Intercos : changer de carapace ?

Eric Landot
Intercos : changer de carapace ?

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Fini les intercommunalités tiroir-caisse, qui n’existaient que par les subventions qu’elles versaient aux communes membres. En fonction des compétences prises, différents nouveaux modèles sont possibles. Mais le choix d’un modèle ou d’un autre n’est pas que technique : il interroge la place de l’élu et la gestion de la proximité à l’habitant.

Avenir du genre urbain comme du genre rural, le monde des communautés et des métropoles doit envisager des évolutions plurielles, qui ne sont pas toutes conformes au moule unique, brillant mais fragile, qui est prévu par notre cadre juridique.

Ne pas idéaliser notre enfance intercommunale

Ce cadre était adapté aux communautés d’il y a vingt ans, qu’il ne faut pas, avec le recul, idéaliser à outrance.

Les communautés malingres, à la vie limitée à quelques calculs politiques et à de généreuses distributions d’une manne financière artificielle… ces communautés ne sont plus nombreuses. Soyons honnêtes : elles furent jusqu’à il y a peu assez fréquentes, surtout dans certaines régions où les pratiques politiques, sociales ou économiques étaient moins intercommunales par nature. Les intercommunalités intégrées prospéraient souvent sur des terreaux où les mondes économique, associatif, mutualiste, industriel et/ou agricole s’étaient eux aussi organisés à une échelle intercommunale de l’après-guerre aux années quatre-vingt.

Les communautés malingres, limitées à de généreuses distributions d’une manne financière artificielle ne sont plus nombreuses.

La communauté ne peut plus être un simple tiroir-caisse : elle n’en a plus les moyens. Elle ne peut être un lieu où l’on fait fort peu ensemble : les compétences transférées s’avèrent trop importantes et trop nombreuses pour se limiter aux apparences du pouvoir.

Vers deux modèles ?

Surtout, les types de communautés, qui furent en réalité toujours d’une grande diversité, reposent sur des modèles qui ne cessent de s’éloigner les uns des autres.

Certaines communautés ne conservent que des compétences vraiment stratégiques, ce qui est possible si en dessous, au niveau communal, on a :

- soit des communes très structurées, par exemple de grandes communes nouvelles… mais ce modèle (une grande communauté stratège ; de grandes communes nouvelles en charge des relations à l’habitant), souvent vertueux, ne s’avère pas toujours adapté au mode de calcul de la DGF intercommunale…

- soit des mutualisations par pôle géographique sous la houlette de la communauté.

La communauté peut se structurer en pôles géographiques, mais en revoyant son modèle de proximité.

Inversement, d’autres communautés prennent de considérables compétences, même en matière de relation à l’habitant, ce qui n’est pas illogique :
- soit si la communauté est à taille humaine ;
- soit si la communauté se structure en pôles géographiques. Mais alors le modèle de la proximité est à revoir. Est-ce par une territorialisation de la gestion des compétences comme il l’est envisagé par une récente proposition de loi ? Est-ce par des pôles de mutualisation et de gestion des compétences mais sans organes politiques par territoire (comme dans tant de communautés) ? Ce choix n’est pas que technique : il interroge sur la place de l’élu, sur la gestion de la proximité à l’habitant, avec des réalisations d’une communauté l’autre qui s’avèrent fort différentes.

Les outils de la mutualisation, sources de contractualisation territoire par territoire
La mutualisation peut parfois tourner à vide, ou virer à l’usine à gaz. Mais, bien pilotée, elle peut être un remarquable outil :
• de lien avec les services communaux
• d’adaptation (dans les deux sens) des compétences communales (notamment par les conventions des articles L.5214-16-1, L.5215-27 et L.5216-7-1 du CGCT)
• d’économies d’échelle (celles que l’on dit ne jamais pouvoir faire pour de vrai mais qu’on finit par constater de plus en plus souvent !).

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Du sur-mesure avant tout

Que le triomphe, donc, du modèle intercommunal ne cache pas l’écartement, voire l’écartèlement, croissant entre divers modèles de vie intercommunale, plus divers que jamais. Avec, pour enjeux, l’efficacité administrative, le lien à l’habitant, la place de l’élu et du cadre territorial, la démocratie locale…

La communauté peut se structurer en pôles géographiques, mais alors le modèle de la proximité est à revoir.

À l’image d’un crustacé qui serait frappé d’obésité, l’intercommunalité se trouve dotée d’un exosquelette trop petit, trop rigide, pour ce qu’il est devenu à l’intérieur. Nombre de communautés et de métropoles doivent changer de carapace. Et vite. Forger un équilibre de gouvernance, de mutualisation, de gestion territorialisée ou non de compétences, qui soit réellement sur-mesure, en fonction des spécificités, des enjeux et des projets du territoire.

En attendant un nouveau train de lois sur ces sujets… à moins que ne s’esquisse enfin une pause législative ? Ou bien rêvons : il pourrait y avoir une loi. Une loi pour « délégislativer », c’est-à-dire pour qu’enfin les communautés et les métropoles puissent adapter, réellement, leur droit, leur régime financier, leurs compétences et fonctionnement, sur mesure (comme il l’est déjà loisible lors de la constitution d’un syndicat mixte ouvert). Au-delà des frêles outils qui, à ce jour, le permettent.

TÉMOIGNAGE
Les compétences sur mesure sont compliquées, même avec un régime redistributif
Je ne suis pas favorable à des communautés qui pourraient adopter des compétences et fonctionnements sur mesure. Nous l’avons déjà expérimenté avec les syndicats à la carte, mais même avec un régime redistributif, cela reste compliqué. Alors que les citoyens se plaignent du millefeuille administratif, nous ne pouvons nous permettre d’ajouter plus de complexité. Les collectivités et les territoires sont des sortes d’entreprises d’intérêt général, qui doivent fonctionner avec des règles claires, de la transparence. Il faut que les citoyens puissent en comprendre le fonctionnement.
Jean-Luc Bertoglio, DGS de l’agglomération de Béziers Méditerranée

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