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Neuf mois après les échéances électorales de mars dernier, le mandat s’est ouvert sous un ciel chargé pour de nombreux élus, qu’ils soient nouveaux ou reconduits.
Galvanisés par leur campagne électorale (et une victoire parfois inattendue), programmes bardés d’investissements structurants (il y en a toujours à réaliser), c’est parti pour la conduite des projets ! Ah oui mais, peut-être pas cette fois…
Du mandat de projets au mandat de gestion
Inutile de revenir sur le contexte, pour faire simple, l’heure n’est pas à l’euphorie. La crise financière devenue économique se transforme en crise de nerfs pour les élus locaux, glaçant leur enthousiasme. Le mandat de projets tant attendu se transforme en mandat de gestion. Vous avez dit moins excitant ! Comme si ce n’était pas suffisant au regard d’un fardeau financier déjà bien lourd, le législateur enfonce doublement le clou. En prélevant d’abord 11 milliards d’euros sur les trois premières années du mandat.
Comment peut-on encore investir au moment précis où l’on doit impérativement investir ?
Mais plus insidieusement, la loi RCT et la réforme territoriale en cours auront aussi des effets pervers sur l’investissement. Comment ne pas geler ou reconsidérer un certain nombre de projets quand votre champ d’action est aussi instable ? Périmètres communaux et communautaires évolutifs : extensions, fusions, dissolutions (parfois les trois en même temps) ; Redécoupage des régions aux compétences à clarifier.
Dès lors, il faut se poser la bonne question : comment peut-on encore investir au moment précis où l’on doit impérativement investir ?
Entre vie économique et satisfaction de l’administré
Sur le plan économique d’abord, l’enjeu est de taille. Le débat entre austérité et relance bat son plein à juste titre. Que l’on s’en félicite ou que l’on s’en désespère – comme Pierre Rabhi, qui prône la sobriété heureuse – notre système économique est basé sur la croissance. L’agent économique que constitue la sphère publique locale qui porte à elle seule 73 % de l’investissement public en France doit donc jouer tout son rôle. Pour entretenir la machine économique, point de salut, il faut investir !
La vitalité d’un territoire passe naturellement par son bassin économique et d’emplois et ce dernier en appelle aux commandes des acteurs et investisseurs locaux. Bien avant la fibre économique, c’est la satisfaction des besoins des administrés et leur bien-être d’usager qui est le principal carburant de la machine à investir.
Arrêter d’investir, une double erreur
Parlons donc arbitrages. Une idée reçue a la vie dure : quand une collectivité connaît des difficultés financières, il lui suffit de ne plus investir. C’est d’abord une erreur stratégique, car une collectivité qui n’investit pas est une collectivité condamnée. C’est ensuite une erreur d’analyse, car l’investissement revêt bien souvent un caractère obligatoire et s’impose aux exécutifs locaux. Le maire d’une ville nouvelle a-t-il réellement le choix de la construction d’une nouvelle école quand sa population augmente de 15 % chaque année ? Comment le président du conseil général expliquera-t-il aux populations qu’elles devront changer leurs habitudes de déplacement devant la vétusté et la dangerosité de la voirie ?
Quels arguments restera-t-il pour convaincre un chef d’entreprise de s’installer sur un territoire dépourvu d’un réseau numérique ?
Que dira enfin le président du conseil régional aux usagers des transports publics sur le quai d’une gare sans train faute de renouvellement des rames ? Et quels arguments restera-t-il pour convaincre un chef d’entreprise de s’installer sur un territoire dépourvu d’un réseau numérique ?
Autant dire que l’on ne peut parler des investissements locaux comme d’un ensemble homogène mais bien de plusieurs catégories distinctes : les incontournables, les indispensables, les nécessaires, les souhaitables et les confortables… Soyons honnêtes, seules les deux premières ont des chances de passer les fourches caudines des arbitrages aujourd’hui.