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Face à l’inefficacité des solutions d’urgence, d’autres manières de faire ont été testées. Plus pérennes et laissant davantage de place à la personne, elles ont prouvé leur efficacité. Jusqu’à permettre le « Zéro SDF » ?
La part consacrée aux dépenses de logement augmente chaque année un peu plus dans le budget des foyers et ce, partout en Europe. Selon le dernier rapport sur le mal-logement de la Fondation Abbé Pierre, tous les pays européens affichent de fortes hausses du nombre de personnes ayant fait une demande d’hébergement d’urgence.
11 millions de ménages seraient concernés, soit 4,8 % de la population européenne. Quant à la France, il existe peu de chiffres récents. Aussi incroyable que cela paraisse, la dernière étude consistante remonte à 2012 : l’Insee comptait 143 000 sans-abri. Depuis, seuls certains indicateurs laissent entrevoir cette hausse. On sait par exemple qu’en juin 2018, le 115 a enregistré 20 845 demandes d’hébergement, soit une augmentation de 17 % par rapport à juin 2017.
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Le logement d’abord, une méthode éprouvée
Sans connaître l’ampleur réelle du nombre de sans-abri, le gouvernement a pourtant lancé un plan quinquennal « pour le logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme », visant à orienter rapidement les personnes SDF vers un logement durable grâce à un accompagnement adapté. Ce plan comprend cinq priorités, consistant à mobiliser des logements abordables, faciliter et accélérer l’accès aux logements, favoriser le maintien d’une personne en difficulté dans son logement et recentrer l’hébergement d’urgence sur des missions de réponse immédiate.
En mars 2018, 24 territoires ont été sélectionnés. Tous les acteurs locaux concernés s’engagent conjointement sur des objectifs partagés de résultats et de moyens destinés à réduire drastiquement le nombre de sans-abri. Ils peuvent, dans ce cadre, recourir à de nouveaux modèles d’interventions.
Cette méthode de réinsertion sociale, expérimentée à New York dès les années quatre-vingt-dix, donne des résultats probants
Le « housing first », venu d’Amérique du nord, est donc le modèle retenu par le gouvernement. L’idée consiste à sortir de la rue une personne SDF pour lui remettre les clés d’un appartement duquel il sera seul locataire, plutôt que de passer par des structures d’hébergement d’urgence accompagnées de démarches longues et coûteuses pour obtenir un logement pérenne.
Cette méthode de réinsertion sociale, expérimentée à New York dès les années 1990, donne des résultats probants. Salt Lake City a ainsi déployé, entre 2005 et 2015, un programme pluriannuel d’actions connu pour avoir permis de réduire le nombre de sans-abri de 72 % en 10 ans.
À LIRE
Christophe Sente et Julien Raone, Zéro SDF ? L’attribution universelle d’un logement, par les politologues, Fondation Jean Jaurès, paru le 6 mars 2018.
Donner de l’argent, sans contrepartie
Une autre méthode a également éclos à la même époque : donner de l’argent, sans contrepartie. Expérimentée à Londres par l’ONG Broadway en 2010, elle consiste à proposer à une personne à la rue d’utiliser un budget de 3 000 livres sterling pour redonner une direction à sa vie.
Quinze personnes sans-abri depuis au moins quatre ans ont fait partie du test. La somme n’était pas remise en mains propres, mais chaque bénéficiaire devait discuter avec un assistant social de l’usage qu’il souhaitait faire de cet argent pour qu’il lui soit remis au fil de ses projets. Ce mode d’intervention basé sur la responsabilisation a permis à dix des quinze participants de retrouver un logement, principalement en usant cet argent pour payer la caution nécessaire à une petite location, puis pour acheter du mobilier.
Quelques années après la mise en place de ce programme, les conditions de vie générales de la population ont connu une amélioration sensible
Cette méthode a initialement été testée dans les années 1990 par le Mexicain Santiago Levy, qui recommandait la distribution directe d’argent aux citoyens les plus pauvres, à la seule condition que ceux-ci veillent à la scolarisation et au maintien de la santé de leurs enfants. Quelques années après la mise en place de ce programme, une étude a révélé que les conditions de vie générales de la population avaient connu une amélioration sensible.
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