L’implication citoyenne au cœur des politiques environnementales

Laure Martin

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L’implication citoyenne au cœur des politiques environnementales

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© RichVintage Photography

Pour s’assurer une mise en œuvre efficace des politiques environnementales, les collectivités ne peuvent faire l’impasse sur une communication et une sensibilisation de la population. Son implication est déterminante pour une réussite à long terme des mesures.

« Le développement durable est un sujet sensible et dès lors que des mesures sont prises dans ce domaine, il faut y associer la population », estime Dominique Flahaut, directrice adjointe du développement soutenable à la région Paca. À Strasbourg, c’est la carte de l’humour qui a été jouée par la collectivité pour sensibiliser la population. En une nuit, les agents ont installé dans la ville des nains de jardins exprimant leur ras-le-bol vis-à-vis de la pollution.

Les maires peuvent réconcilier les citoyens avec les réalités naturelles.

« Nous avons également mené une enquête grand public sur la perception de la nature en ville afin d’identifier des leviers d’actions en matière environnementale », rapporte Christel Kohler, adjointe au maire en charge de la ville en nature et la ville nourricière. Et tous les ans, la collectivité communique auprès des habitants afin de leur faire accepter les « herbes folles » qui poussent depuis l’arrêt de l’usage des produits phytosanitaires.

« Les maires peuvent réconcilier les citoyens avec les réalités naturelles, considère Fabien Thoumire, chef de projet développement durable et responsabilité sociétale à l’université de Rouen. Ils ont un rôle de pédagogie. » La communication devient alors la clef de l’adhésion : affichage, réunions de consultation, ateliers participatifs. « La démocratie participative a son rôle à jouer, ajoute-t-il. Cela permet de repérer les personnes impliquées. Mais ce n’est pas facile et les élus ont des difficultés à se l’approprier. »

Démocratie participative

Les citoyens ont également un rôle à tenir dans la mise en œuvre des mesures. Or, « ils veulent le beurre, l’argent du beurre et la crémière et ne se rendent pas toujours compte de la nécessité de bouger les lignes », dénonce Patrick Faucher, directeur de la délégation au développement durable à la ville de Bordeaux. L’état d’esprit général doit changer car aujourd’hui, ceux qui agissent sont encore vus comme des « bobos ». « C’est paradoxal, considère-t-il. Car le citoyen paie son comportement en payant plus cher sa consommation. »

Ceux qui agissent sont encore vus comme des « bobos » : l’état d’esprit général doit changer.

Cet été, l’attitude des Parisiens a fait parler lorsque le canal Saint-Martin est devenu une poubelle à ciel ouvert après l’organisation de pique-niques. La sensibilisation citoyenne prend alors tout son sens.

« Développons les circuits courts et l’économie circulaire »
« La ville de Paris s’est lancée dans un vaste programme de végétalisation, avec le permis de végétaliser offert aux parisiens qui expriment un besoin de « pouvoir faire » et pas uniquement de voir ce qui se fait. Je vais également lancer d’ici la fin de l’année un appel à projets pour développer l’agriculture urbaine. Je suis persuadée que dans 10 à 15 ans, la réflexion sur l’approvisionnement agricole des villes va être une vraie question, et cette agriculture urbaine va se développer pour alimenter une partie de la population. Cela existe déjà à New York, Montréal, Berlin, Bâle où, sur les toits des supermarchés, poussent des fruits et légumes. Une modification du plan local d’urbanisme est donc nécessaire. C’est le développement des circuits courts et de l’économie circulaire, qui permettent également la création d’emplois. »
Pénélope Komitès, adjointe à la maire de Paris, en charge des espaces verts et de la biodiversité.

La ville de Cassis en a d’ailleurs fait son leitmotiv et affiche un engagement politique fort pour la préservation de l’environnement. « C’est une question d’éducation du citoyen », estime Danielle Milon, maire de la ville. D’ailleurs, des actions de sensibilisation sont menées dans les écoles et la commune dispose d’une police de la propreté pour verbaliser les manquements aux conduites éco-citoyennes. « Cassis est un site magique et il faut toujours le valoriser par la prise en main de cette politique par chaque citoyen, soutient Danielle Milon. Et lorsque je me baisse dans la rue pour ramasser un déchet, il y a une prise de conscience du geste au quotidien. »

« L’éducation est la clef »
« La ville de Cassis fait partie du mouvement des Eco-towns, une ONG née au Liban et dont l’objectif est d’établir dans chaque pays un village écologique servant d’exemple. L’ONG dispose aujourd’hui de partenariats au Maroc, en Slovénie, en Grèce, en Égypte et en France, avec Cassis. À l’automne dernier, nous avons fait venir à Cassis une classe d’élèves de CM2 habitant Naqoura au Liban, pour leur montrer ce que nous faisons à Cassis pour « sauver » le bassin méditerranéen de la pollution. Tout passe par les enfants, l’éducation et la défense de l’environnement. Je suis par ailleurs présidente de l’association PACA 21, dont l’objectif est d’échanger entre collectivités sur des actions de développement durable pour mutualiser les forces. Les maires s’impliquent, mais nous pouvons mieux faire, et il faut le faire vite car la prise de conscience est tardive. »
Danielle Milon, maire de Cassis.

Mesurer les actions

En échange, la population est en demande d’évaluations environnementales des mesures. Or, « elles sont encore souvent absentes, remarque Fabien Thoumire. Il est difficile de savoir si une politique publique porte ses fruits et de déterminer les indicateurs à mettre en œuvre pour savoir si cela a fonctionné. C’est en train de se mettre en place progressivement, c’est impératif vis-à-vis des citoyens ». Selon lui, les collectivités doivent avoir l’honnêteté de dire que des mesures ont été tentées et qu’elles ont échoué. « Elles ne se laissent pas le droit à l’erreur alors que c’est pourtant permis sur ce sujet-là. Si la vérité n’est pas dite, elles peuvent perdre l’adhésion des citoyens. »

« Nous créons du lien social »
« Nous travaillons sur le tissu naturel urbain pour la végétalisation de Strasbourg. Nous faisons des plantations pour relier les parcs entre eux via un continuum végétal, nous créons des suspensions entre les immeubles sur lesquels nous plantons des grimpants. L’arrêt des produits phytosanitaires permet le retour d’une faune et d’une flore que nous n’avions plus. C’est un enjeu de biodiversité, de bien-être, d’adaptation au réchauffement climatique et de captation des particules fines. Nous menons également des politiques agricoles et nourricières en rachetant des terres agricoles pour les transformer en jardins mis à disposition des habitants. Cela crée du lien social et contribue à créer la ville durable de demain. La collectivité accompagne également des projets d’installation de jeunes agriculteurs et encourage l’agriculture biologique. »
Christel Kohler, adjointe au maire de Strasbourg en charge de la ville en nature et la ville nourricière.

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