Le ministre de l'Intérieur et des Cultes Manuel Valls doit inaugurer jeudi la nouvelle Grande mosquée de Strasbourg, un monument où les musulmans se déclarent fiers, après des années de controverses et de difficultés, de pouvoir "prier dans la dignité".
Quelque 1.200 personnalités sont attendues à cette cérémonie, dont de nombreux responsables politiques, les représentants des autres religions - catholique, protestante et juive -, ainsi que le président du Conseil français du culte musulman, Mohammed Moussaoui.
Les responsables de la communauté musulmane locale comptaient encore lundi sur la présence du Premier ministre Jean-Marc Ayrault - présence que leur a annoncée dans un courrier le président François Hollande - mais cette participation n'a pas été confirmée par Matignon.
Cette inauguration pourrait être pour M. Valls l'occasion de revenir sur la colère suscitée dans le monde musulman par la publication de caricatures du prophète Mahomet dans Charlie Hebdo et par un film islamophobe réalisé aux Etats-Unis.
Le ministre "ne peut pas ne pas en parler", estime Saïd Aalla, le président de l'association qui a porté le projet de construction de la mosquée. "Mais pour nous, ce qui compte c'est l'inauguration. L'heure est à la joie. Il ne faut pas céder à la provocation, même si certains fidèles ont pu se sentir blessés".
Implanté à moins de 2 km de la cathédrale, au bord de la rivière Ill, le nouveau lieu de culte strasbourgeois est déjà utilisé au quotidien depuis le dernier ramadan, en août. Il peut accueillir quelque 2.000 fidèles - en majorité d'origine maghrébine, car les nombreux Turcs strasbourgeois disposent d'une autre mosquée, installée dans un ancien bâtiment industriel.
Le bâtiment est surmonté d'un imposant dôme de cuivre de 16 mètres de diamètre, mais n'a pas de minaret.
La communauté musulmane, forte de 40.000 à 60.000 personnes dans l'agglomération de Strasbourg (8% à 12% de sa population), disposait jusqu'à présent de plusieurs salles de prières, la plupart assez discrètes, mais la 7e ville de France n'avait pas de mosquée d'envergure.
"Ce projet a traversé pas mal d'épreuves, mais il a fini par aboutir. Les gens sont contents d'avoir un lieu digne pour prier, cela renforce notre sentiment d'appartenance totale et définitive à la communauté nationale", analyse M. Aalla.
Avec ses locaux administratifs et techniques et ses salles d'ablution l'ensemble a coûté 10,5 millions d'euros, dont 26% financés par les collectivités locales (qui ont choisi de le faire grâce aux spécificités du droit d'Alsace-Moselle), 37% par le gouvernement marocain, et 14% par l'Arabie saoudite et le Koweit. Les autorités de ces pays seront d'ailleurs représentées jeudi lors de la cérémonie.
Le projet de grande mosquée, envisagé à Strasbourg depuis le début des années 1990, a connu un parcours chaotique et controversé. En 1999, l'extrême droite, emmenée par Bruno Mégret dans les tribunes, avait chahuté les débats du conseil municipal consacrés à ce dossier.
Les alternances politiques successives à Strasbourg ont ensuite considérablement ralenti le projet, qui a été amputé de sa bibliothèque et de son minaret sous le mandat de Fabienne Keller (UMP, 2001-2008), avant d'être relancé par l'actuelle équipe du maire Roland Ries (PS).