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Alors que depuis 2009 (loi DALO de 2007), les plans locaux de l’habitat devaient prévoir un certain nombre d’hébergements d’urgence (quota par tranche d’habitants), nombre d’entre eux semblent encore les ignorer. « Notre PLH prend en compte l’hébergement d’insertion mais pas l’hébergement d’urgence qui relève de la compétence de l’État, de la solidarité nationale » déclare ainsi Jean-Philippe Motte, vice-président de l’habitat de l’agglomération grenobloise.
Le fait que les PLH intègrent les besoins en hébergement d’urgence, ne changent rien ou presque : « Il y a une telle massification, une telle montée de la pauvreté : on est dans une situation jamais connue ! » s’alarme Mireille Charonnat, présidente de la Fnars Nord Pas-de-Calais.
Pour y voir enfin clair, des diagnostics à 360° sur le mal-logement seront lancés par les préfets, avec une méthode commune, dans tous les départements en 2014. En attendant, c’est le débordement au 115…
Embouteillage dans l’urgence…
Pourquoi ? Dans les hébergements d’urgence s’empilent des publics qui ne devraient pas y être… Laura Charrier, chargée de mission Veille sociale et hébergement à la Fnars décrit cette quadrature du cercle : « Pour sortir de la gestion de l’urgence : les associations plaident – et c’est aussi la position du ministère du Logement – pour qu’on favorise l’accès au plus grand nombre au logements… Or, ce n’est pas possible pour tout le monde, du fait de la situation administrative et du manque de ressources des personnes ! ».
Ainsi, dans l’hébergement d’urgence, retrouve-t-on des jeunes sans activités, non scolarisés, sans formation, sans ressources, sans RSA… Une situation administrative complexe pour entrer dans un logement ordinaire. Il y a le cas des demandeurs d’asile déboutés : l’hébergement d’urgence est leur seul salut. « Tant que les ministères de l’Intérieur et de la Cohésion sociale ne travailleront pas ensemble, cela ne pourra marcher… le ministère de l’Intérieur ne peut contrôler, seul, le droit d’asile… » assure Mireille Charonnat.
Autre public présent dans le dispositif de l’hébergement d’urgence : les Roms, citoyens européens dont les droits au logement sont bafoués. Les services sociaux connaissent la plupart des familles et savent que beaucoup ont la capacité d’accéder à un logement social, à l’emploi, l’insertion, etc.
Dans les hébergements d’urgence s’empilent des publics qui ne devraient pas y être
Du tout collectif, des conditions sordides…
« Normalement, en hébergement d’urgence, vous avez droit à un gîte : donc à un toit sur la tête, mais aussi à des missions d’accompagnement et des prestations d’alimentation. Vu le financement proposé par l’État à la place à l’année (5 000 à 9 000 euros), cela se réduit souvent à des solutions de mise à l’abri, pas qualitatives et pas décentes, et sans accompagnement qui permettent une évaluation pour proposer une situation plus durable… » explique Laura Charrier.
Qui plus est, des publics cumulant des problèmes sont amenés à se côtoyer… Les personnes souffrant d’addictions, de troubles psy – de plus en plus nombreuses constatent les associations – se retrouvent en hébergement d’urgence, pour en être éjectées deux, trois mois plus tard.
Autre public précaire fuyant les hébergements d’urgence collectifs (mais se trouvant dans la recherche urgente d’un abri par temps froid entre autres) : les travailleurs pauvres dormant dans leur voiture, les individus jetés de chez eux… « Ils ne se sentent pas « SDF », mais temporairement dans une mauvaise passe » explique Gérald Roger, coordinateur du 115 en Charente… Pour eux, « nous avons, avec les communes autour d’Angoulême, aménagé des petits studios équipés de digicode. Nous guidons la personne grâce à Google map dans la ville… ». Mais ce type d’alternatives est très long à mettre en place… L’association Vinci-Codex (Samu social) de Grenoble planche depuis 2009 sur un concept de bus aménagé, qui pourrait se déplacer et aller à la rencontre des SDF.
Logement très social wanted
La crise démultiplie les causes d'accidents de parcours : ce n’est que le début. Toutes les associations voient toquer à la porte du 115 des familles avec enfants, ou monoparentales. Ces familles ne devraient même pas transiter par l’hébergement d’urgence (l’hôtel souvent) mais accéder à un logement social, voire très social. « C’est à niveau là que nous nous organisons pour agir » indique Jean-Philippe Motte, vice-président de l’habitat à la Métro (agglomération grenobloise). Le gouvernement entend mettre aussi la main à la pâte, et construire 2 000 logements très sociaux en 2014 (« super PLAI »).
Cécile Duflot exhorte aussi les préfets à « capter des logements vacants » dans le parc privé. Ce que font déjà les associations, comme le relais Ozanam en Isère avec le dispositif « Totem ». « Ceux que nous avons fait entrer dans un logement, tournaient auparavant d’hébergement en hébergement, explique Francis Silvente directeur du Relais Ozanam. Cet accès au logement implique de l’accompagnement social, de nombreux partenariats avec une agence immobilière à vocation sociale, l’association L’Oiseau bleu, qui met à disposition de la médiation de santé, avec un Centre de santé de Grenoble pour tout ce qui est toxicomanie… ».
Gérald Roger, coordinateur 115 et du Service intégré d’accueil et d’orientation en Charente
« On est plutôt bien organisés dans notre département. Le taux de réponse positive en Charente du 115 est de 95 %. Il faut être humble, à l’échelon de notre territoire, nous avons un flux d’appels de 24 000 par an. C’est sans commune mesure avec Lyon, Paris… Cela étant dit, nous n’avons pas 50 écoutants derrière, mais un poste sur lequel se relaient plusieurs écoutants. Nous avons aussi la chance d’avoir des hébergements d’urgence assez petits, contrairement à ce que proposent les territoires urbains, où il est difficile de mettre tout le monde ensemble… »
Mireille Charonnat, présidente de la Fnars Nord Pas-de-Calais
« Je peux vous assurer que nous avons l’habitude du « faire ensemble » au niveau des élus, que nos financiers, de l’État, du milieu associatif, que nous avons très correctement préparé cette veille saisonnière pour 2013-2014, que le préfet nous a réunis largement avant… Nous avions aussi des diagnostics faits en 2013 pour bien cibler de la tension. Et bien malgré cela, sur la métropole lilloise, nous avons plus de 450 personnes qui sont à la rue… parce qu’il y a une telle massification des problèmes. »
Stéphane Gemmani, président du Samu social de Grenoble
« On a saisonnalisé pendant des années l’hébergement d’urgence… Le problème est que l’on a toujours stéréotypé la misère à l’hiver, ce qui est une erreur fondamentale et on a toujours dit que c’était du ressort de l’État que de répondre à cette notion d’hébergement d’urgence. Notre association plaide depuis 22 ans pour de l’hébergement diffus et une compétence partagée… Dans le discours, on en parle, dans les faits, il y a un retard monumental, et il n’y a rien qui oblige à l’heure actuelle les communes à se mettre en ordre de marche…