Teacher brilliant idea
© alphaspirit
Une furieuse envie de faire émerger des concepts novateurs et des méthodes simplifiées : c’est le point commun à tous les laboratoires d’innovation ayant déjà vu le jour. Pour Matt Fuller, consultant et chercheur en management de l’innovation rattaché à l’université Paris-Dauphine, « dans le service public, l’innovation est dans la décomplexification d’une procédure, mais cette procédure reste inchangée ». Il se pourrait bien que sa définition soit bientôt dépassée, car les laboratoires s’organisent de plus en plus en cassant les codes, les clivages public-privé pour réfléchir hors des cadres.
Ces laboratoires mêlent administrations, entreprises ou associations, et ensemble, ils s’attaquent à une thématique commune
Ces laboratoires nouvelle génération sont en train d’émerger grâce à l’appel à projets de laboratoires d’innovation territoriale, lancé dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA). Le fonds « Transition numérique de l’Etat et modernisation de l’action publique » du PIA, doté à hauteur de 126 millions d’euros, vise à développer les démarches de simplification, rationaliser et mutualiser les infrastructures informatiques et expérimenter des technologies et des services innovants. Douze laboratoires ont été retenus en novembre dernier, ils prennent des formes différentes.
Les « monothématiques » : les plus nombreux
Ces laboratoires mêlent administrations, entreprises ou associations, et ensemble, ils s’attaquent à une thématique commune. Au choix : l’économie sociale et solidaire, les ressources humaines, la transition énergétique, les méthodes d’inspection-contrôle, l’open data ou encore l’inclusion sociale. En Ile-de-France, Fab RH, lancé début 2017 par la préfecture, cherche à créer un espace d’échanges sortant les administrations d’une logique de gestion en silo.
Chercher des innovations en dehors du système
Pour le consultant et chercheur Matt Fuller, les laboratoires d’innovation doivent servir à penser en dehors des systèmes existants. « C’est difficile dans des programmes structurés. On a du mal à justifier pourquoi on est allé dans une direction qui peut paraître farfelue. » Le chercheur craint que les innovations, au sein des laboratoires des collectivités, se limitent en réalité à des actions d’optimisation de l’existant. « Les entreprises optimisent au maximum depuis des décennies, pourquoi la fonction publique n’est-elle jamais parvenue à mettre en place des systèmes d’amélioration permanents ? » Pour lui, il faut dès à présent dépasser cette démarche d’optimisation, même si elle est utile, pour atteindre un autre stade : celui de la création de nouveaux outils pour réinventer le service public et reconquérir les citoyens.
Développer l’écoute des usagers et des besoins exprimés par les services sont au cœur de la réflexion. Pour obtenir des résultats, le laboratoire interministériel prévoit de collaborer avec des start-up, des entreprises du numérique et des RH, des écoles de design, des associations investies dans l’innovation RH et des administrations publiques de la région.
Les « autocentrés » : les laboratoires « maison »
Ces laboratoires sont développés au sein d’une collectivité ou d’une administration, qui se penche sur les moyens de faire émerger une nouvelle culture professionnelle, faciliter la vie des usagers, développer l’intelligence des territoires grâce aux data et rénover les services existants. Souvent pensés au sein de conseils régionaux ou départementaux, parfois de métropoles, ces laboratoires ne fonctionnent pas pour autant en vase clos : selon les sujets abordés, des partenariats sont développés avec des entreprises, associations ou écoles spécialistes du sujet.
Certains laboratoires réunissent diverses administrations locales soucieuses de diffuser une culture d’innovation publique
Dans la même lignée, certains laboratoires regroupent deux ou plusieurs administrations locales, comme le Campus en Nouvelle Aquitaine, basé au sein du conseil départemental de Gironde mais réunissant diverses administrations locales soucieuses de diffuser une culture d’innovation publique, dans le but de moderniser les relations avec les usagers. En Bretagne, la préfecture et le conseil régional marchent main dans la main avec cette même ambition.
Le SGMAP a des outils pour les collectivités !
Le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique a développé un panel d’offres abouties, pour certaines déjà déployées dans les collectivités. Parmi elles, on retrouve le marché public simplifié, qui permet aux entreprises de répondre à un marché public avec son seul numéro Siret. Toutes les collectivités, petites ou grandes, peuvent intégrer ces fonctions pour amplifier leur action. Elles peuvent aussi s’emparer des services développés pour les compléter, comme dans le cas du simulateur de droits www. mes-aides.gouv.fr. Le site, très clair et simple d’utilisation, promet aux utilisateurs d’évaluer leurs droits en moins de 7 minutes. Charge aux collectivités de compléter l’outil avec ses propres aides extra- légales. Paris, Rennes et le conseil départemental de Seine-Saint- Denis ont déjà pris cet outil participatif et open source en main. Le SGMAP propose un soutien aux collectivités qui souhaitent intégrer les outils qu’il développe, ou, dans l’optique d’une démarche locale plus complète, de les accompagner pour lancer un incubateur.
Les « objectifs communs » : en solo ou à plusieurs
La dernière catégorie de laboratoire peut fonctionner en solo ou à plusieurs. Ensemble, les acteurs se fixent un objectif. En Pays de la Loire, Ensemble pour innover tâche de « résoudre les problèmes que les services de l’Etat n’arrivent pas à traiter de manière classique ». En Provence-Alpes-Côte d’Azur, le lab0 mêle privé, public et associations pour viser un « objectif zéro ».
S’affranchissent de l’existant, des groupes se constituent autour de l’objectif et planchent sur de nouvelles solutions
S’affranchissent de l’existant, des groupes se constituent autour de l’objectif et planchent sur de nouvelles solutions. Les deux premiers objectifs fixés sont zéro sans-abri et zéro habitant sans droit. La Fondation Abbé-Pierre, le groupe SOS, la Fédération des acteurs de la solidarité, entre autres, participent à ce nouveau défi. Pensées au niveau de la ville de Marseille, les solutions, une fois éprouvées, essaimeront sur le reste de la région.