Choix cornélien
Une jeune femme, un désir de grossesse, un premier poste de DGS : trois raisons de s'abstenir de diriger une collectivité ? Parviendrez-vous à apporter une réponse (franche) à la question (profonde) que soulève ce nouveau billet de "L'oeil du DGS" ?
Par Marie-Claude Sivagnanam, DGS de la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise
« Salut Julie ! Alors quelles nouvelles ?
- Salut Marie-Claude ! Tu ne devineras jamais ce qui m’arrive : le cabinet Recrutebien vient de m’appeler. Ils me proposent de postuler sur le poste de DGS de Superville !
- Mais c’est génial !
- Oui c’est sûr ! Et j’ai regardé le projet du maire de Superville, je l’ai trouvé vraiment enthousiasmant. Mais pour tout te dire, j’ai prévu de décliner… Ce n’est pas du tout le bon moment pour moi : on a le projet avec mon compagnon d’avoir un bébé dans les prochaines années…
- Je ne vois pas le problème, tu peux tout à fait avoir un bébé en étant DGS !
- C’est ta conviction, mais je peux te dire que c’est loin d’être partagé. Et sur un premier poste de DGS, je n’ai pas envie d’être en échec…
| Lire aussi : Écoutez notre podcast “Convictions territoriales” avec Marie-Claude Sivagnanam : « Donner le meilleur de chacun, collectivement » |
"Imagine qu’ils me prennent, et que cette expérience se passe mal"
- Pourquoi parles-tu déjà d’échec ? Bien sûr que ce n’est pas simple de s’absenter quelques mois pour un congé maternité quand on est DGS. Mais un DGS qui a un souci de santé, tu ne crois pas que ça se gère aussi ? Là, c’est programmé, donc on peut s’organiser en amont. Et puis pour moi, les directions générales doivent désormais fonctionner de manière collégiale : si tu constitues une bonne équipe autour de toi, et c’est quand même l’objectif quand on est DGS, et que tu lances bien les choses, cela se gère.
- Bon je vais réfléchir, mais il y a aussi autre chose : j’ai regardé l’annonce et je pense qu’il y aura une grande exigence du maire, or je n’ai pas toutes les compétences. Ça risque d’être difficile de convaincre…
- Si le cabinet t’a appelée, c’est qu’ils ont jugé que tu avais toute la légitimité pour postuler. Moi qui ai travaillé avec toi, je sais que tu as tout le potentiel pour réussir sur un poste de DGS. Qui ne tente rien n’a rien ! En revanche, il va falloir que tu prépares bien ta candidature et que tu y crois, sinon cela va se sentir… Je peux t’aider à faire un entretien blanc, et à mettre en valeur toutes tes grandes qualités !
- C’est super sympa ! Mais je suis assez terrorisée… Imagine qu’ils me prennent, et que cette expérience se passe mal : je vais me griller pour toute la suite de ma carrière. Ce n’est peut-être pas encore le moment…
- Ecoute, c’est toi qui vois si tu le sens ou pas. Mais quand bien même cela se passerait mal, ce ne serait pas la fin du monde, tu rebondirais. Même quand cela se passe bien, on n’est jamais à l’abri sur un poste de DGS, cela fait partie du jeu… Je peux te dire que si tu as la fibre, cela en vaut la peine ! Et puis pour bien commencer, tu peux toujours te faire accompagner par un coach : rien de tel pour progresser rapidement et se sentir plus à l’aise sur ses fonctions. Cela te permettra d’exploiter tout ton potentiel, pour le plus grand bien de l’équipe et du projet.
- Oui tu as raison… Bon je vais réfléchir !
- Ok ! Tu me tiens au courant ? On se rappelle ?
- Oui bien sûr ! »
| Lire aussi : Self management, mode d’emploi |
Une histoire, trois chutes
Vous vous demandez peut-être quelle est la chute de cette histoire…
Il y a trois possibilités, au choix :
A) Julie prend confiance et postule, elle est retenue, et tout se passe bien dans ses nouvelles fonctions. Elle devient quelques temps plus tard une heureuse maman et une DGS épanouie.
B) Julie prend confiance et postule, apprend qu’elle attend un heureux événement et joue la transparence lors de l’entretien de recrutement. Lorsqu’elle indique qu’elle est enceinte, le recruteur réagit ainsi : « C’est dommage, j’aurais bien aimé travailler avec vous, mais je souhaite avoir quelqu’un de pleinement disponible pour les prochains mois. »
C) Julie réfléchit et se dit que cela va être trop compliqué, qu’elle a peur de ne pas y arriver, elle renonce.
Pour vous aider à deviner la ou les réponses les plus probables, rappelons ceci : la fonction publique territoriale compte 60% de femmes et pourtant, sur 18 DGS de région, seules 4 sont des femmes; sur 101 DGS de département, seules 15 sont des femmes; enfin, à la tête des services des grandes villes et métropoles, on ne compte que 25% de femmes.
Alors selon-vous, Julie et son recruteur font-ils partie des femmes et des hommes qui veulent faire évoluer les statistiques ?
Vous êtes DGS et souhaitez nous adresser un texte ? Contactez Guillaume Doyen: guillaume.doyen@infopro-digital.com