hyperloop
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Le principe de l’Hyperloop relève de la science-fiction. Les voyageurs prennent place dans des navettes d’une trentaine de places propulsées grâce au champ magnétique (un aimant), circulant dans un tube sous vide construit à quelques mètres au-dessus du sol sur pylônes. Vitesse de pointe : 1 000 km/h, voire davantage. Fou furieux ? Pas vraiment, l’Hyperloop trotte même dans la tête des grands opérateurs et des décisionnaires français.
Pour plusieurs raisons : les technologies sont éprouvées, son financement serait privé et s’amortirait sur les billets voyageurs. Quant au coût environnemental, il serait plus faible que le train et l’avion. « Nos rendez-vous sous le gouvernement Hollande n’avaient pas été très fructueux. Avec Emmanuel Macron, la donne et la dynamique ont changé », se réjouit Sébastien Gendron. L’entrepreneur français a cofondé Transpod en 2015, l’une des trois sociétés leaders sur l’Hyperloop, installée à Toronto. Tour d’horizon des projets en cours…
Paris-Limoges, 30 minutes en Hyperloop
Selon une étude Transpod, un système Hyperloop en Europe coûterait un tiers de moins que celui d’une ligne à grande vitesse tout en voyageant trois fois plus vite. Les opérateurs de transport lorgnent de fait l’Hyperloop. La SNCF a même pris des parts dans la société américaine Hyperloop One, la première à avoir réussi des tests dans le Nevada. Les grands aéroports observent eux aussi très sérieusement ce nouvel ovni qui pourrait remplacer certaines lignes d’avion, là où le trafic aéronautique est saturé. « Demain, ces compagnies pourront acheter des « pods » [NDLR : des navettes] plutôt que des avions », pronostique Sébastien Gendron, qui souligne aussi les avantages environnementaux : « Hyperloop élimine autant les besoins énormes en carburant que les émissions de carbone du transport aérien ».
On ne demandera pas de l’argent à l’État qui n’en a pas, mais son accord… Cette question va arriver sur la table du gouvernement avant 2020, ça c’est sûr
En janvier 2018, Transpod a annoncé construire un prototype de trois kilomètres à Limoges sur une voie de chemin de fer désaffectée de la commune de Droux, dans le nord de la Haute-Vienne. « Nous espérons déposer un permis de construire au printemps et démarrer la construction de la piste cet été, tester des prototypes à l’échelle 1, entre 10 à 15 kilomètres en 2021 », ajoute Sébastien Gendron.
La société investit 10 millions d’euros sur les 20 nécessaires. Soutien du projet, Vincent Léoni, adjoint à l’urbanisme de Limoges, espère que la région Nouvelle-Aquitaine mettra la main au portefeuille.
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Pour ce qui est de la réalisation de ligne Limoges- Paris, fantastique opportunité de désenclaver Limoges, il faudra attendre quelques années encore. « Notre objectif est de transporter du fret avant 2030 et des passagers avant 2035 ». Pour le financement ? Essentiellement privé. Transpod trouvera la mise de départ dans les gros fonds de pensions américains et des pays nordiques, friands de ce type d’innovation. « On ne demandera pas de l’argent à l’État qui n’en a pas, mais son accord… Et cette question va arriver sur la table du gouvernement avant 2020, ça c’est sûr ».
Toulouse-Montpellier, 24 minutes en Hyperloop
À Toulouse, l’entreprise californienne Hyperloop Transportation Technologies (HTT) compte s’installer sur l’ancienne base militaire de Francazal. Sur cette zone sera construit, dans trois à quatre ans, un tuyau d’1,2 kilomètre sur pilier, préfiguration d’un linéaire d’usage Toulouse-Montpellier, deux villes reliées en 24 minutes par l’Hyperloop.
Certes intéressé, Jean-Michel Lattes, vice-président aux transports et déplacements de Toulouse Métropole, se montre des plus prudents : « Je regarde cela avec attention, ma fonction n’est pas d’expérimenter mais de faire fonctionner. On ne développera des projets que lorsqu’on aura la certitude de l’efficacité de la réalité de ce dispositif ».
Ma fonction n’est pas d’expérimenter mais de faire fonctionner. On ne développera des projets que lorsqu’on aura la certitude de l’efficacité de ce dispositif
L’entreprise prévoit un investissement de 34 millions d’euros, dont 80 % dans les trois prochaines années. Reste à conclure la vente, l’État étant propriétaire des 38 hectares de la zone d’activités de Francazal. Il céderait une partie de ces terrains et les bâtiments qui s’y trouvent à HTT. Avant la signature ferme, la métropole sera chargée du développement économique de la zone, de dépolluer le sol et, par la suite, d’y aménager les voiries. « On est plus sur une compétence région qu’une compétence métropole », note Jean-Michel Lattes. Si le projet est confirmé, la région votera une aide à la recherche et à l’innovation.
Saint-Etienne-Lyon, 8 minutes en Hyperloop
Engagé dans le développement durable depuis près de quarante ans, l’ingénieur Christian Brodhag a fait plancher ses élèves de l’école des Mines de Saint-Etienne sur un projet d’Hyperloop pouvant relier le centre de Saint-Etienne au centre de Lyon. Un trajet actuellement saturé sur les routes comme sur le rail… Sur ce tronçon de 65 kilomètres, l’Hyperloop mettrait 8 minutes, contre 45 minutes actuellement en train. « Il viendrait en complémentarité du rail, le soulager », commente Christian Brodhag.
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Son équipe s’est appuyée sur les éléments de recherches d’Elon Musk ((Le milliardaire fondateur de Tesla et SpaceX, Elon Musk, jette en 2013 les bases de l’hyperloop, dans un livre blanc, qu’il met volontairement en libre accès, afin de susciter l’émulation…)) accessibles en open source. Résultats : en matière de consommation énergétique, l’Hyperloop est relativement sobre, étant donné qu’il n’y a pas de frottement des capsules. L’énergie nécessaire à la propulsion de la navette pourrait être « produite » par des panneaux solaires placés sur toute la longueur des tubes.
Le coût est estimé à environ 18,4 millions d’euros par kilomètre, soit à quelque chose près, celui du TGV
Quelques bémols en revanche : le transport n’irait qu’à 400 km/h, du fait d’un « parcours comportant quelques tournants ». La technologie de l’infrastructure pose aussi question : la sustentation magnétique est un système qui dépend de l’extraction de métaux rares… Enfin, le coût d’environ 18,4 millions d’euros par kilomètre est, à quelque chose près, celui du TGV.
Bref, pas de quoi emballer l’exécutif régional d’Auvergne Rhône-Alpes. « C’est pourtant une fantastique opportunité économique, une occasion de préserver une tradition d’innovation dans le domaine des transports de la France, alerte Stéphane Gemmani, conseiller régional Cap 21/Société civile. Et de regretter la « frilosité en période de restrictions budgétaires, et cette gestion de l’avenir à la papa ». Un groupe de réflexion s’est toutefois mis en place pour plancher sur ce transport et tous les sujets connexes comme l’impact sur l’aménagement. Les déplacements domicile-travail raccourcis impacteraient l’attractivité des territoires, avec des hausses de prix dans l’immobilier à la clé par exemple…
Corse-Sardaigne, 40 minutes en Hyperloop
L’entreprise californienne Hyperloop One en pince pour un projet de train supersonique reliant la Corse à la Sardaigne. En septembre 2017, Hyperloop One annonçait les lauréats de son appel à projet mondial. Le dossier Corse-Sardaigne ne fait pas partie des dix projets retenus dans l’immédiat parmi les 2 600 projets qui candidataient mais demeurent dans la liste des finalistes, comme l’a expliqué Ghjuvan Carlu Simeoni, chef de projet pour Femu Quì, au micro de France Bleue Corse.
L’Hyperloop franco-italien proposerait du transport de passagers et de marchandises, dans un tube de 450 kilomètres sur terre et 12 kilomètres en mer. Il serait connecté à quatre ports et quatre aéroports. Ce réseau à grande vitesse mettrait Bastia à 40 minutes de Cagliari en connectant 1,5 million de personnes, alors qu’il faut encore quatre heures en train pour relier Bastia à Ajaccio. À quand un Hyperloop en Corse ? Pas pour tout de suite, Hyperloop One va d’abord financer les projets ne présentant aucun obstacle à franchir…