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Paule Boffa-Comby est présidente-fondatrice de Pema-partenaire et de ReThink & Lead. Elle accompagne l’émergence de pratiques managériales innovantes tant par son action auprès des dirigeants et des grandes entreprises françaises et internationales que par ses écrits et les rencontres qu’elle organise entre leaders de changement responsable.
À lire : Le leader collectif, un nouvel art du pouvoir, Dunod, 2017.
Pouvez-vous nous dire ce qui est à l’origine de ce livre sur le leader collectif ?
La nécessité d’accélérer les transformations pour permettre aux entreprises d’être plus agiles, plus innovantes, plus performantes face à un monde en profonde mutation. Et le besoin, pour ce faire, de prendre en compte le facteur humain, de faire évoluer les principes d’organisation et de leadership et de s’intéresser à celles et ceux qui portent le changement, les leaders, dont le rôle et les leviers changent aussi nécessairement. L’envie, également, de témoigner pour faire connaître les réussites collectives auxquelles j’ai eu la chance d’assister, parfois dans des situations qui auraient pu être catastrophiques si les dirigeants, les managers en place n’avaient pas eu le courage d’agir différemment, d’exercer un nouvel art du pouvoir, basé sur le sens et la confiance.
Comment développer un leadership basé sur le sens et la confiance ?
La confiance ne se déclare pas, elle se construit dans le temps, à force de cohérence et d’authenticité. Donner du sens à ses équipes requiert de l’écoute, de la sincérité dans l’échange. Créer les conditions de la confiance et donner du sens ne se limite pas à des discours, des slogans ou des chartes. Chacun sait qu’en la matière, les actes et les comportements priment sur les paroles et les écrits, que l’exemple donné est plus important que les processus édictés, que le savoir être compte encore plus que le savoir.
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Vous formulez un certain nombre de conseils et de recommandations pour être un leader collectif. Lesquels vous semblent les plus importants ?
Plus que des recommandations, les dix règles d’or ou bonnes habitudes du Leader Collectif® sont le fruit de l’observation et de l’expérience. Elles sont là pour donner des repères plus que des injonctions. Elles tournent autour de trois grands axes. Les trois premières soulignent l’importance de bien se connaître soi-même, car plus le monde est complexe, incertain et changeant, et plus avoir des repères intérieurs est essentiel. Et plus ces repères intérieurs sont solides et plus on peut s’ouvrir aux autres et au monde, et donc entrer en relation, agir avec, en donnant sens et confiance, comme je le développe dans les trois clefs suivantes. Les quatre dernières tournent autour d’un certain nombre de traits hérités du passé, dont il faut être conscients et prêts à les revisiter, comme le droit à l’erreur souvent craint, et pourtant levier puissant d’apprentissage ou le regard porté sur les crises, le changement que l’on peut aussi transformer en opportunités, etc.
« Replacer l’humain au cœur de la performance »
Si les réponses et solutions aux nécessaires besoins de transformations ont longtemps été cherchées dans des changements d’organisation ou de process, force est de constater qu’ils représentent des conditions nécessaires, mais loin d’être suffisantes. Comment gagner en capacité d’innovation autrement qu’en apprenant au plus près du terrain ? En responsabilisant et s’appuyant sur ceux qui font et sur ceux qui sont directement au contact avec le client/usager ? Et comment penser pouvoir atteindre plus de transversalité, d’agilité sans repenser profondément cette répartition des rôles et responsabilités ainsi que les postures de leaders, de managers et de collaborateurs qui vont avec ? » […] Créer les conditions pour que chacun, à tous les niveaux de l’entreprise, puisse coopérer véritablement et donner le meilleur de lui-même afin de contribuer à l’atteinte de l’objectif partagé, requiert un changement profond de culture d’entreprise et de posture pour les leaders. Libérer les énergies des équipes, faire naître en chacun des collaborateurs l’envie de s’engager, de prendre part à la réussite collective et de prendre plus de responsabilités nécessite de savoir inventer de nouveaux « comment ». Pour le leader, cela signifie également d’accepter de sortir de sa zone de confort et de cheminer personnellement pour exercer un nouvel art du pouvoir replaçant sens et confiance au cœur de la réussite collective ».
Comment s’adapter de façon efficace à cet environnement complexe – accélération des révolutions technologiques, digitalisation, « village mondial » – que vous décrivez bien ?
D’abord en acceptant cette complexité et l’incertitude qui en découle. Ce qui représente déjà un profond et nécessaire changement d’état d’esprit. Car cela nous pousse à prendre conscience de l’importance de s’appuyer sur d’autres avis que le sien, sur d’autres talents et forces que les siennes. C’est une clef essentielle pour développer l’humilité nécessaire au choix du collectif et à sa mise en œuvre concrète, qui ne peut réussir que si chacun voit qu’il a plus à y gagner qu’à y perdre. Dans le monde VUCA ((Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity - est un terme inventé par l’US Army War College dans les années 90 pour décrire le monde après l’effondrement de l’Union soviétique.)) qui est le nôtre, c’est un élément déterminant pour gagner en agilité, en capacité d’innovation et en capacité d’actions.
Comment renouer avec la réussite collective et mieux mobiliser ses collaborateurs ?
Nous avons identifié trois « portes du changement » mobilisatrices. La première est une prise de distance avec le règne d’un court-termiste et d’une financiarisation poussés à l’excès pour revenir à la mission première des entreprises : la création de valeur pour l’ensemble de ses parties prenantes. Ce qui (re)donne du sens. La deuxième est une prise de conscience nécessaire que l’excès de process nuit à la capacité d’initiative et d’innovation des collaborateurs et qu’un retour à plus de confiance et de responsabilisation est bénéfique. La troisième est une prise de distance par rapport aux modèles de leader, basés sur une autorité de statut et d’information qui ne correspond plus à la réalité et aux besoins du monde d’aujourd’hui pour favoriser une autorité d’influence, ancrée dans des valeurs personnelles, qui donnent une crédibilité autrement plus durable et efficace. Pour s’engager et donner le meilleur d’eux-mêmes, les collaborateurs ont en effet besoin d’un cadre clair et de savoir qu’ils peuvent compter sur leurs leaders pour le faire respecter avec exigence et bienveillance, fermeté et respect, au service d’un objectif partagé.
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