, il avait expliqué à qui voulait l’entendre qu’il trouverait un moyen de « contourner la loi », lâchant qu’il entendait « être un Poutine » local, même s’il ne connaissait pas son Medvedev.
Il a tellement organisé la concentration des pouvoirs que c’en est bluffant.
Il a fini par le trouver en la personne de sa neuvième adjointe, Elisabeth Robert-Dehault. Mais il a tellement organisé la concentration des pouvoirs que c’en est bluffant. Déjà, il a gardé son bureau de maire. Ensuite, il a refusé que soit pourvue d’un adjoint la délégation aux Grands projets culturels et au musée, puisqu’il « en gardait la responsabilité ». Enfin, et c’est sans doute le plus beau, il a créé un « comité stratégique » où il siège avec la nouvelle maire et le nouveau président de la communauté d’agglomération et dans lequel les deux derniers sont priés d’entériner ses décisions. Pas maire, mais quand même maire : du grand art !
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C’est moi qui décide
On ne saurait terminer cet article sans citer ceux qui, sans être forcément touchés par le non-cumul, savent qu’ils devront un jour quitter le pouvoir. C’est le cas d’Alain Juppé et de Jean-Claude Gaudin, respectivement 72 et 77 ans. Le premier, dans la droite lignée d’un Chaban-Delmas qui exécuta méthodiquement tous ses successeurs potentiels, vient de renier Virginie Calmels (qui « n’avait pas les épaules ») et expliquer qu’il « serait une hypothèse » qu’il se succédât à lui-même.
Pourquoi laisser la démocratie faire quand on peut tout régler soi-même ?
Le second, qui sait que la fin de sa vie (politique) est proche, s’est chargé d’annoncer à la presse le savant mécano de succession qu’il a mis au point : un adjoint, Bruno Gilles, à la mairie, une autre, Laure-Agnès Caradec, au poste de premier adjointe et à la présidence d’Euroméditerranée. Et enfin, la présidence de la métropole pour l’actuelle patronne du département, Martine Vassal. Pourquoi laisser la démocratie faire quand on peut tout régler soi-même ?
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