ombres de mendiant et businessman
© Jonathan Stutz - Fotolia.com
Serge Paugam (dir.)
« L’intégration inégale. Force, fragilité et rupture des liens sociaux »
PUF, 2014, 512 pages.
Voici donc un beau volume sur la situation (et la manière de l’apprécier) de la société française contemporaine. Le programme est une étude conjointe des mécanismes d’intégration et des dynamiques d’inégalité. L’analyse est centrée sur la France, mais avec de nombreuses ouvertures sur d’autres pays.L’idée générale est d’apprécier diverses formes d’intégration (assurée, fragilisée, compensée, marginalisée) en fonction de l’intensité de divers types de liens sociaux (filiation, vie familiale et locale, monde du travail, citoyenneté).Un programme de recherches utiles
Le sociologue Serge Paugam a réuni une trentaine de ses collègues et de ses anciens élèves dans le cadre d’un travail collectif aboutissant à cette somme. Ces sociologues et démographes manient aussi clairement le concept que la typologie et la donnée. Chose rare.Cette livraison 2014 fait suite à des initiatives éditoriales qui ont marqué les esprits. Ainsi, ont déjà été publiés sous la direction de Serge Paugam les ouvrages « L’exclusion. L’état des savoirs » (1996), puis « Repenser la solidarité : l’apport des sciences sociales » (2007).L’idée générale est d’apprécier diverses formes d’intégration en fonction de l’intensité de divers types de liens sociaux.Tous les dix ans ou presque, ce spécialiste reconnu propose donc un point sur les questions sociales. Plutôt que son point de vue – soyons précis –, il réunit des experts travaillant sur des sujets et à partir de méthodes qui se ressemblent, donnant à l’ensemble une véritable unité de ton et d’orientation.Ces chapitres proposent les recherches les plus solides sur le business dans les cités, les mal-logés, le reclassement des licenciés, l’accès aux soins ou encore les beaux quartiers. L’accent est mis, souvent à partir d’enquêtes originales, sur les expériences vécues par les individus, les représentations et l’orientation des politiques publiques.
Les liens sociaux décortiqués
Il est impossible et inutile de chercher à résumer. On peut donner une idée de l’architecture générale du livre.Divisé en quatre parties, il s’intéresse d’abord aux « fluctuations » du lien de filiation, c’est-à-dire aux évolutions familiales, à la disqualification de certains parents, ou encore à la détresse en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).On se penche aussi sur l’entre-soi des quartiers bourgeois ou les conditions conjugales et relationnelles de la carrière des managers.La deuxième partie traite des usagers sociaux du lien de participation élective (les choix). On y retrouve la famille, avec l’exemple de la fête du mariage, mais on s’y penche aussi sur l’entre-soi des quartiers bourgeois, les conditions conjugales et relationnelles de la carrière des managers, les relations entre eux des jeunes sans domicile.La troisième partie étudie la force inégale du lien de participation organique. Les auteurs y abordent l’intégration professionnelle, l’efficacité collective, et, parmi d’autres illustrations, le devenir des licenciés de Moulinex.La dernière partie porte sur les « ratés de l’intégration citoyenne ». Les sociologues se penchent sur les politiques de sécurité, sur les réactions à l’égard des SDF ou, plus largement, sur l’action publique en direction des mal-logés.La seule évocation de ces différentes entrées montre combien les sujets sont d’importance. Et combien l’ouvrage est de référence. À placer dans toutes les bonnes bibliothèques.
Extrait « Les politiques de lutte contre les effets délétères de la désintégration tendent paradoxalement à renforcer la visibilité des catégories jugées “désintégrées” et consacrent ainsi le processus de leur disqualification sociale. »