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Devant la hausse délirante des prix de l’immobilier dans bien des agglomérations, il va falloir agir. L’inefficacité des solutions actuelles doit nous pousser à envisager un encadrement des prix de l’immobilier. Ça sera sans doute difficile, mais il faudra bien y parvenir.
La dernière étude de l’Iaurif (Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile-de-France) sur les inégalités en Ile-de-France a montré en chiffres ce que la crise des Gilets jaunes avait mis sur la place publique. La hausse délirante des prix de l’immobilier est devenue une source majeure de fracture sociale.
Des chiffres pour cerner cette réalité ? Le poids du logement dans les dépenses obligatoires des ménages est passé de 12 % dans les années soixante à 30 % aujourd’hui. Le prix des logements anciens franciliens a été multiplié par 3 entre 1999 et 2018 (200 % en 20 ans !) quand le revenu déclaré ne l’a été que par 1,34.
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Une situation inacceptable
On connaît les causes de cet emballement : un coût de la construction important (bien supérieur à l’Allemagne), une pénurie structurelle de logements sociaux, une spéculation immobilière sans contrainte dans les grandes villes, l’arrivée d’AirBnB…
On en connaît aussi les conséquences : l’interdiction de fait d’acheter dans le centre des grandes villes pour les classes moyennes (on n’ose parler des classes populaires), la contrainte (donc) de se reporter sur le marché locatif, ce qui fait monter les prix… Et une ségrégation spatiale qui prend de l’ampleur et qui donne aux riches les moyens de s’enfermer dans des ghettos de riches et qui enferme les pauvres dans des ghettos de pauvres.
Les ménages même pas modestes sont chassés des centres-villes et les modestes des villes tout court
Les ménages même pas modestes sont chassés des centres-villes et les modestes des villes tout court. Cette situation inacceptable entraîne pour des catégories croissantes de la population des contraintes inacceptables. Des déplacements coûteux et épuisants (qui ruinent bien des efforts environnementaux), des conditions de logements indignes, une perte de revenus de plus en plus massive… sans parler de la perte de contrôle de son propre destin qui mine plus d’une espérance sociale.
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Peut-être pas si populaire
Face à cela, les solutions tentées par les gouvernements successifs (efforts de construction de logements, encadrement des loyers, défiscalisation, ventes de logements HLM…) ont montré leurs limites. De même que les tentatives locales, louables, de maîtriser les prix du foncier.
Il faudra bien agir face au danger déflagrateur que la ségrégation et la désespérance font peser sur notre société
Alors oui, il va falloir un jour encadrer les prix de l’immobilier à l’achat et à la vente. On mesure l’impopularité d’une telle idée dans notre France attachée à la dimension symbolique de la propriété immobilière. Mais il faudra bien agir face au danger déflagrateur que la ségrégation et la désespérance font peser sur notre société tout entière. Et d’ailleurs, cette solution n’est peut-être pas si impopulaire, au vu des conséquences des prix du logement sur une part croissante de la population.
Un tel encadrement, quelles qu’en soient ses modalités, n’ira pas de soi. Les problèmes techniques et les dégâts collatéraux potentiels justifient une réflexion approfondie. Un long débat public rompant avec nos habitudes législatives permettrait d’en sortir par le haut. Mais il va falloir avancer vite sur cette question. Elle relève désormais de l’impératif démocratique.