Intercos : à quand la gouvernance 3.0 ?

Eric Landot
Intercos : à quand la gouvernance 3.0 ?

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© Olena Chernenko - getty stock

Longtemps, le seul moyen trouvé par les élus pour gouverner l’intercommunalité a été le consensus. Mais ce modèle n’est plus adapté. Il va falloir changer de mode de décision et adopter un modèle majoritaire, comme dans toutes les autres collectivités.

La gouvernance tranquille, qui a longtemps fait la force des projets intercommunaux, n’est plus toujours adaptée à ces grands périmètres, à ces vastes compétences, à ces immenses services.

Version 1.0 : le consensus dans la gouvernance de l'interco

En intercommunalité, il fallait un management politique et administratif de consensus par petites touches : il faut aujourd’hui une action efficace, rapide, qui ne peut pas, ou pas toujours, conduire à perdre à chaque fois des mois juste le temps que dans chaque mairie les grognements s’estompent.

La constitution de vraies majorités d’action autour d’équipes exécutives, sans que toute décision prenne six mois, s’impose.

Certes le consensus est indispensable (sauf à créer une guerre interne permanente de roitelets façon Game of Thrones). Mais les difficultés des communautés où la ville centre n’est pas du même bord politique que la communauté (Cluny, Béziers, etc.) montrent les limites du système. Un vice-président n’a souvent aucune allégeance vis-à-vis de son président, ce qui lui donne une liberté de ton et d’action rafraîchissante, mais qui peut parfois confiner au désordre, voire à l’irrédentisme des services à la faveur de couples entre vice-président et chefs de service contre le DGS et le président…

La constitution de vraies majorités d’action autour d’équipes exécutives, sans que toute décision prenne six mois, s’impose. Sans que cela puisse être le modèle d’une action solitaire entre le président et son DGS (ce modèle-là, encore rémanent en commune, n’est guère adapté à un territoire intercommunal).

La version 2.0 : un toilettage limité

Puis la mise à jour 2.0 avec un fléchage dès le bulletin de vote via la loi Valls de 2013, a été pratiquée dès 2014 dans les communes de 1 000 habitants et plus, sans que les habitants aient toujours tout saisi de cette nouvelle entité, de ses attributions et de son périmètre.

Mais les communautés, dès lors, se trouvent plus politisées, sans que la majorité ait toujours les moyens d’être efficace, rapide. Le citoyen ne s’y retrouve pas toujours et les règles d’accord amiable tournent au casse-tête juridique et politique…

TÉMOIGNAGES
Faut-il passer au modèle majoritaire ?
Certaines intercommunalités auront besoin d’un modèle majoritaire, qui n’est pas forcément utile s’il y a consensus. L’histoire de l’intercommunalité et la philosophie qui a procédé à son modèle de gouvernance vont beaucoup jouer sur la ligne adoptée.
Un DGS d'interco anonyme

Il faut un leader fédéral
Le consensus est un mode possible de gouvernance sur des entités de certaines tailles. Sur un plan politique, il est généralement difficile d’avoir un consensus. Pour moi, le meilleur mode de gouvernance est celui qui part d’un leader fédéral, qui a compris les enjeux du territoire et est en capacité de les décliner, à due proportion de ce que représente chacune des communes concernées. Bien sûr, il faut une organisation autour de ce leader, pour éviter une trop forte centralisation qui aura souvent lieu au niveau de la ville centre. Pour que l’organisation fonctionne, elle doit concilier aménagement, développement et solidarité.
Jean-Luc Bertoglio, DGS de l’agglomération de Béziers Méditerranée

Vers une révolution démocratique au détriment de la relation entre commune et EPCI ?

Quelle sera la version 3.0. ? Une élection du président au suffrage universel intercommunal au risque d’une déconnection de sa majorité délibérante ? Une élection de tous les élus intercommunaux lors d’un scrutin intercommunal avec des listes sur toute l’intercommunalité ? Cette solution, actant d’une césure avec l’échelon communal, serait seule de nature à régler la question des assemblées pléthoriques et des équilibres instables entre communes. Mais elle n’est pas réaliste en l’état de l’imbrication forte des compétences communales et intercommunales et du besoin – y compris psychologique – de représentation des communes.

TÉMOIGNAGES
Faut-il une élection du président au suffrage universel ?
L’élection d’un président au suffrage universel donnerait une légitimité complète à l’EPCI. Cela l’affranchirait de la dimension de couple mairie-intercommunalité. S’il y avait réellement un dispositif où les élus sont affranchis du fait d’être un élu municipal, la politique communale primerait beaucoup moins. Reste, ensuite, à faire de cette entité une nouvelle collectivité qui ne soit pas arrimée aux communes. Cela donnerait des facilités dans la prise de décision puisque certains réflexes corporatistes disparaîtraient.
Un DGS d'interco anonyme

Le suffrage universel, une étape inévitable
Le passage à l’élection d’un président au suffrage universel me semble une étape inévitable, sous réserve que les communes puissent prendre toute leur place dans l’agglomération et subsister en tant que commune. À terme, il sera difficile de faire autrement. Mais quand sera ce terme ? Comment y parvenir graduellement ? Là sont les questions.
Jean-Luc Bertoglio, DGS de l’agglomération de Béziers Méditerranée

En attendant les réformes, l’ajustement sur mesure de chaque interco…

En attendant, chacun tente de s’organiser comme il le peut, avec :

- des commissions (ou des comités consultatifs pour faire représenter des élus communaux non communautaires). Mais attention à ne pas passer de la comitologie à l’asphyxie sous le poids des commissions ;

- des comités des maires qui sont parfois puissants et parfois décoratifs… ;

- de nouveaux liens forts avec les communes, via des comités des DGS, des référents dans les communes, des outils de mutualisation (notamment en aide juridique, en finances, en RH, en services techniques… qui sont de vrais outils intégrateurs, riches d’homogénéisations à venir)…

    
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