Jean-Louis Sanchez : "Le département doit être le promoteur d’une citoyenneté active"

Marjolaine Koch

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© Nicolas Cah

L’Odas a mené un travail de recherche-action de trois ans auprès de 18 départements français, duquel elle a tiré un document intitulé « Développement social : les départements à l’épreuve du réel ». Le constat, développé dans les articles précédents, a aussi permis aux membres de l’Odas de formuler des recommandations aux départements.

 Jean-Louis Sanchez est politologue et auteur de nombreux ouvrages sur le développement économique et social. Il est le fondateur et  le délégué général de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée, Odas.

Quel aspect du travail des départements doit impérativement être repensé ?

Il faut donner à l’observation une dimension prioritaire. Car décider sans connaître dans un monde qui évolue très vite est suicidaire. Et il ne faut pas réduire le champ de l’observation à la précarité économique, il faut intégrer toutes les vulnérabilités : l’isolement, la perte de confiance, la régression vers le communautarisme… C’est d’ailleurs sur ces problématiques que nous pourrons agir sans ressources supplémentaires.

Le lien social est un autre point que vous mettez en avant dans votre étude.

Le département doit être le promoteur d’une citoyenneté active, il doit s’efforcer de mobiliser l’expérience de ses aînés au profit des jeunes et des enfants en généralisant les expériences de parrainage en matière d’insertion, d’accompagnement éducatif dans les activités périscolaires par exemple.

Le département devrait aussi avoir la capacité de donner envie aux habitants de s’impliquer massivement dans le bénévolat. Il devrait être en capacité d’ouvrir tous ses services publics au bénévolat, pour développer leur attractivité par une présence humaine aux côtés des professionnels.

Des travailleurs sociaux pourraient être affectés dans les écoles pour aider les familles à créer des associations de soutien et d’entraide à la parentalité. Car leur principal rôle est de développer des actions collectives plutôt de gérer des dossiers dans un bureau. Mais cela nécessite une nouvelle approche, d’accepter de modifier également ses horaires de travail pour assister à des réunions en soirée… Et cela, les agents sont-ils prêts à l’accepter ? Je ne sais pas.

La gestion du RSA par les départements vous paraît une bonne chose ?

À mon avis, la gestion du RSA en tant que telle pourrait être confiée à la CAF ; le département devrait ne conserver que le volet insertion pour avoir le temps et les moyens de le développer ; car sur le terrain économique, je pense que les départements sont bien  placés pour mettre en œuvre une politique d’emploi de proximité. Mais depuis la décentralisation du RMI en 2004, auquel se sont ajoutées la PCH et l’APA, le poids de la gestion l’a emporté sur les autres préoccupations départementales, particulièrement sur l’envie de lancer de nouvelles actions d’insertion et de prévention. C’est dangereux pour  les départements : si on ne fait qu’une politique de gestion, quel est l’intérêt de préserver cette strate territoriale ? Heureusement, depuis qu’ils ont senti le vent du boulet passer très près de leurs oreilles en 2015, ils ont enclenché un nouveau cycle dont on peut espérer qu’il génère de l’innovation en matière d’action sociale. Mais on est vraiment au tout début de ce mouvement.

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