Mietpreise in einer Stadt
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C’est une des mesures fortes de la loi Elan, visant à consolider l’expérimentation lancée depuis 2017 à Paris et Lille pour encadrer la hausse des loyers. L’article 140 de la loi invitait les collectivités candidates à déposer leur dossier auprès du ministère chargé du Logement avant le 23 novembre 2020. Neuf d’entre elles ont ainsi fait la démarche : Bordeaux métropole, Montpellier Méditerranée métropole, Lyon, Villeurbanne, Grenoble Alpes métropole, Grand Orly Seine Bièvre, Plaine commune et Grigny.
Plusieurs scénarios ont été privilégiés par les collectivités, réclamant un encadrement sur tout ou partie de leur territoire. Ainsi, dans la métropole girondine, « le périmètre de la candidature sera arrêté quand toutes les communes intéressées auront déposé leur dossier » précisait la collectivité dans sa délibération du 23 octobre 2020.
La Fondation Abbé Pierre considère que « tout est en place pour se lancer dans l’encadrement dans les zones tendues »
L’EPT Grand Orly Seine Bièvre a présenté 11 communes à l’expérimentation. Le Grand Lyon embarque dans l’affaire les villes de Lyon et de Villeurbanne. Dans la métropole de Grenoble, la demande vise 28 communes, à Montpellier, seul le territoire de la ville est concerné. D’autres grosses villes, comme Marseille, ont bien tenté d’y aller, mais la métropole Aix-Marseille-Provence, gérée par la droite, compétente pour mener à bien le dossier, n’a pas souhaité accompagner la ville, gérée à gauche. À ce jour, le feu vert a été donné à Plaine Commune, les autres candidatures ne devraient pas tarder à être validées.
40 % des loyers parisiens dépassent le seuil légal
Pour la Fondation Abbé Pierre, le compte n’y est pas. « 48 agglomérations, couvrant la moitié du parc locatif privé français, bénéficient d’un observatoire des loyers », assure-t-elle. L’association considère que « tout est en place pour se lancer dans l’encadrement dans les zones tendues ». « Même là où les loyers restent encore relativement raisonnables, l’encadrement peut être un moyen de contenir les mouvements inflationnistes potentiels, liés à la gentrification de certains territoires », précise-t-elle. Le chemin menant à une totale appropriation du dispositif sera long, au regard des premiers éléments d’analyse à Paris.
En effet, comme le précise l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne, « la part des dépassements à l’encadrement est passée de 26 % en 2015 à 23 % en 2016 et 21 % en 2017 et les compléments de loyer de 186 euros en 2015 à 165 euros en 2016 et 134 euros en 2017 ». Selon l’association CLCV (Consommation logement cadre de vie), 56 % des annonces de logements en location étaient conformes à l’encadrement des loyers à Paris en 2019 contre 48 % en 2018, la proportion atteint 70 % dans les agences immobilières. La même association a publié, le 26 janvier, sa cinquième enquête annuelle sur le sujet. Il appert que les bailleurs privés parisiens ont bien du mal à se conformer à la loi : sur 1 000 annonces disséquées, formant un ensemble représentatif de l’état du parc privé de la capitale, 40 % dépassent d’en moyenne 121 euros par mois les prix plafonds fixés par arrêté selon le type d’immeuble, d’appartement et de quartier. Un delta encore élevé mais qui baisse puisqu’il s’agit du moins mauvais résultat enregistré depuis que la CLCV ausculte ce secteur : en 2019, la proportion d’annonces non conformes dépassait les 44 % et le montant moyen de dépassement atteignait 150 euros.
Les administrateurs de biens plus respectueux de la loi
Il est cependant notable que les administrateurs de biens professionnels cheminent vers un plus grand respect de la loi, avec une moyenne de 75 % de conformité de leurs annonces, dont 93 % pour Foncia, 82 % pour Citya, mais seulement 67 % pour la Fnaim et Century 21. La CLCV a décidé d’assigner le leader du secteur de la location, Century 21, pour pratique commerciale trompeuse, lui réclamant 1 million d’euros de préjudice collectif, 350 000 euros de préjudice associatif et 10 000 euros de frais de justice. Un coup de com’, réagit Laurent Vimont dans le Monde, apparemment serein sur l’issue de la plainte.
La loi ne fait pas peur
La loi se met donc (très) progressivement en place. Ainsi, la préfecture d’Ile-de-France a récemment dévoilé que la commission départementale de conciliation avait été saisie 88 fois depuis le 1er juillet 2019, date de la réintroduction du dispositif d’encadrement des loyers à Paris. Après 36 saisines entre juillet et décembre 2019, la préfecture comptabilisait 52 saisines sur l’année 2020. Sur les 52 saisines, 29 sont en rapport avec les loyers de référence, et 23 en rapport avec le complément de loyer.
Les amendes vont de 300 à 1 090 € pour des dépassements des loyers de référence allant de 63 à 335 €
« Dans le cadre de l’application de la loi et après mises en demeure infructueuses, le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris, a signé cinq arrêtés préfectoraux visant à infliger à des bailleurs une amende administrative », note la préfecture. Quatre des bailleurs sont des personnes morales de droit privé (SCI). « Les amendes vont de 300 à 1 090 euros pour des dépassements des loyers de référence allant de 63 à 335 euros », poursuit la préfecture.
Première sanction pour un bailleur privé
Pour que le dispositif soit réellement coercitif, sans doute faudrait-il que ces dépassements fassent l’objet d’une attention plus poussée de la justice. Pour l’heure, peu de contentieux arrivent devant les juges. Les locataires craignent sans doute d’aller au bout de la démarche, redoutant de perdre leur bien dans un marché aussi hypertendu qu’à Paris. Pourtant, un premier bailleur privé a été sanctionné le 9 novembre par le tribunal judiciaire de Paris, condamnant la SCI Verneuil Paris 15, pour dépassement du loyer légal, fixé par arrêté préfectoral dans chaque quartier de Paris.
Le 30 août 2019, le locataire, étudiant en droit notarial et donc bien au fait des subtilités de la loi, avait paraphé un bail pour un deux-pièces meublé de 28 mètres carrés dans le chic 7e arrondissement, au loyer de 1 430 euros et 40 euros de charges. Il a vite réalisé que son loyer dépassait les valeurs légales et décidé de contester ce montant directement devant le tribunal, sans passer par la case « commission départementale de conciliation ». Pour le bailleur, le complément de loyer se justifiait au regard de la localisation du bien « dans un immeuble classé, dans un quartier avec toutes les commodités ». Un argument rejeté par les juges, estimant que l’encadrement des loyers prend déjà en compte la situation du bien. Le jugement du 9 novembre reconnaît ainsi un dépassement de 33 %, ramène le loyer à 1 066,72 euros et ordonne la restitution du trop-perçu, soit 4 360 euros moins les loyers que le locataire s’était autorisé à retenir en attendant la fin de la procédure, sans oublier le remboursement de 1 200 euros de frais de justice.
Une première victoire dans une guerre où les bailleurs privés gardent encore un temps d’avance…