© Marco Castro
Pour Armel Le Coz, cofondateur du collectif Démocratie ouverte, le numérique a un véritable rôle à jouer dans le débat démocratique. Sans résoudre tout à eux tous seuls, les outils numériques permettent de franchir un cap.
Le numérique peut-il vraiment aider à l’intégration du débat citoyen dans la décision publique ?
Oui et non. Oui, parce que les outils numériques favorisent aujourd’hui l’intervention des citoyens, même s’il ne s’agit pas de la majorité, dans le débat public. La culture des outils numériques favorise une autre forme démocratique qui permet de passer d’une logique de consommation à une culture de l’implication directe. Reposter une photo sur Facebook, liker un contenu, répondre à un sondage en ligne, cela met le citoyen dans une posture active. C’est cette culture d’action qui peut ensuite permettre aux citoyens de s’organiser.
Lorsque j’accompagne des collectivités, c’est pour les aider à construire leur schéma de gouvernance et à envisager un système permettant aux citoyens de s’impliquer.
Non, parce qu’il est vain de penser que les plateformes numériques permettront, à elles seules, de contribuer à la décision publique. Tout ne peut se faire grâce au numérique. Il faut envisager une complémentarité entre l’outil et son usage. Cela nécessite de concevoir en amont l’ensemble du dispositif de débat, de choisir le mode de concertation. Lorsque j’accompagne des collectivités, c’est pour les aider à construire leur schéma de gouvernance et à envisager un système permettant aux citoyens de s’impliquer.
Les freins émanent-ils davantage des citoyens ou des élus ?
Les blocages viennent des deux parties. Nous sommes habitués à une culture de la délégation. Le citoyen délègue son pouvoir aux élus. Or, il faut passer de cette logique attentiste à une culture de l’implication de tous en faveur de l’intérêt général.
C’est aussi vrai dans l’administration, les habitants ont potentiellement une expertise à apporter car ils sont les premiers consommateurs des biens et des services publics.
Pour l’instant, les élus souhaitant ouvrir leur gouvernance ne savent bien souvent pas comment s’y prendre.
De leur côté, les politiques, une fois élus, veulent se sentir libres de décider et d’assurer leur mandat. Ils ne sont, pour la plupart, pas encore prêts à partager le pouvoir mais ils y viennent de plus en plus, poussés par le constat du mécontentement citoyen et de la confiance perdue auprès de leurs électeurs. Pour l’instant, les élus souhaitant ouvrir leur gouvernance ne savent bien souvent pas comment s’y prendre.
Les élus sont-ils vraiment prêts à jouer le jeu d’une réelle concertation via les outils numériques ou faut-il attendre un renouvellement de la classe politique ?
Certains n’y croient pas ou ne voient pas l’utilité d’ouvrir une réflexion sur le numérique, d’autres craignent en laissant s’exprimer les avis d’ouvrir une boîte de Pandore, de voir se déchaîner des propos véhéments comme c’est parfois le cas sur les réseaux sociaux.
Toutefois, de plus en plus d’élus, notamment locaux, souffrent du mécontentement démocratique et cherchent des solutions. Il nous faut donc faire preuve de pédagogie. Expliquer aux politiques qu’ils peuvent compter sur l’intelligence citoyenne lorsqu’elle est bien organisée. Il y a aujourd’hui de plus en plus de professionnels de la concertation qui peuvent les y aider.
Les élus et les institutions n’ont plus le monopole de l’intérêt général.
Les élus et les institutions n’ont plus le monopole de l’intérêt général. Preuve en est, nombre de collectifs citoyens s’organisent seuls et tentent de peser sur les orientations de leur ville, de leur quartier. Les élus y sont de plus en plus confrontés.
C’est pourquoi, lorsque j’interviens dans une collectivité, j’aime dire aux politiques « Arrêtez de faire pour les gens, faites avec eux ». Ce slogan est, il est vrai, sans doute mieux compris par la nouvelle génération d’élus, plus ouverte à la concertation et familière des outils numériques.
Armel Le Coz,
armel.lecoz@democratieouverte.org
Cofondateur du collectif Démocratie ouverte et de la plateforme Parlement & Citoyens. Coordonnateur du programme Territoires hautement citoyens, proposant une méthode pour engager des transitions démocratiques locales.