Glyphosate : une farce pas vraiment nouvelle

Nicolas Braemer

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Glyphosate : une farce pas vraiment nouvelle

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© Claude Calcagno

C'est promis, dans trois ans, on aura interdit le glyphosate en France. Sauf que rien ne risque de se passer comme ça. Comme avec le nucléaire, la France a le chic pour cacher derrière les effets de manche son absence de lucidité et de courage face aux lobbys industriel. Voilà, encore une fois, une occasion ratée d'affronter un enjeu démocratique et sanitaire majeur.

Le vote des représentants des vingt-huit États membres de l’UE renouvelant pour cinq ans la licence du glyphosate nous enseigne plusieurs choses, et en dit long sur la capacité des décideurs publics (européens et français) à céder davantage aux lobbys industriels et financiers qu’aux intérêts des citoyens de la planète.

Un renoncement en 3 actes

Résumons les faits. Etape un : la licence d’exploitation du glyphosate dans l’Union européenne expirant le 15 décembre, les vingt-huit doivent voter, ou non, son prolongement. Ils décident donc de dire oui, mais pour cinq ans au lieu des dix initialement prévus. Etape deux, le président de la République, par l’intermédiaire d’un tweet au contenu ciselé, annonce avoir « demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que les alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans ».

« Il n’y aura pas d’arrêt s’il n’y a pas de produits de substitution ».

Etape trois : quelques jours plus tard, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travers (dont on sait que si ça n’avait tenu qu’à lui, on n’aurait rien interdit du tout), donne une explication de texte : « Il va falloir en finir avec le glyphosate en trois ans, mais il n’y aura pas d’arrêt s’il n’y a pas de produits de substitution ».

À voix haute et à voix basse

Voilà donc toute l’ambiguïté (ou la duplicité, chacun choisira) de la position française. A voix haute, on dit : « on interdit dans trois ans », puis à voix basse : « on essaie, mais si on n’y arrive pas, tant pis ». Mais on ne dit rien de la réalité de ce qui se joue : les profits colossaux que génère le glyphosate, le lobbying intense auquel se sont livrés les corruptions pour nier sa dangerosité, le fait que les agriculteurs soient, depuis des décennies, les victimes d’une agriculture intensive qui ne garantit des revenus suffisants qu’à une petite et très riche minorité, et le fait que l’on continue de défendre les herbicides chimiques.

« Si les autorités françaises décident de retirer tous ces produits, qu’elles le fassent ! ».

Ça ne vous rappelle pas quelque chose ? On a déjà joué la scène sur la fin du nucléaire. A force de dire qu’on ne pouvait pas renoncer à nos centrales tant qu’il n’existait pas d’alternative, nourrissant les intérêts d’EDF, d’Areva et des autres lobbys, on a compromis l’émergence des énergies renouvelables et laissé d’autres pays, Chine en tête, rattraper et largement dépasser l’avance technologique que nous avions. Au final, soit une catastrophe nucléaire nous fera amèrement regretter ça, soit nous finirons par nous en passer tout seuls, mais avec des technologies conçues et fabriquées ailleurs.

Tartufferie

Pour finir, pour mesurer le degré de tartufferie qui entoure ce dossier, on se contentera de citer Vytenis Andriukaitis, le commissaire européen à la Santé et à la Sécurité alimentaire, qui s’exprimait après la décision des vingt-huit : « Savez- vous combien de produits à base de glyphosate sont autorisés en France? Environ sept cents. Si les autorités françaises décident de retirer tous ces produits, qu’elles le fassent ! Cela ne relève pas de la Commission européenne ». Ben voilà.

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