L’impression 3D, en phase d’expérimentation

Marjolaine Koch

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L’impression 3D, en phase d’expérimentation

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© vegefox.com - adobestock

Si l’impression 3D a le vent en poupe, on ne sait pas encore de quoi ce secteur sera fait demain. Constructions low cost ou bien projets architecturaux d’envergure, toutes les démarches sont possibles. Pour l’heure, le marché reste protéiforme.

Des prototypes éclosent par dizaines, dans le monde entier. Des maisons classiques, ovales, en forme de caillou, des constructions d’envergure, des ponts, en béton ou en acier…, avec l’impression 3D, l’imagination n’a plus de limites, ou presque. Plus prosaïquement, les concepteurs vous lâcheront que si les formes des bâtiments conçus avec des imprimantes 3D sont souvent faites de volutes et de courbes, ce n’est pas dû qu’à l’imagination débordante des concepteurs… les machines, pour l’heure, ne sont pas très au point sur la conception des angles : elles gèrent mieux les courbes !

Sans coffrage pour maintenir le béton en place, sans armature métallique, l’impression 3D est une nouvelle technologie appréciée du secteur de la construction pour les économies générées : elle pourrait bien changer la face du BTP. Chantiers plus propres, plus silencieux, moins dangereux et moins gourmands en main-d’œuvre… la promesse est alléchante pour les grands groupes du secteur.

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Standardiser la production

Certaines villes, comme New York, hébergent déjà un nombre significatif d’imprimantes de ce nouveau genre : plus de 140 ! Dans ce classement se trouvent ensuite deux villes européennes : Milan et Londres, avec 134 et 111 imprimantes, puis Los Angeles et Amsterdam. Paris est à la huitième place de ce classement.

En France, il faudra peut-être attendre un peu : la réglementation n’est pas prête

Mais il reste un défi de taille pour sortir de la phase de prototypage : parvenir à standardiser les matériels de production et les processus de fabrication, pour que les ouvriers du bâtiment puissent acquérir les compétences nécessaires. Pour l’heure, difficile de former son personnel quand on ne sait quelle technologie ou quel matériau va prendre le pas sur les autres…

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La phase expérimentale n’est pas encore dépassée

En France, Vinci s’est par exemple associé à la start-up XtreeE pour développer sa filière.

Sa première unité de production ouvrira à Dubaï, où le terrain semble propice dans cette ville connue pour sa frénésie du béton (voir encadré). En France, il faudra peut-être attendre un peu : la réglementation n’est pas prête. Aucune certification ne permet qu’un bâtiment repose sur des structures porteuses imprimées en béton. La phase expérimentale n’est pas encore dépassée.

Enfin, les spécialistes ne sont pas tous d’accord : quand certains voient dans cette technologie l’opportunité de créer des habitats à bas coût, d’autres sont plus sceptiques et pencheraient plutôt pour un secteur de pointe, comme la conception de bâtiments de prestige. Les deux types de projets cohabitent et se développent à travers le monde. Voici un panel des projets qui devraient permettre à cette technologie de se développer, selon les résultats qui seront finalement obtenus.

Amérique latine : bientôt un quartier entier en 3D
C’est grâce au « Vulcan II », énorme machine de 7 mètres sur 24, que va être construite toute une série de petites maisons. L’exploit ? Il faut un jour pour les imprimer, puis un autre jour pour installer les huisseries. C’est une équipe d’ingénieurs d’Austin, au Texas, qui a mis au point cette imprimante 3D. Le procédé consiste à injecter des couches de béton pour construire des murs et des planchers, avant d’ajouter un toit conventionnel et des fenêtres. Ces maisons à très bas coût seront proposées à des familles vivant avec moins de 200 dollars par mois : elles pourront rembourser un prêt sans intérêts, ajusté à leur budget. Ce programme, organisé par l’ONG New Story basée dans la Silicon Valley, prévoit d’aménager un quartier de cinquante maisons 3D dans une zone semi-rurale d’Amérique latine, dont elle ne veut dévoiler le nom pour le moment. Si ce type de projet époustoufle sur le plan technologique, il peut soulever des interrogations sur le bien-fondé de rassembler dans un même quartier uniquement les mêmes profils sociaux. L’ONG ne dit pas quelles sont ses relations avec l’édile local qui héritera du projet sur son territoire.

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Eindhoven : Project Milestone
Dans cette ville des Pays-Bas, c’est l’Université de technologie qui porte un projet de construction de maisons 3D, avec quatre autres acteurs dont le groupe français Saint-Gobain. Après le succès de la construction d’un pont en béton destiné aux cyclistes et imprimé en 3D, Eindhoven s’attaque donc à plus complexe : la maison. Elles devraient être cinq et être habitables d’ici quelques mois. La première comprend un seul étage, les quatre autres plusieurs. Conçues par les architectes Houben et Van Mierlo, les formes en seront arrondies, tels de gros cailloux percés de fenêtres, grises et sans toit. C’est justement la conception 3D qui permet davantage de liberté géométrique. S’il a été décidé de concevoir cinq maisons, c’est pour pouvoir, entre chaque modèle, corriger le tir et améliorer la construction suivante.

Dubaï : 25 % des nouveaux bâtiments issus de l’impression 3D
La première ville des Émirats arabes unis est connue pour son goût de la construction. Un goût dispendieux, qu’elle va tâcher de maîtriser en ayant plus systématiquement recours à l’impression 3D ! Dans les sept années à venir, Dubaï souhaite construire 25 % de ses nouveaux bâtiments en impression 3D. Pour 2019, l’objectif se limite à 2 %, puis progressera graduellement. Les sites visés par cette mesure sont les fondations ou les parkings, qui devraient être systématiquement conçus de manière automatisée. La volonté politique est claire : à terme, diminuer les coûts de construction entre 50 et 70 % et réduire la main-d’œuvre humaine jusqu’à 80 %. Des ambitions démesurées, selon les spécialistes du secteur, qui voient mal comment atteindre ces objectifs dans l’état actuel des capacités des machines.

Amsterdam : un pont d’acier en 3D
Son nom de code : le MX3D bridge. Construction ambitieuse, ce pont n’est pas en béton mais en inox et arbore un design unique. Son élaboration, qui a débuté en octobre 2015, a été achevée en septembre l’année dernière. Car cette première technologique a nécessité quelques mises au point, comme la machine six axes capable d’imprimer des structures métalliques complexes et un logiciel spécifique développé en interne. Cet ouvrage d’art, qui a servi de test, a permis de développer des algorithmes d’apprentissage pour que les robots créent d’eux-mêmes des géométries adaptées pour des soudures solides. Le projet aura pris trois ans au final et connu des rebondissements pour se conformer aux règlements du conseil municipal et pour renforcer la structure contre le risque de collision avec des bateaux. Car le pont s’apprête à être enfin installé dans le quartier rouge d’Amsterdam, très fréquenté des bateaux de plaisance qui parcourent les canaux.

Madrid inaugure son premier pont 3D en béton
Il est le premier pont imprimé en 3D au monde. Conçu grâce à la collaboration entre l’Institut d’architecture espagnol et plusieurs pionniers de l’imprimerie 3D, il s’agit d’un pont piéton situé dans le parc urbain de Castilla-La Mancha, en périphérie de la capitale espagnole. Avec 12 mètres de long, 1,75 mètre de large, il est composé de huit parties imprimées individuellement. L’imprimante nommée D-Shape, est capable de construire des bâtiments de deux étages avec escaliers, coupoles et systèmes de canalisations intégrés.

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