Florence Presson : « Nous réclamons en urgence la protection des personnes contre les pesticides »

Stéphane Menu
Florence Presson : « Nous réclamons en urgence la protection des personnes contre les pesticides »

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C’est une colère qui monte et elle est le fait de maires déterminés, au-delà des chapelles politiques. La justice donne de plus en plus raison aux maires qui décident d’interdire le recours aux pesticides sur leur territoire. Mais l’État, malgré quelques pas dans la bonne direction, reste prudent. C’est cette prudence que le collectif des maires anti-pesticides entend combattre dans les prochains mois. Entretien avec Florence Presson, vice-présidente de ce collectif.

Florence Presson est adjointe au maire déléguée à la Transition énergétique, numérique et à l’Économie circulaire de la ville des Sceaux.
Elle est vice-présidente du collectif des maires anti-pesticides.

Fin décembre 2019, le collectif national des maires anti-pesticides de France a été constitué en association. Il réunit plus de 120 communes. S’agit-il d’être plus solides juridiquement ou de peser davantage dans le débat public ?

Ce collectif existait depuis le mois d’août 2019. Nous avons décidé d’évoluer en association pour peser juridiquement suite à l’arrêté du 29 décembre 2019 de l’État dont nous réclamons la suspension en urgence pour assurer la protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation.

Autant les mesures annoncées par le gouvernement s’appliquant dans le milieu non agricole sont très favorables, autant celles s’appliquant au milieu agricole sont dérisoires. La nouvelle distance des vingt mètres pour les produits les plus dangereux est une reconnaissance mais elle n’est pas suffisante. Avec ce nouveau statut d’association, le collectif pourra lui-même se positionner en justice, faire des recours aux côtés des maires, ou bien encore contester certaines décisions administratives, par exemple devant la Cour de Justice de l’Union européenne.

Dans l’arrêté publié du 29 décembre, les maires ne sont pas intégrés dans les instances de décision pour déterminer si oui ou non l’utilisation des pesticides doit être interdit

Dans les sept décisions prises par les juges du tribunal administratif, ces derniers assurent que les maires ont eu raison de pointer la dangerosité de la situation et mettent en évidence les carences de l’État. Or, dans l’arrêté publié dans le JO le 29 décembre (n° 1500), les maires ne sont pas intégrés dans les instances de décision pour déterminer si oui ou non l’utilisation des pesticides doit être interdite. Au contraire des bailleurs, des syndics de copropriétés ou des propriétaires d’espaces verts privés qui pourront décider de leur interdiction. Cette décision va à l’encontre du mouvement qui se dessine. Les bailleurs nous suivent généralement et même la RATP et la SNCF ont décidé de stopper le recours aux pesticides et autres produits phytopharmaceutiques. En clair, à part l’État, tout le monde est contre, tant dans les zones urbaines que rurales.

Lire aussi : Arrêtés anti-pesticides, les raisons de la colère… des maires

Pourquoi l’État s’obstine-t-il ?

Je ne sais pas. On se demande s’il a lu les ordonnances des juges. Je pense que l’État considère que cette mobilisation relève uniquement d’une agitation préélectorale de certains maires. Ce collectif est composé uniquement de maires. Ils laissent tous leur étiquette politique en dehors du collectif. Notre objectif est d’accompagner les agriculteurs dans la transition vers d’autres pratiques.

Notre objectif est d’accompagner les agriculteurs dans la transition vers d’autres pratiques

À l’instar du scandale du Médiator, nous ne pensons pas que ce sont les médecins qui en sont responsables, mais le laboratoire qui l’a commercialisé. Nous demandons à l’État de créer un fonds pour aider les agriculteurs à franchir le pas, car ils sont eux-mêmes dans une grande situation de fragilité. Si les agriculteurs font cet effort, les communes peuvent acheter directement leur production et leur permettre de trouver la bonne équation économique pour sortir de l’ère des pesticides. Toujours en fin d’année, un arrêté est paru précisant la liste des maladies professionnelles et les produits qui les provoquent : les pesticides et les produits phytosanitaires en font partie. Sur le sujet, l’État dit tout et son contraire.

Lire aussi : Environnement : pas touche à ceux qui avancent

Sentez-vous les agriculteurs prêts à évoluer ?

Pas ceux syndiqués à la Fnsea ((Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.)) en tout cas, à qui leur centrale syndicale interdit de participer à des réunions dans les mairies sur le sujet. Ceux de la Confédération paysanne y sont plus disposés. Mais j’insiste encore sur ce point. Les agriculteurs ne sont pas le problème. Ils sont esclaves des entreprises qui commercialisent ces produits et qui ont appauvri les terres. Il faut les aider à se sortir de ce modèle suranné de production. C’est un combat qui ne peut être gagné qu’avec les agriculteurs.

L’Anses donne pourtant raison à l’État…

Il faut prendre le temps de lire là aussi les vingt pages de cet avis publié le 14 juin 2019.

Aura-t-on le même discours que l’on tient aujourd’hui sur l’amiante, alors qu’on en connaissait les dégâts ?

Il repose sur des données recueillies dans les années quatre-vingt, où les conséquences de l’inhalation des pesticides dans des champs n’ont pas été testées. Et l’Anses ((Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail.)) reconnaît elle-même que des examens complémentaires sont nécessaires. L’avis de l’Anses précise qu’en Wallonie, la distance minimum est de cinquante mètres. Les Wallons sont-ils plus prudents que les Français ? Que va-t-on dire dans dix ans ? Aura-t-on le même discours que l’on tient aujourd’hui sur l’amiante, alors qu’on en connaissait les dégâts ?

Lire aussi : Pourquoi il faudra voter pour les maires du changement

Les récentes décisions de justice vont plutôt dans le sens des communes. La bataille judiciaire est-elle en train d’être gagnée ?

Nous attendons avec impatience le 4 février, date à laquelle le Conseil d’État devrait se prononcer sur notre demande de suspension d’urgence. Si nous n’obtenons pas gain de cause, avec notre avocate, Corine Lepage, nous continuerons à mener le combat pour faire entendre raison à l’État.

Pour contacter le collectif : maireantipesticide.fr ; contact@maireantipesticide.fr

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