Gand : un plan vélo vieux de 25 ans

Marjolaine Koch
Gand : un plan vélo vieux de 25 ans

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© Alain Rouiller - Flickr

En Belgique, la ville de Gand inaugurait son premier plan vélo en 1993. Aujourd’hui, la ville estime que 30% des déplacements se font à vélo, et ce, grâce à des infrastructures cyclables efficaces et sécurisantes.

Elle fut l’une des grandes cités flamandes au Moyen-Âge et à la Renaissance, dont elle a conservé un patrimoine architectural considérable. Soigneusement alignées au bord de l’eau, les demeures flamandes donnent ce charme unique à la concurrente de Bruges. Mais deux points différencient Gand de Bruges : d’abord, alors que Bruges a gagné le surnom de « belle endormie », Gand a toujours conservé un dynamisme envié de ses voisines. Mais elle se différencie aussi par la place rendue aux piétons et aux cyclistes.

Fietsbeleidsplan

La municipalité de Gand, bien avant la plupart des autres, a compris que le vélo n’est pas réservé à un usage récréatif et l’a considéré comme un véritable moyen de transport. Les infrastructures nécessaires ont été aménagées pour que son usage se développe. Dès 1993, Gand inaugurait le « Fietsbeleidsplan », un plan pionnier en la matière, décrivant comment les pistes cyclables devaient relier le centre-ville aux quartiers environnants, appelés en Belgique les « communes » de Gand.

Ces pistes cyclables souvent bidirectionnelles, larges, sont l’armature du réseau

Dans la mise en place de ce plan, l’une des premières stratégies a consisté à aménager huit routes cyclables principales. Longeant les grands axes, ces routes permettaient de traverser la ville de manière sécurisée en étant totalement isolées des portions routières. Ces pistes souvent bidirectionnelles, larges, sont l’armature du réseau.

Ensuite, les voies « secondaires » se sont étoffées au fil des années. Pour que ces aménagements s’intègrent aux infrastructures existantes, ils ont été envisagés dans une approche globale comprenant à la fois les questions d’urbanisme, de mobilité et d’infrastructure. L’objectif était de mettre en place une politique de « gestion de la circulation » qui comprenne tous les moyens de transport, au même niveau d’intérêt.

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Les pistes deviennent rouges

À la différence de la plupart des autres villes qui ont aménagé des pistes cyclables, Gand a rapidement pris conscience qu’une augmentation de la fréquentation desdites pistes nécessitait de renforcer la sécurité aux carrefours les plus dangereux. La tendance, en France, est plutôt de faire disparaître la piste cyclable à l’approche d’un carrefour ou d’un rond-point, puis de la reprendre de l’autre côté. Charge au cycliste de traverser la zone sans risquer sa vie… Ces secteurs poussent de nombreux cyclistes potentiels à renoncer à l’hypothèse du vélo quand il faut choisir un mode de déplacement.

Les rues où se trouvent des écoles sont interdites à la circulation aux heures de pointe du matin et du soir

À Gand, au contraire, les pistes deviennent rouges sur ces zones pour capter l’attention de l’automobiliste, tout en garantissant au cycliste un « droit de passage » qui lui évite d’avoir à se faufiler dangereusement entre des véhicules qui risqueraient de ne pas le remarquer. Dans le même temps, la ville a soigné l’aménagement des rues où se trouvent des établissements scolaires : elles sont même interdites à la circulation aux heures de pointe du matin et du soir. Une incitation de plus à prendre le vélo, même en tant que parent d’enfants en bas âge.

Gand, fiche technique
260 341 habitants au 1er janvier 2018
65 000 étudiants dont 80 % sont des usagers du vélo et les 2/3 l’utilisent quotidiennement
15 643 ha de surface, dont 35 ha de zone piétonne, 1 046 km de routes publiques et 382 km de pistes cyclables.
180 000 déplacements à vélo chaque jour.
Plus de 3 000 vélos loués mensuellement ou annuellement par les usagers.
Service de mobilité communal au sein du département des services techniques : 17 employés + 6 surveillants de bicyclettes + 5 équipiers chargés de rentrer les bicyclettes + 5 patrouilleurs scolaires (la collectivité compte 5 000 employés). Ces équipes ont en charge la maintenance des remises à vélo, l’entretien des pistes cyclables, l’enlèvement des vélos abandonnés ou stationnés dangereusement…

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Des pistes cyclables aux rues cyclables

Douze ans après la mise en place du premier plan vélo, en 2005, la proportion des déplacements à vélo passait à 14 %. Sur cette période, les plans de mobilité ne se sont pas contentés, au fil des ans, d’étoffer le maillage de pistes cyclables. La zone sans voiture s’est élargie en cœur de ville, tout en donnant de plus en plus priorité aux cyclistes, aux piétons et aux transports en commun dans nombre de rues réaménagées. L’objectif : que les cyclistes puissent atteindre leur destination rapidement, confortablement et en toute sécurité.

Il est légitime pour le cycliste de rouler en plein milieu de la chaussée

Pour y parvenir, les premières « rues cyclables » ont été inaugurées en 2011 : les voitures y sont les bienvenues, mais elles ne sont pas autorisées à doubler les cyclistes et à dépasser la vitesse de 30 km/h. Le cycliste est considéré comme l’utilisateur principal. Pour signaler ces zones, l’intégralité de la chaussée a été repeinte en rouge, avec le marquage du cycliste au centre : il est légitime pour lui de rouler en plein milieu de la chaussée.

Ces rues cyclables sont principalement des rues peu fréquentées en voiture, elles permettent de constituer un prolongement du réseau existant. En inaugurant ce type de voie, Gand a pris l’initiative de porter son projet au niveau national, pour que les « rues à vélo » soient incluses dans le code de la route officiel, ce qui fut fait dès février 2012. Dans certains quartiers, comme la Visserij, la création de ces rues a entraîné une nette augmentation du nombre de cyclistes et une diminution du nombre de véhicules. À l’heure actuelle, la ville compte 17 rues cyclables, déjà en service ou en cours d’aménagement.

Lire aussi : Vélo en ville : des solutions de stationnement individualisées

L’heure des autoroutes cyclables

Comme le développement des infrastructures provoque le développement de l’usage du vélo, Gand doit désormais adapter l’existant aux nouveaux modèles de vélo qui apparaissent : vélos cargos et vélos électriques changent la donne, pour l’espace nécessaire mais aussi pour la vitesse de ces véhicules.

Une vision d’ensemble, couplée aux autres moyens de locomotion, permet à Gand d’afficher un taux d’usage toujours plus élevé

Avec l’arrivée des VAE, les cyclistes sont prêts à parcourir de plus longues distances : ils viennent de plus loin et incitent, de ce fait, la ville à travailler avec les collectivités voisines pour mettre en place un réseau étendu. L’heure est venue de mettre en place des « autoroutes » cyclables.

En parallèle, le stationnement des vélos doit être pris en compte, car il peut représenter un frein à l’usage s’il est difficile de se garer correctement et sans danger. Le plan de stationnement 2020 prévoir la création d’un parc de stationnement pour vélos à 100 mètres de chaque « porte d’entrée » de la ville, autrement dit dans la ceinture du XIXe siècle qui caractérise Gand. Dans ces zones historiques, constituées de bâtiments fermés typiques, les habitants peuvent rarement ranger leurs vélos chez eux. Mais de nouveaux concepts de stationnement pour vélos sont aussi à l’étude, notamment pour le stationnement de courte durée : parkings intérieurs, flexibles, combinés à des parkings auto pour améliorer le passage de la voiture au vélo…

Une vision d’ensemble, couplée aux autres moyens de locomotion, permet à Gand d’afficher un taux d’usage toujours plus élevé. Aujourd’hui, 30 % des déplacements se font à vélo. L’objectif est de porter ce chiffre à 35 % pour 2030.

1993 : premier plan vélo
1997 : plan de mobilité pour le centre-ville (35 ha de zone piétonne)
1999 : plan de viabilité du trafic
2001 : plan Pegasus sur le transport public
2003 : plan de mobilité pour la ville
2013 : nouveau plan de mobilité

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