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Hybridation ! Un des traits souvent sous-valorisés de l’ESS, c’est sa capacité à mobiliser des ressources de natures différentes pour répondre à des besoins sociaux. À l’inverse du poncif qui voudrait que « pour répartir de la richesse, il faut d’abord la créer », les entreprises sociales démontrent que bien des modèles économiques fonctionnent dans le sens inverse. Comment ? En mêlant bénévolat, cotisations, dons, ventes, échanges réciprocitaires, subventions, marchés publics, emprunts…
La capacité de l’ESS à inventer des modèles permettant de concentrer des ressources dans des territoires qui en sont parfois dépourvus renouvelle son attractivité. Derrière, par exemple, l’acronyme PTCE (pôle territorial de coopération économique) et ses exemples labellisés les plus reconnus (les fermes de Figeac, les pôles de l’écoconstruction…) se cachent partout sur le territoire national des coopérations entre entreprises de l’ESS et des partenariats entre entreprises de l’ESS et entreprises, plus classiques, qui créent de l’emploi, animent les territoires et ne demandent qu’à être dupliquées. S’appuyer sur l’ESS pour desserrer les contraintes pesant sur les budgets de fonctionnement ? Une piste à creuser sérieusement.
Wanted : financeur cherche projet
La plupart des régions ont intégré l’ESS, l’innovation sociale dans leur politique de développement économique. Les intercommunalités suivent de manière éparse cette dynamique. Quoi qu’il en soit, la tendance est plutôt celle d’une multiplication des appels à projets, appels à manifestation d’initiatives, créations d’incubateurs… dédiés en tant que tels à l’économie sociale et solidaire. Il est également de moins en moins rare de voir apparaître un volet ESS dans une politique de tourisme, d’emploi ou de réponse aux besoins des personnes les plus fragiles… À l’instar de l’appel à projets « French Impact » lancé tout récemment par l’État, il s’agit autant de repérer des projets pour faciliter leur réalisation ou leur déploiement que de les mettre en réseau et faire connaître les initiatives les plus prometteuses.
La tendance est plutôt celle d’une multiplication des appels à projets, appels à manifestation d’initiatives, créations d’incubateurs…
À cet écosystème de plus en plus territorialisé, il faut ajouter des acteurs de dimension nationale en recherche d’actions à financer : les fondations (souvent sous forme d’appels à projets consacrés à une thématique) et les fonds d’investissement prêts à s’engager dans la durée, y compris sur des projets de taille importante, par exemple le Novess. N’oublions pas non plus les fonds européens, principalement les fonds FSE et Feder, qui peuvent être mobilisés au service des entreprises sociales, bien évidemment avec la prudence que leur utilisation requiert.
TÉMOIGNAGE
« Un travail partenarial pour forger une culture commune entre nos collectivités et les acteurs de l’ESS »
La ville et l’Eurométropole de Strasbourg ont installé en 2011 un Conseil de l’ESS, instance coprésidée par le maire de Strasbourg, le président de l’Eurométropole et le/la président(e) de la CRESS. Le Conseil constitue notre organe de gouvernance de notre politique de l’ESS et a ainsi pour vocation d’être un organe de dialogue et un lieu de coconstruction de cette politique. Il réunit tout acteur de l’ESS qui le souhaite, les têtes de réseau et toute institution qui a une politique de l’ESS sur notre territoire. Le Conseil institue un dialogue direct entre élus et acteurs de terrain une à deux fois par an (plénière) et se saisit de tout sujet intéressant le développement du secteur (ateliers d’échanges thématiques, séminaires) pour un travail de plus longue haleine.
Il produit diverses expérimentations (ex. soutien aux initiatives collectives d’habitants) ou recommandations, soit à l’attention des collectivités (avis sur la stratégie de développement économique Strasbourg éco 2030), soit à l’attention des acteurs (ex. s’organiser pour se former à mieux répondre aux appels d’offres des collectivités), soit à l’attention du partenariat (avis donné sur le Spaser des collectivités avant délibération et groupe de suivi partenarial pour le suivi du plan d’actions).
Ce travail partenarial a forgé une culture commune entre nos collectivités et les acteurs, qui de ce fait facilite la mise en place de partenariats inédits : réalisation d’un marché de Noël OFF orienté « achats responsables », travail commun dans le cadre de la labellisation TZDZG (Territoire zéro déchet zéro gaspi), engagement dans un programme européen pour le développement de l’innovation sociale…
Enfin, l’ESS étant présente dans une pluralité de secteurs, elle donne de nombreuses occasions de travailler en transversalité : entre services, entre directions, mais aussi entre collectivités territoriales et avec l’Etat.
Mes « copains de jeu » sur l’ESS se trouvent aujourd’hui autant parmi mes collègues de l’Eurométropole qu’au sein des coopératives, des autres collectivités, des associations, de l’Etat, des réseaux.
Le travail partenarial accélère la maturation des projets et des plans d’actions thématiques et permet souvent de rendre la politique publique plus pertinente car partagée au niveau du territoire par ses parties prenantes, elle peut se mettre en place plus efficacement, plus rapidement. Et surtout, tout le monde rame dans le même sens car tend vers les mêmes objectifs.
Sandra Guilmin, chargée de mission Économie sociale et solidaire, membre du Geces (Groupe d’experts de la Commission européenne sur l’entrepreneuriat social)
Comment mobiliser ces ressources ?
Concrètement, où trouver l’expertise et l’ingénierie pour mobiliser ces ressources ? Si la BPI s’affirme de plus en plus sur l’ESS, l’interlocuteur le plus souvent bienveillant demeure la Banque des Territoires (ex-Caisse des Dépôts) que l’on retrouve très fréquemment dès l’émergence et à la fin dans les tours de table ESS (par exemple pour ceux faisant appel à la reconversion de lieux comme d’anciennes friches industrielles). Enfin, avec le réseau France Active, qui vient de fêter ses 30 ans, notre pays dispose d’un financeur solidaire, dont le maillage territorial est unique en Europe en termes de connaissance des modèles économiques de l’économie sociale et solidaire et donc de leur financement.
Si la BPI s’affirme de plus en plus sur l’ESS, l’interlocuteur le plus souvent bienveillant demeure la Banque des Territoires (ex-Caisse des Dépôts)
Bien plus que la mobilisation des ressources issues de l’épargne solidaire que ses antennes peuvent investir (par l’intermédiaire d’une variété d’outils spécialement dédiés à l’ESS), c’est la capacité à convaincre des partenaires et à faire accéder à de l’ingénierie de projet (par le dispositif local d’accompagnement ou le fonds de confiance) qui peuvent faire la différence dans le chemin semé d’embûches qui part de l’idée jusqu’à un projet mis en œuvre et réussi. La relation avec le fonds France Active du territoire est souvent décisive et précieuse très en amont. Au final, on peut se repérer très vite dans les labyrinthes des opportunités et faire avancer un projet.