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Cela va sans dire : la France s’est grandement améliorée en quarante ans. Le tri des déchets est entré dans les mœurs, chacun s’est habitué à voir cohabiter bac gris, bac jaune, bac bleu ou bac vert selon les collectivités.
Pour autant, sur le terrain, les disparités sont nombreuses. Disparités dans les consignes de tri, dans les méthodes employées, innovantes ou non. Combien de collectivités ont déjà franchi le pas de la facturation incitative ? Combien ont entrepris des démarches d’économie circulaire ? Trop peu, répond la mission d’évaluation des politiques publiques, chargée de remettre son rapport sur la gestion des déchets par les collectivités territoriales. C’était en décembre 2014. Son constat est sans appel : la route est encore longue pour parvenir à harmoniser le tri et les modes de gestion.
Déchets, les chiffres
En 2013, le service public de gestion des déchets a pris en charge 37,6 millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés. Le chiffre se stabilise pour la première fois.
En 2012, 14,2 millions de tonnes de déchets ont été incinérés avec récupération d’énergie, 17,9 millions de tonnes de matériaux recyclés utilisés, et 19,5 millions de tonnes de déchets envoyés dans les installations de stockage.
Source : Ademe
Les centres de tri : trop petits, trop nombreux
Première spécificité de la France : disposer d’un grand nombre de centres de tri de faible capacité. 237 centres existaient en 2011, avec une capacité moyenne de 12 kilo-tonnes/an, quand l’Allemagne tourne à 28 kilo-tonnes et le Royaume-Uni ou l’Espagne à 40 kilo-tonnes. « Cette situation résulte du morcellement des autorités communales et intercommunales à qui a été confiée la gestion des déchets » analyse le rapport.
Pour les élus, ce morcellement répond à une préoccupation d’emploi local et d’insertion. Le nombre total d’emplois directs générés par l’activité de tri des collectes séparées est estimé à environ 7 000 par l’Ademe. La loi Notre, publiée il y a tout juste un an, répond d’ailleurs à cette nécessité d’éviter le morcellement, en transférant l’ensemble des compétences de planification de la politique de prévention et de gestion des déchets à la région. Avec les intercommunalités, les treize régions deviennent l’échelon privilégié où se dessine et se décide la politique territoriale de gestion des déchets.
La taille sous-optimale et l’émiettement des centres de tri rendent impossible la modernisation des sites.
Ces tailles sous-optimales et cet émiettement des centres de tri posent un autre problème : l’impossible modernisation des sites. Un blocage qui nuit à l’efficacité du service public et empêche de répondre aux enjeux de massification des flux.
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Pas, ou presque de part incitative
Autre spécificité : la résistance des collectivités à instaurer une tarification incitative. En 2009, la loi Grenelle 1 prévoyait que la Teom et la Reom devraient intégrer, dans un délai de cinq ans, une part variable incitative, assise sur le volume ou sur le poids des déchets produits par les usagers. Mais en 2014, la part incitative de Teom était mise en œuvre dans trois collectivités, et la redevance incitative concernait moins de 10 % des collectivités financées par une Reom. Pourtant, des études ont montré que la tarification incitative provoquait une forte baisse des ordures ménagères résiduelles, une hausse de la collecte sélective et des flux en déchetterie.
Enfin, les incinérateurs améliorent leurs performances en termes de valorisation énergétique, mais il reste encore une belle marge de progression. La capacité des incinérateurs bénéficiant d’une modulation de la taxe générale sur les activités polluantes en fonction de leur bonne performance énergétique représente 7,8 millions de tonnes, soit un peu moins de la moitié du parc. Autrement dit, le rendement énergétique est correct seulement pour une petite moitié d’incinérateurs.
Le rendement énergétique est correct seulement pour une petite moitié d’incinérateurs.
« Cette situation conduit à des performances qui se situent dans la moyenne des pays européens. Depuis quelques années, les taux de recyclage sur les emballages ne progressent que faiblement et les volumes de déchets ne se réduisent pas malgré le coût croissant pour le contribuable local » analyse la mission. Charge aux régions et aux intercommunalités de s’accorder, et surtout de mettre en commun leurs infrastructures pour gagner en efficacité.
La nécessaire harmonisation du tri
C’est un gros point faible en France : chaque territoire distille ses propres consignes de tri. Difficile, dans ces conditions, de s’y retrouver quand on n’est pas chez soi. L’article 80 de la loi de transition énergétique demandait à l’Ademe de formuler des recommandations afin d’harmoniser les consignes de tri sur l’ensemble du territoire français d’ici 2025.
« Il existe six types de schémas de collecte en France, détaille Matthieu Orphelin, directeur économie circulaire et déchets de l’Ademe. Et même s’il n’existe pas un schéma ne présentant que des avantages, l’idéal serait de s’en tenir à deux, selon les spécificités du territoire. » Dans les deux cas, le verre est toujours collecté à part, comme les biodéchets. Le premier est un schéma multimatériaux, qui consiste à mélanger l’ensemble des emballages ménagers et des papiers. Ce schéma est déjà le plus répandu, il couvre 63 % de la population. Le second est un schéma fibreux/non-fibreux : un flux de collecte des déchets de papiers, d’emballages carton ou papier, et un autre avec les emballages ménagers en plastique et en métal. Pour l’instant, 6 % de la population utilise ce schéma.
Enfin, pour clarifier également la signification de chaque couleur, l’Agence propose de retenir la couleur jaune pour le flux multimatériaux ou les plastiques et métaux, bleu pour le flux papier-carton, vert pour le verre, brun pour les biodéchets. Reste le gris pour les ordures résiduelles, qui devraient être de moins en moins nombreuses.