En 2010, l'Etat a perçu 31 millions de pénalités pour non respect de la loi SRU. 351 communes sur les 931 soumises au dispositif n'ont construit aucune HLM en 2009. 38 % des communes concernées sont donc hors-la-loi. Les communes les plus taxées se trouvent sur la Côte d'Azur, dans les Alpes-Maritimes, comme Antibes (858.595 euros) et Nice (826.746 euros). Mais figurent également dans ce palmarès Gémenos (Bouches-du-Rhône, 407.240 euros), L'Union (Haute-Garonne, 246.518), Arcachon (Gironde, 288.605), Pornichet (Loire-Atlantique, 250.218), Maisons-Laffite (Yvelines, 296.893), Saint-Paul (La Réunion, 275.061).
Ces lourdes amendes n'inquiètent pas plus que ça les maires. Elles sont le fait d'un accord clairement accepté entre les édiles et les habitants, une espèce de donnant-donnant, hausse des impôts locaux pour payer l'amende de la tranquillité (les logements sociaux étant perçus comme des perturbateurs de cadre de vie) contre réélection. Une attitude helvétique : on veut être tranquille entre nous. Il y a aussi de vraies difficultés foncières qui empêchent à certaines communes d'atteindre l'objectif. Enfin, il existe un non-dit dans la société française, fait d'hypocrisie majeure et d'une malhonnêteté intellectuelle rarement atteinte : si la mixité sociale est espérée comme un idéal, sa « mise en oeuvre » est compliquée parce que personne n'en veut vraiment. L'image des HLM fait peur, diabolisée par le sensationnalisme cathodique, l'hypermédiatisation de la superficialité qui broie sans pitié les éventuels aspects positifs. Et le moindre élu d'une cité chic qui ferait de la mixité sociale un projet politique aurait du mal à passer le premier tour. Comment faire dès lors pour que la loi SRU ne suscite pas, chaque année, les mêmes déplorations ou les mêmes anathèmes ? Sans être cynique, le fait pour un maire d'une commune peu entichée de SRU d'être mis à l'amende chaque année est un gage de résistance, de préservation du cadre de vie. C'est odieux de le dire ainsi mais c'est la réalité.
Mener une politique de l'habitat équilibrée n'est jamais simple. Dans les quartiers populaires, il faut encourager la diffusion de l'accession à la propriété de petits pavillons, revitaliser dans le même temps le tissu commercial, jouer la carte de l'équipement culturel de qualité pour éviter une sensation de no man's land urbain, remettre des bus, des lieux de vie, des lieux de rencontre. Il faut une volonté politique et elle est rare parce que le sujet est explosif. Car le ghetto est d'abord une sensation physique, visuelle, avant d'être une exclusion sociale. La mixité sociale ne se fait pas avec de gros sabots idéologiques, elle est avant tout technique. Les grandes cités reléguées sont au bord de l'explosion. Les Neuilly de France ne peuvent pas vivre continuellement dans une bulle douillette aux barbelés croissants. C'est au milieu que la mixité sociale se conceptualise, dans le fait d'admettre que cette dualité est intenable. La loi SRU est la bonne conscience de l'Etat français qui croit ainsi affoler les bourgeois en les taxant pour leur mauvaise volonté « sociale ». Mais les communes concernées sont plutôt ravies de payer le prix de leur tranquillité. Hypocrite SRU.
Source : newsletter politique de la ville
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