Un boss, déjà... Mais plusieurs dizaines ! Estelle Yung, ex-DGS d'intercommunalité XXL, en a fait l'expérience, et en a tiré de précieuses leçons sur la démocratie locale, la force et la valeur des maires dits de proximité.
Par Estelle Yung, DGS mutualisée de la ville de Langres et de la communauté de communes du Grand Langres de janvier 2015 à février 2021
En 2015, la loi NOTRé a redessiné une nouvelle fois le paysage intercommunal et a donné naissance à de si grandes intercommunalités qu’on les a baptisées XXL. La mienne était alors celle qui est dominée par la millénaire ville perchée de Langres, une pépite patrimoniale dans un écrin bucolique… réputée pour ses températures frisquettes (le petit point bleu dans le bas du Grand Est… ça y est, vous la situez !).
Cette intercommunalité aux services mutualisés avec la ville centre et d’autres se compose de 54 communes. Elle est grande comme sept fois Paris et compte cent fois moins d’habitants (21.000 Grand-Langrois) ! Et pourtant le Grand Langres a parfois quelques airs du Grand Paris entre défiance des élus des plus petites communes et complexité financière…
Des candides qui savent lever des lièvres
Dans ce monde de l’infiniment petit, il y a donc les élus, 82 délégués communautaires et parmi eux, mes 54 patrons, les 54 maires des 54 communes : le maire de la ville centre, qui se démène avec les charges de centralité et qui voudrait bien faire porter le poids des équipements culturels sur les autres communes dont les habitants sont largement utilisateurs, les maires des bourgs structurants, qui trouvent qu’il n’y en a que pour la ville centre, alors qu’ils ont aussi une dynamique économique et entendent bien avoir des hectares de surface à développer dans le futur PLUI.
Il y a enfin cette majorité trublionne de maires, qui ne manque pas de prendre la parole en conseil communautaire pour crier leur existence, si petites soient leurs communes. Ces maires-là veulent aussi comprendre, jouent souvent les candides lors des présentations d’exégèse sur la fiscalité et lèvent parfois des lièvres que mes collègues et moi n’avions pas imaginés.
En politique, comme dans la vie, on a souvent besoin d’un plus petit que soi
Au final, quand un tiers des communes a confié à l’intercommunalité son secrétariat de mairie ou ses services techniques, quand on a des agents implantés dans la moitié des communes, eh bien oui, ils sont tous légitimes ces élus qui revendiquent leur place dans le système XXL !
Et puis, lorsque l’un d’eux envoie un SMS le samedi matin parce qu’il a réglé un problème de tuiles qui tombent à l’école de l’interco, on se dit qu’ils sont dévoués ces élus ruraux, qui participent aux réunions innombrables et au contenu parfois abscons avec une assiduité sans faille, qui accueillent chaleureusement toutes les instances qu’on peut délocaliser et sont des vice-présidents des plus impliqués aux côtés des services. Ils sont reconnaissants quand on envoie un collaborateur, en urgence, gérer une situation sociale désespérée ou instruire un permis de construire mal parti, tout ce que les services mutualisés font pour les gros et les petits, sans distinction du "poids démographique" du maire.
Et c’est peut-être aussi un peu parce qu’on les considère tous comme nos patrons, du moins j’aime à le croire, que la majorité a finalement quasiment toujours été trouvée pour faire avancer cette intercommunalité XXL et en particulier sa ville centre. La morale de cette histoire, c’est qu’en politique comme dans la vie, on a souvent besoin d’un plus petit que soi.
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