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Monique Dagnaud, Le modèle californien. Comment l’esprit collaboratif change le monde, Paris, Odile Jacob, 2016, 202 pages, 22,90 €.
« La Californie. La Californie. La Californie. La Californie » chantaient les choristes de Julien Clerc. La sociologue Monique Dagnaud reprend et actualise le propos, en se penchant sur ce « confetti géographique » qui constitue le pôle d’innovation et de brassage des affaires du monde contemporain.
La révolution Internet
Enquêtrice auprès des jeunes générations, grande lectrice, et observatrice du monde des start-up, l’auteure s’intéresse surtout à la diffusion et aux conséquences de ce qui est à la fois un modèle et un idéal.
Au sein du complexe capitalo-intellectuel de la Silicon Valley, et autour d’Internet, de nouvelles valeurs ont été mises en avant : autonomie, liberté, partage.
C’est dans un écosystème particulier, mêlant innovations technologiques, capital-risque et aspirations politiques nouvelles, qu’a été inventé Internet. D’abord, dans les années 1970, avec des fonds publics (militaires et civils). Au sein du complexe capitalo-intellectuel de la Silicon Valley, et autour d’Internet, ce sont de nouveaux outils, des nouvelles manières de travailler, mais aussi de nouvelles valeurs qui ont été mises en avant : autonomie, liberté, partage.
Les techno-prophètes font depuis des décennies des déclarations et actes de foi. Ils invitent à modifier l’humanité, et, de fait, ils la modifient. Monique Dagnaud rend compte des mutations à l’œuvre, dans notre psyché, nos habitudes au bureau et autres politiques publiques. La révolution est à l’œuvre dans l’ensemble des relations et connexions interindividuelles comme dans l’ensemble des régulations bureaucratiques et publiques. Ces transformations radicales (on aime dire aujourd’hui « disruptions ») ont été rendues possibles par l’osmose entre universités, capitaux, ingénieurs entrepreneurs, ouverture à la différence, accueil des talents. Il s’ensuit de nouveaux comportements, dans toutes les strates de la société, mais également une affirmation de la classe créative.
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Les conséquences du cocktail californien
Ce cocktail californien contient, historiquement, de la contre-culture protestataire, des théâtres de rencontre entre l’homme et la machine, de puissants investissements très concentrés. Les conséquences de ce modèle se lisent dans le monde entier, la France en particulier. L’Hexagone n’a pas connu, en tout cas ni au même moment, ni avec la même intensité, cette rencontre entre hippies, programmateurs passionnés et entrepreneurs volontaristes.
Plus qu’une visite en Californie, c’est à des observations et réflexions sur le capitalisme à l’ère numérique que nous invite la sociologue.
Mais on y trouve maintenant cette même aspiration, notamment dans les jeunes générations plus éduquées, à une société bien moins hiérarchisée et programmée (si on peut se permettre l’expression), mettant en avant les réseaux et les individus. Effritement du salariat et écrasement des hiérarchies, mutations des désirs et changements des modes de vie, alimentent cette économie et cette société collaborative que les outils Internet permettent et que le modèle californien promeut.
En France comme aux États-Unis, les générations Y, Z et bientôt A, ont des idéaux et comportements de décentralisation et d’autorégulation. Plus qu’une visite en Californie, c’est à des observations et réflexions sur le capitalisme à l’ère numérique que nous invite la sociologue. Du double point de vue de l’action publique et de la dynamique économique, l’effervescence californienne contraste avec la frilosité française. Deux vérités en tout cas : l’engouement des jeunes pour le collaboratif, les germes d’inégalités abyssales.
Extraits
« La Silicon Valley est devenue le centre névralgique et la locomotive de l’innovation de l’économie monde. Ce bijou géographique de la côte Ouest est donc ausculté comme le laboratoire des mutations du capitalisme. »
« Si le socialisme a défini l’horizon politique du 20e siècle, le collaboratif dessine celui du 21e siècle. »
« Ces mutations doivent être ramenées aussi à l’essor de l’université et à l’élévation généralisée du niveau d’éducation. »
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