La crise n’a pas permis d’ancrer les nouvelles pratiques managériales

Marjolaine Koch

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La crise n’a pas permis d’ancrer les nouvelles pratiques managériales

Young people running with light build. The way to success, unique way to sort out the problem

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La crise a révélé une adaptabilité et une « belle résilience » des collectivités. Mais en même temps, le management s’est recentralisé et est devenu plus vertical. Comment expliquer ce paradoxe ?

Il y a une forme de contradiction entre la « belle résilience » des collectivités et la recentralisation du management, comment l'expliquer ?

Cette capacité de résilience était surtout une capacité d’adaptation : les agents se sont affranchis de manière très rapide d’un certain nombre de cadres de référentiels car la crise l’exigeait. On disposait de peu d’informations, la population était anxieuse, il fallait savoir répondre rapidement : l’horizontalité s’est imposée à tout le monde. Ces modes d’action ont été pris dans l’urgence, dans une période particulière faite d’ordonnances et d’un cadre juridique qui bougeait sans cesse. Les circonstances ont donné cette flexibilité, parce qu’en réalité nous n’avions pas le choix ni le temps de mettre en place des procédures. Aujourd’hui, on est revenu à une situation plus normée, on sait mieux gérer la crise, on revient donc au mode de fonctionnement que l’on connaît le mieux.

Les élus ont bien pris conscience du rôle des agents au plus fort de la crise : leur mobilisation a été remarquée, ils en ont été remerciés.

La crise n’a pas permis d’ancrer de façon pérenne ces nouvelles pratiques : il faut un temps suffisamment long pour le permettre, un temps d’expérimentation qui permet de mesurer les améliorations apportées. Les agents ont fait l’expérience d’une nouvelle façon de faire pour être au plus près de la demande sociale des usagers, c’est une parenthèse qui a permis à certains de retrouver le sens de leur travail, mais elle se referme comme s’il n’était pas possible de laisser certaines prises de décision au plus près de la connaissance du terrain. On peut aussi revendiquer ce changement comme une nouvelle façon de rendre un service public aux usagers.

Le rôle de l’élu, la nécessité d’embarquer tous les agents... il y a aussi cette difficulté des collectivités à pratiquer un management installé dans un projet global...

Les communes ont connu un renouvellement électoral, c’est donc une période complexe d’installation avec des élus préoccupés par la période sanitaire et les mesures à prendre. Je ne suis pas certaine que l’aspect managérial soit effectivement leur priorité dans ces circonstances.

C’est aussi aux directions générales d’acculturer les élus

Mais on a aussi dans la territoriale un manque d’appropriation de la part des élus, de leur qualité d’employeur public. Depuis un an, il y a pourtant une loi de transformation de la fonction publique, dont l’une des finalités est de reconnaître davantage les élus en tant qu’employeur public, notamment dans le cadre de la négociation collective du dialogue social à mettre en place avant la fin de l’année. Je pense que beaucoup d’élus ont des difficultés à appréhender leur dimension d’employeur public. Mais c’est aussi aux directions générales d’acculturer les élus sur ces questions. Pour autant, ils ont bien pris conscience du rôle des agents au plus fort de la crise : leur mobilisation a été remarquée, ils en ont été remerciés.

Enfin, l’effort de formation porte avant tout sur les cadres dirigeants, bien plus que sur les cadres intermédiaires et de proximité...

C’est tout ce que l’on veut promouvoir dans les associations professionnelles comme à l’ADT Inet, dont je suis vice-présidente : la notion de continuum de la formation est essentielle. Les cadres dirigeants doivent promouvoir une appétence pour la formation et les nouvelles logiques de management. Le catalogue du CNFPT offre un panel de formations très complet. On a souvent tendance à renforcer l’expertise technique des agents, en oubliant de développer aussi les « soft skills » comme les compétences relationnelles, le management de petites équipes.

Il faut que toute la chaîne hiérarchique soit convaincue que l’encadrement intermédiaire a besoin d’être formé sur ses compétences transversales

Ce qui marche bien aussi, c’est l’idée de proposer la même formation de manière très horizontale, pour tous les agents, sur des thèmes comme la communication ou les émotions. Que tout le monde vienne à ces formations et entende la même chose. Dans tous les cas, il faut que toute la chaîne hiérarchique soit convaincue que l’encadrement intermédiaire a besoin d’être formé sur ses compétences transversales. Et évidemment, il y a aussi un effet d’exemplarité à avoir : si le chef ne se forme jamais, il est difficile de comprendre pourquoi il faudrait se former.

Laurence Malherbe est directrice des affaires générales, du juridique et du contentieux de la ville d’Antibes et vice-présidente de l’Association des dirigeants territoriaux et anciens de l’Inet (ADT Inet), adtinet.fr

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