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La démocratie numérique s’invente et s’enrichit chaque jour : la démultiplication des initiatives des collectivités en pointe en apporte la preuve quotidienne. Les outils foisonnent depuis quelques années. Malgré tout, choisir l’outil adapté peut se révéler assez simple.
Vote en ligne, crowdfunding, cartographies interactives, hangout, etc. Il est parfois difficile de s’y retrouver au premier abord. Une règle d’or : mettre en phase objectifs de démocratie numérique et outils. Que veut-on favoriser : la participation des habitants aux actions de la collectivité, l’enrichissement de grands projets ou l’émergence d’initiatives ?
Favoriser la participation au quotidien
Les réseaux sociaux sont la porte d’entrée la plus naturelle : des mini-sondages en ligne, des live-tweets ou des chats entre élus et habitants peuvent être facilement mis en place – par exemple Paris organise des hangouts, des débats en ligne rassemblant jusqu’à une dizaine de personnes via le module de Google +.
Autre piste pour faire ses premiers pas de démocratie numérique : augmenter l’interactivité de son site web. Nombreux sont les sites offrant des espaces de commentaires fréquemment laissés vides ou trustés par des revendications trop peu productives.
Le recours à des smileys, des boutons « j’aime », des baromètres ou des votes rend l’expression plus facile et rapide. C’est une très bonne porte d’entrée pour générer une réaction.
Mini-sondages en ligne, live-tweets, chats entre élus et habitants : les réseaux sociaux sont la porte d’entrée la plus naturelle.
Notons que pour chercher les bonnes idées, et donc les bons outils numériques, des collectivités font le choix de s’appuyer sur des groupes d’habitants volontaires : ainsi Bordeaux Métropole a travaillé pendant plus d’un avec un groupe d’« e- pionniers » associés à la réflexion, la définition et l'expérimentation de nouveaux services numériques.
TÉMOIGNAGE
Samia Khenniche, enseignante-chercheuse en management public :« L’open data reste une affaire d’initiés »
L’open data participe à la démocratie locale et la fortifie : la mise en ligne des données d’une collectivité induit une certaine transparence, à même d’éclairer le débat public. Mais l’open data reste une affaire d’initiés. Peu d’outils permettent de manipuler ces données sans compétences informatiques particulières. Une inflexion semble avoir été amorcée, comme en témoigne le portail de l’État mis en ligne début 2014, data.gouv.fr, qui met en avant des infographies des données publiques. Autre facteur, la faible implication d’infomédiaires. Peu d’acteurs du numérique ont développé des outils grand public ; et peu de journalistes locaux s’emparent de l’open data pour leur contenu.
Enrichir les projets urbains
Le numérique offre également la possibilité de booster la participation sur des projets structurants. La solution la plus efficiente est de créer un espace de présentation en ligne, doté de modules d’expression. Ces initiatives permettent de toucher un public qui ne se déplace pas aux réunions. Exemple à Cergy-Pontoise, qui a ouvert pendant cinq mois une plateforme web « Grand Centre j’en parle » pour l’opération de remodelage de son cœur de ville.
Plus probant encore : Sénart, où une démarche similaire a été orchestrée à base d’une cartographie interactive, « Je carticipe », sur laquelle les habitants pouvaient localiser et émettre une idée ainsi que commenter et voter sur les propositions des autres internautes.
TÉMOIGNAGE
Franck Lenoir, chef de projet Smart City :« faire du numérique un catalyseur et un accélérateur »
Les expériences pour faire du numérique le bras armé de la concertation ont commencé dès les années 2000. De nombreuses désillusions plus tard, les enseignements ont révélé, si c’était nécessaire, que le fond du problème n’était pas l’outil, mais les hommes et les organisations : manque de convictions, faible culture de la participation et du numérique, etc. La ville intelligente, processus de transformation des systèmes urbains et des interactions entre les acteurs, offre une opportunité de réinventer nos villes. De plus en plus d’organisations publiques à travers le monde saisissent cette seconde chance pour faire du numérique un catalyseur et un accélérateur de l’intelligence collective territoriale. »
Impulser l’émergence des idées
Plusieurs pistes encouragent l’émergence d’initiatives. À commencer par les traditionnelles boîtes à idées dont il existe désormais des versions numériques. Les budgets participatifs permettent de franchir une étape supplémentaire.
Le Louvre finance des restaurations et acquisitions grâce au crowdfunding.
Firminy, pionnière en la matière, y consacre 9 % de son budget d’investissement. La participation financière directe d’internautes (crowdfunding) est par ailleurs une tendance forte émergente – Le Louvre finance des restaurations et acquisitions de cette manière. La région Auvergne a donc créé un espace sur la plateforme de crowdfunding Ullule afin de centraliser les recherches locales de cofinancement. Enfin, l’open data, ouverture des données publiques, devient incontournable. Les collectivités permettent à d’autres acteurs économiques de recycler leurs informations et d’imaginer un autre usage que celui pour lequel elles ont été produites. À Rennes, une application sur des calculs d’itinéraires handicapés a ainsi été créée à partir des données brutes de voirie.
TÉMOIGNAGE
Éric Hamelin, sociologue urbaniste, responsable du bureau d’étude Repérage Urbain : « Il faut aussi que la démarche soit relayée et animée »
La cartographie permet d’élargir la concertation à un public plus varié que celui des « habitués » qui, souvent, monopolisent la parole citoyenne : retraités, militants associatifs, paraprofessionnels, groupes de pression… Deux grandes conditions sont requises pour y parvenir. Il faut, tout d’abord, que l’outil numérique soit simple, attrayant et stimulant : pictogrammes, votes contradictoires, commentaires ou partages sont autant de fonctions qui alimentent le débat, aussi bien entre citoyens qu’à destination de la collectivité. Il faut aussi que la démarche soit relayée et « animée », sur le web, mais aussi sur le terrain, en organisant cafés-débats, ateliers ou promenades de concertation.