Les sénateurs doivent examiner mercredi le nouveau texte sur le harcèlement sexuel, qui prévoit une définition plus claire de ce délit et un alourdissement des sanctions, après l'abrogation par le Conseil constitutionnel du texte précédent.
Le gouvernement a décidé de recourir à la procédure accélérée (une lecture par assemblée), l'idée étant que la nouvelle loi soit adoptée définitivement fin juillet pour pallier le vide juridique créé par l'abrogation début mai d'un texte jugé trop flou par les Sages.
Le projet de loi définit désormais le harcèlement sexuel comme "le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos, comportements ou tous autres actes à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard un environnement intimidant, hostile ou offensant".
Mais il prévoit aussi un autre cas : "Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user d'ordres, de menaces, de contraintes ou de toute autre forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d'obtenir une relation de nature sexuelle, que celle-ci soit recherchée au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers."
Par exemple, le fait pour un employeur d'exiger une relation sexuelle en échange d'un emploi lors d'un entretien d'embauche pourrait correspondre à ce cas de figure.
Ces deux délits sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende, portés à trois ans et 45.000 euros en cas de circonstances aggravantes (relation d'autorité, victime mineure de 15 ans ou vulnérable...).
La Commission des lois avait modifié sur ce point le texte original présenté le 13 juin par les ministres de la Justice Christiane Taubira et des Droits des femmes (Najat Vallaud-Belkacem), qui prévoyait des sanctions différentes pour les deux délits.
La loi punit en outre d'un an de prison et de 3.750 euros d'amende le fait de discriminer une personne ayant subi ou refusé de subir le harcèlement.
Des associations féministes avaient salué le nouveau texte de Mmes Taubira et Vallaud-Belkacem, y voyant notamment une meilleure définition du harcèlement sexuel mais regrettant des peines différentes pour les deux délits.
Si elles ont eu gain de cause sur ce point, l'Association contre les violences faites au travail (AVFT) n'est toujours pas satisfaite par le texte qui sera examiné mercredi.
Pour l'AVFT, le délit "assimilé au harcèlement sexuel" est "inutile" car il "vise des agissements quasi-inexistants dans le réalité du harcèlement sexuel".
"Au travail, les victimes de harcèlement sexuel ne peuvent protester trop vigoureusement (donner une gifle, menacer de dénoncer, de porter plainte), au risque de déclencher de mesures de rétorsion", explique l'association.
Le "harceleur", a fortiori s'il est l'employeur, n'a donc souvent même pas besoin d'user "d'ordres", de "menaces" et d'une "pression grave", poursuit-elle.
"Totalement dépendante économiquement de son emploi", la victime "n'aura d'autre choix que de subir sans protester, au mieux en mettant en place des +stratégies d'évitement+ (ne pas croiser le harceleur, changer sa façon de se vêtir, etc.).
L'AVFT craint aussi que, de toute façon, ces "menaces" et "pressions" soient très difficiles à prouver au tribunal.
Enfin, l'association craint que soient assimilées à du harcèlement sexuel des tentatives d'agressions sexuelles ou de viol. Le risque de déqualification pénale de crimes en fait moins graves (et donc moins punis) était déjà dénoncé quand l'ancien texte était encore en vigueur.
Les actes de harcèlement sexuel ne donnent lieu qu'à un millier de poursuites par an et 70 à 80 condamnations.
Le texte doit passer devant les députés le 24 juillet.