Grogne nationale, atouts locaux

Julien Damon

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La France proteste, grogne… et avance. On ne peut qu’être frappé par le contraste qui existe entre la morosité de la scène nationale et le bouillonnement d’idées et d’initiatives que l’on découvre lorsqu’on parcourt le pays.

Pierre Veltz, La France des territoires, défis et promesses, l’Aube, 2019, 208 pages, 16,90 €.

Pierre Veltz compte parmi les plus fins connaisseurs des réalités économiques locales et des systèmes productifs territoriaux. Ancien directeur de l’école des Ponts, un temps à la tête du projet d’aménagement du plateau de Saclay, grand prix de l’urbanisme 2017, le polytechnicien sociologue insiste sur la « force agissante » de l’édifice territorial à la française. Dans un monde fait d’un archipel de métropoles et d’un déluge de données, les réalités ne sont pas postindustrielles mais hyperindustrielles. Industries et services sont toujours davantage intégrés en raison de l’influence déterminante du numérique.

Le virage vers la proximité et la sociabilité peut s’avérer puissant levier d’efficacité

Dans ce contexte de connexions et de concurrences, la France peut faire valoir bien des avantages. La perspective tient dans un constat que Pierre Veltz partage avec Michel Serres : la France est une métropole dont le TGV est le RER. Dans « La France des territoires », l’auteur souligne les potentiels d’une société aux inégalités fortement limitées par les transferts sociaux et qui valorise, sous diverses formes, le local. Ce virage vers la proximité et la sociabilité peut s’avérer puissant levier d’efficacité. Voici de quoi nourrir le récent retour en grâce du local, au plus haut niveau de l’État.

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Le tournant local

Alors qu’une partie de la population continue à tout attendre de l’État tutélaire, d’autres réinventent des modes de consommer, de produire, de vivre où le « territoire », le local, le proche tiennent une place centrale. Le récit national patine, le récit européen est en panne. Inventons l’avenir ici et maintenant : tel est, selon Pierre Veltz, le nouvel état d’esprit. Circuits courts, économie circulaire, énergies locales et alternatives, alimentation et mobilités repensées : le tournant local est surtout écologique. Et il est porté par une vague culturelle, plus que technique. La proximité, en ces temps incertains, devient une valeur en soi.

Si nous comprenons la grammaire du nouveau monde, écrit Pierre Velz, nos atouts sont immenses

Que faut-il en penser ? Pour l’auteur, il faut évidemment se réjouir de cette énergie et de cette créativité. Mais on peut aussi s’interroger. On ne réglera pas, note-t-il, les problèmes du changement climatique et de la biodiversité, qui sont des problèmes globaux, par une addition d’initiatives locales. Et, dans l’exaltation du local, pointe toujours le risque du repli, de la miniaturisation des exigences d’équité, de solidarité. Le « tournant local » ne nous dispense en rien de repenser l’échelle nationale et européenne – d’autant moins que, pendant ce temps, la mondialisation continue.

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Défis et promesses

Dans ce contexte de mondialisation et de tensions il est possible, selon Pierre Veltz, d’être optimiste. Si nous comprenons la grammaire du nouveau monde, écrit-il, nos atouts sont immenses. Une piste esquissée dans ce livre est celle d’un modèle de développement fondé sur les nouveaux moteurs de la demande qui s’appellent : santé, alimentation, mobilité, éducation, culture.

La proximité, en ces temps incertains, devient une valeur en soi

Ces domaines sont centrés sur l’individu, mais ils appellent des organisations collectives complexes, à forte dimension territoriale. Et Pierre Veltz d’appeler à faire de la France et de ses territoires un laboratoire de cette croissance « anthropocentrée ». Apprenons à voir comme moteurs de développement ces domaines d’activité que nous associons aujourd’hui surtout aux coûts de l’État social.

Extraits
« On a trop opposé les métropoles et les autres territoires. Nous devrions adopter une vision plus fluide, plus ouverte des atouts de nos territoires, renforcer les interdépendances entre les grandes villes et le reste du territoire. »
« Nous sommes un petit pays, avec d’excellentes infrastructures, un niveau de formation moyen élevé, et surtout une machine de redistribution puissante. »
« Bien sûr certaines zones en dehors des grandes villes vont très mal, et notamment dans le quart nord-est du pays. Pour le reste, la carte des villes moyennes, des bourgs et des campagnes est une étonnante mosaïque, où des territoires en déprise côtoient des territoires éclatants de santé. »

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