L'œil du DGS : "Monsieur le Président, je vous fais une lettre..."

L'œil du DGS :

© ADOBE STOCK

C'est sur un air de Boris Vian que commence cette lettre adressée à celle ou à celui qui dirigera la nation. Une missive qui déplore et dénonce une campagne au ras du bitume, pleine d'un brouhaha qui oblitère les grands enjeux. L'auteur de ces lignes espère au moins que le vainqueur ne tiendra pas les collectivités et leurs agents pour quantité négligeable... 

Par Patrick Miche, DGS de Lons-le-Saunier

« Je vous fais cette lettre que vous lirez sans doute, Madame ou Monsieur qui entrerez à l'Elysée en avril prochain. Je souhaite que vous la lisiez car, comme nombre de mes collègues et de nos concitoyens, à quelques semaines de l’échéance, je demeure dans l’attente du décollage d’un débat qui pourrait nous enthousiasmer, nous passionner, voire nous éclairer davantage.

A ce jour, Madame ou Monsieur, je regrette de n’avoir pas appris grand-chose d’exaltant sur vos intentions, si ce n’est en matière de sécurité, d’immigration ou d’identité nationale. En ces domaines, les candidats font preuve, à mon avis, d'une imagination débordante.

je n’ai rien entendu non plus concernant nos collectivités, si ce n’est peut-être en creux dans vos intentions de supprimer 100.000, 200.000 ou 300.000 fonctionnaires.

En revanche, je n’ai pas beaucoup entendu, ou alors de façon marginale, ou restée inaudible derrière les invectives, de propos consacrés aux grands enjeux que sont l’urgence climatique, la justice sociale, la santé, le logement, les mutations du travail, la transition écologique et énergétique, etc.

Autant de sujets qui concernent principalement notre jeunesse, à qui vous ne vous adressez guère et qui va finir par se lasser. Ou bien, faut-il comprendre que l’immigration ou le manque d'obsession identitaire sont également responsables du dérèglement climatique, de la crise du logement, de l’état dégradé de l’hôpital public, du déclin de la biodiversité ?

A ce jour, pour évoquer des thèmes qui nous sont plus proches et qui doivent pourtant vous passionner, puisque vous lisez « La Lettre du cadre », je n’ai rien entendu non plus concernant nos collectivités, si ce n’est peut-être en creux dans vos intentions de supprimer 100.000, 200.000 ou 300.000 fonctionnaires.

Nous ne sommes pas que des supplétifs qui peuvent opportunément venir assurer des services que l’Etat ne peut ou ne veut plus rendre.

J’aimerais pourtant pouvoir croire, Madame ou Monsieur, que vous avez cette vision noble de nos territoires, cette admiration pour toutes nos communes et leurs groupements, toutes ces régions, tous ces départements qui sans relâche agissent, aménagent, équipent, servent la France pour le meilleur des hommes et des femmes qui l’habitent.

J’aimerais pouvoir croire que, pour vous, nous ne sommes pas que des supplétifs qui peuvent opportunément venir assurer des services que l’Etat ne peut ou ne veut plus rendre.

J’aimerais pouvoir croire que les finances de nos collectivités ne représentent pas une variable d’ajustement pour les comptes publics.

Délaissez un peu des thèmes qui vous semblent accrocheurs, et de les remplacer avantageusement par des sujets qui nous aideront à nous diriger avec envie vers les urnes.

J’aimerais pouvoir croire que vous êtes heureuse ou heureux de la décentralisation et que les décisions que vous prendrez durant votre mandat conduiront à la renforcer en rationalisant – enfin et courageusement – l’organisation territoriale.

J’aimerais pouvoir vous suggérer encore quelques petites de choses, mais d’autres que moi ne manqueront pas de le faire, avec beaucoup plus de talent, dans les semaines qui viennent. Je l’espère vivement.

Quoi qu'il en soit, je vous suis extrêmement reconnaissant de l’attention que vous porterez à cette modeste supplique dont l’essentiel est peut-être de vous demander de délaisser un peu des thèmes qui vous semblent accrocheurs, et de les remplacer avantageusement par des sujets qui nous aideront à nous diriger avec envie vers les urnes en avril prochain. Pour éviter à ce scrutin un scénario de série Z.»

Recevez votre newsletter hebdo gratuitement

Nous vous recommandons

Secrétaires de mairie, si indispensables et si rares

Secrétaires de mairie, si indispensables et si rares

Il manque 2 000 secrétaires de mairie. Indispensables au fonctionnement des communes, ces (souvent) femmes tiennent le service public à bout de bras, face à des habitants parfois dépassés par la numérisation de notre société. La...

30/05/2023 | Carrière
Les collectivités investissent de plus en plus le champ de la sécurité

Les collectivités investissent de plus en plus le champ de la sécurité

Territoires : ça sert à quoi d’être riche ?

Dossier

Territoires : ça sert à quoi d’être riche ?

Michel Fournier : "Les communes rurales se sont construites sur le bon sens écologique"

Michel Fournier : "Les communes rurales se sont construites sur le bon sens écologique"

Plus d'articles