Weather forecast in the city 3D
© Adobestock
La ville suédoise de Göteborg a choisi de faire de la pluie, qui tombe environ un jour sur trois, un atout. Devançant les changements climatiques et souhaitant assurer aux habitants comme aux touristes une expérience agréable par tous les temps, la ville a développé un plan pour inclure la pluie dans tous ses projets.
Il suffit parfois de changer de paradigme pour faire d’un soi-disant défaut, un atout original et convaincant. C’est l’idée de la ville de Göteborg, au sud de la Suède, ville parmi les plus pluvieuses d’Europe avec ses 163 jours de mauvais temps par an. À titre de comparaison, Paris cumule 113 jours de pluie par an en moyenne et Londres 111. Pourtant, sur les photos de promotion de la ville, seuls de grands ciels bleus semblent autorisés.
Le constat, partout, était le même : tout projet d’aménagement ou d’événement est systématiquement pensé sur un mode qui consiste à écarter la pluie pour la faire disparaître
Cette déformation de la réalité a fini par sauter aux yeux de quelques membres de la municipalité, qui ont alors réfléchi au moyen de rendre leur ville attractive par tous les temps. Cette initiative a donné naissance à un plan baptisé « Rain Gothenburg », dont l’objectif est de devenir « la ville la plus attractive au monde lorsqu’il pleut ». Vis-à-vis des touristes, la promesse est de ne jamais s’ennuyer, quelle que soit la météo annoncée. Et en arrière-plan, la ville anticipe aussi les risques liés au changement climatique : les précipitations vont augmenter et nécessitent de trouver de nouveaux moyens de gérer les eaux pluviales sans forcément les enfouir. Mieux vaut accepter tout de suite de les côtoyer en surface, pour s’éviter des solutions coûteuses ou des surdimensionnements utiles juste quelques jours par an.
Intégrer la pluie au lieu de la faire disparaître
Jens Thoms Ivarsson, artiste et designer, a été embauché par la municipalité il y a trois ans de cela pour répondre à cet objectif. Il est aujourd’hui le directeur créatif de la ville, et à force de projets pluvieux, a hérité du surnom de « Rain Man ». À son actif, il compte la création d’une école « pluie-compatible », deux parcs et des happenings artistiques qui commencent à modifier le rapport des habitants, mais aussi de ceux qui font la ville, à la pluie. Car au fil de ces projets, chaque métier a dû apprendre à réviser son prisme pour intégrer la pluie dans un versant attractif, ludique et climato-compatible.
Le constat, partout, était le même : tout projet d’aménagement ou d’événement est systématiquement pensé sur un mode qui consiste à écarter la pluie pour la faire disparaître. Désormais, à Göteborg, on l’inclut. Et les résultats rencontrent un certain succès auprès de toutes les générations.
De petites cavités se muent en flaques par jour de pluie, de petites rivières se forment et des toits imitant des feuilles d’arbres laissent glisser des rideaux de pluie
Ainsi, parmi les premiers projets conçus, une « aire de jeux pluvieuse ». Au cœur du parc Renströmsparken, près d’un étang, l’aire de jeux a été pensée pour devenir encore plus ludique par mauvais temps. Sa conception a été réalisée après une consultation des habitants, qui ont soumis certaines idées retenues dans le projet final. Aujourd’hui, de petites cavités se muent en flaques par jour de pluie, de petites rivières se forment et des toits imitant des feuilles d’arbres laissent glisser des rideaux de pluie, sous lesquels il est possible de se réfugier sur un banc.
Une autre aire, Näsan I Blöt, a été conçue sur le même principe : les deux endroits sont fréquentés aussi bien par les habitants que par les écoles, qui voient là un moyen d’étudier avec les enfants certains phénomènes autour de l’eau, comme son absorption selon la qualité des sols.
Une école pluvio-compatible
Dans cette façon d’envisager la pluie autrement, l’objectif est aussi de tester de nouvelles solutions d’eaux pluviales ouvertes, qui permettraient de mieux gérer la hausse des précipitations dues au changement climatique. Plusieurs acteurs qui font la ville, tant au sein de la municipalité que chez les prestataires, sont invités à penser leurs propositions autrement et à réfléchir ensemble à des solutions communes : les plans d’aménagement urbains sont désormais imprégnés de cette problématique. Les architectes, dans leurs propositions, explorent de nouvelles voies, découvrant un champ des possibles qui bouscule leurs habitudes tant pour la conception d’immeubles d’habitation que de bâtiments publics.
L’apparence de la cour changera du tout au tout en fonction du temps, puisque le lit de la rivière, par temps sec, devient un petit skatepark ouvert aux habitants en dehors des heures d’école
Dans le quartier de Torslandaskolan, une nouvelle école va bénéficier de cette évolution. Les architectes qui ont remporté l’offre ont proposé à la ville un changement de décor spontané les jours de pluie. L’eau collectée sur les toits est dirigée vers de petits bassins qui nourrissent alors une rivière et un canal traversant la cour. De petits systèmes d’écluses succèdent à des rigoles entravées par des pierres, avant que l’eau ne se jette dans une petite mare où la boue joue aussi un rôle, et permet aux enfants d’expérimenter. L’une des entrées de l’école se transforme même en petite cascade sous laquelle passer les jours de pluie. Une zone de nettoyage est prévue pour débarbouiller les élèves avant le retour en classe, au moyen d’arrosages. L’apparence de la cour changera du tout au tout en fonction du temps, puisque le lit de la rivière, par temps sec, devient un petit skatepark ouvert aux habitants en dehors des heures d’école.
L’art peut aussi se jouer de la pluie
Enfin, si les aires de jeux et l’aménagement urbain sont des éléments essentiels de Rain Gothenburg, la pluie en tant que ressource sert aussi l’art. La ville, bien décidée à en faire un atout dans sa communication, engage des artistes à développer des projets créatifs et des expériences qui s’appuient sur la pluie. Une compétition de poèmes est organisée chaque année, les gagnants décrochant le gravage de leur œuvre dans les couvercles des bouches d’égout ornant les trottoirs. Un square s’habille de traces de pas d’ours lorsqu’il pleut, grâce à une peinture spéciale, et une sculpture jouant avec l’eau de pluie, en cours de réalisation, a également été commandée au collectif Superflex. La pluie a même été incluse, à la demande des habitants, dans les célébrations du 400e anniversaire de la ville, preuve s’il en fallait que la pluie fait désormais partie intégrante de l’identité de Göteborg.
La pluie a même été incluse, à la demande des habitants, dans les célébrations du 400e anniversaire de la ville, preuve s’il en fallait que la pluie fait désormais partie intégrante de l’identité de Göteborg
Le déploiement de projets dont a fait preuve la ville suédoise en quelques années à peine commence à susciter l’intérêt d’autres villes d’Europe. Amsterdam, Londres, Glasgow, des villes irlandaises font appel aux connaissances de Jens Thoms Ivarsson pour adopter une attitude finalement plus « inclusive » avec la pluie. Bergen, qui bat pourtant des records avec 256 jours de pluie par an, ne s’est toujours pas manifestée…