Depuis 2006, neuf Parcs Naturels Régionaux et un Parc National, regroupés au sein d'une Association Inter-Parcs Massif Central (IPAMAC), se mobilisent autour des politiques d'accueil et de développement territorial rural avec, comme moteur l'organisation de résidences de créations artistiques en lien étroit avec les personnes qui habitent leurs territoires. Cette première expérience s'est appelée « Parcs en Résidences ».
Soucieux de croiser leur initiative avec d'autres en France et en Europe, l'IPAMAC, avec le soutien du Collectif Ville-Campagne, oeuvre à un nouveau projet culturel intitulé : "Vivre ensemble à la campagne" sur la question des nouveaux arrivants et des habitants des territoires ruraux, dans le cadre d'un comité de pilotage dans lequel on retrouve le Réseau Culture Europe, l'Ufisc, le Réseau 21, la Fédération des Parcs Naturels Régionaux, ainsi que Culture & Départements.
Comment s'est concrétisé ce projet ? Les réalisateurs Camille Plagnet et Jeanne Delafosse, suite à un appel à projets, ont élu résidence en 2011, pendant 8 mois, dans six Parcs naturels pour réaliser une oeuvre artistique avec les habitants : de cette rencontre sont nés un documentaire-fiction (Changement de situation) et un livre (Nous avons fait un beau voyage). L'ensemble de la démarche a été suivie par le Collectif Ville-Campagne associé à la sociologue Fanny Herbert, dans un objectif d'observation et de capitalisation. (parallèlement paraissait en décembre 2010 une étude de Loriane Gouaille intitulée : « la culture dans les parcs naturels régionaux : abandon ou renouveau ? les pratiques culturelles des Parcs »).
Une équipe de recherche composée de Pauline Scherer et Vincent Guillon, sélectionnée après appel à projets, a été chargée de recenser et d'analyser quatre projets culturels hors Massif Central, en lien avec les politiques d'accueil, en vue de créer une plate-forme de ressources et la mise en place de modules de formation sur le terrain. Ainsi lors des Rencontres : « la culture comme et cohésion sociale », les 3 et 4 mars 2011 à Lalbenque dans le Quercy, divers porteurs de projets de territoires sont venus présenter leurs initiatives. On peut visionner ainsi de passionnants exposés sur Art et solidarité en Maurienne (comment la réalisation collective d'une oeuvre d'art évolutive devient vecteur d'insertion pérenne) ; Fermes en scène (comment une scène ambulante mobilise de nouveaux publics de ferme en ferme, et devient facteur de cohésion sociale) ; la librairie-tartinerie de Sarrant (quand un projet de vie donne naissance à un lieu de vie local, et rayonne à travers la librairie itinérante des territoires)... et on peut aussi voir l'intro ou lire le compte-rendu écrit.
En octobre 2009, une rencontre au Teich (33) a réuni plus de 150 participants autour de « la place de l'artiste dans les projets de territoire » (vous pouvez en trouver ici une synthèse). François Pouthier, président de Culture & Départements, dans un texte où est rappelée l'influence des nouvelles populations sur les territoires ruraux, écrit ainsi : « La place de l'artiste dans les territoires se doit donc d'évoluer. Elle ne peut plus se réduire à une action culturelle déconcentrée dans la périphérie de la périphérie, avec comme seule logique la proximité ou comme seule question l'animation du territoire, même limitée au tourisme. Elle ne peut être également réduite à produire du lien social comme si l'événement et la fête, sources d'échanges et de rencontres entre les habitants, devenaient en eux-mêmes des médiateurs sociaux. En revanche, ses fonctions environnementales, par la mise en lecture des paysages, économiques, par la « tierce économie » qu'elle implique bien au-delà d'une économie de terroir, et sociales par les présences, résidences ou implantations artistiques, sont en mesure de restaurer, souder et inventer un autre rapport entre nouveaux arrivants, personnes qui habitent le territoire et les « gens d'ici », ceux qui sont partis comme ceux qui sont restés ».
En menant en parallèle une étude universitaire et un appel à projet artistique, « Vivre ensemble à la campagne » est une véritable étude-action. Le rendu d'une étude confiée au sociologue Vincent Guillon a eu lieu les 17 et 18 novembre 2011 à Millau, dans le Parc Naturel Régional des Grands Causses. S'en suivent actuellement six journées d'échange dans d'autres territoires. Le groupe de travail « politiques d'accueil et de maintien de populations a ainsi travaillé le 23 janvier 2012 sur « la culture, facteur d'attractivité des territoires ruraux et de cohésion sociale ? » Une publication doit voir le jour.
Aujourd'hui, IPAMAC lance une nouvelle étude consacrée aux Bistrots de pays, ces lieux qui rendent vivants les territoires et qui motivent l'installation de nouveaux arrivants. Elle vise à analyser des exemples de bistrots proposant une programmation culturelle, pour en dégager les conditions de viabilité et apporter des outils aux élus, techniciens, bistrotiers qui veulent créer ou développer le bistrot d'une commune. La culture, facteur de revitalisation des derniers commerces de proximité ?
Quoi qu'en pensent certains professionnels de la culture pour qui l'horizon s'arrête encore aux grandes villes, les territoires ruraux regorgent d'expériences passionnantes qui méritent d'être mieux connues et partagées. C'est tout l'intérêt du travail mené par IPAMAC, le Collectif Ville-campagne ou encore le Réseau rural.
François Deschamps
Crédit photo Jeanne Delafosse