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On parlait il y a peu dans un journal d’un collaborateur de la maire de Paris, pour préciser comme essentiel élément de son identité professionnelle qu’il était normalien. Un autre journal décrivait récemment la « jeune garde » des conseillers du président de la République. À une exception près, une journaliste sportive tout de même titulaire d’une licence de sciences politiques, tous sont énarques et/ou normaliens. Et tous ont des parcours de fils et filles de bonne famille, issus des milieux les plus privilégiés de la société française.
Car voilà ce que produit notre système d’accession aux plus hautes responsabilités de l’État, mais aussi des entreprises, en France. L’obligation d’avoir réussi une école ou un concours prestigieux : Polytechnique, Normale sup’, Ena, HEC… faites votre choix. Et la réalité est que la réussite à ces concours est, sauf exception, réservée à une élite bien née.
Quand la ségrégation en France a pris cette ampleur, qu’importe qu’elle soit voulue ou non. Elle fait des ravages, c’est tout
Le Premier ministre employait récemment le mot d’« apartheid » pour désigner le rapport de la France avec une bonne partie de sa banlieue. Le terme est violent et l’on pourrait discuter de sa justesse, notamment parce que le « développement séparé » procédait d’une volonté réelle, assumée et théorisée de priver une population de ses droits. Mais enfin, quand la ségrégation en France a pris cette ampleur, qu’importe qu’elle soit voulue ou non. Elle fait des ravages, c’est tout.
Elle fait des ravages parce qu’elle exclut durablement une partie de la population de tout accès à la décision politique (une récente étude montrait que les parlementaires issus des milieux ouvriers sont aujourd’hui de 2 %).
Elle fait des ravages parce que, du coup, elle donne un poids invraisemblable à cette « pensée unique », coulée dans le bronze de Sciences Po (je le sais, je suis passé par là) et de l’Ena, qui dicte sa loi à Bercy.
Elle fait des ravages enfin parce qu’elle suscite une colère légitime de la part de ceux qui sont discriminés et qui ont tant de mal à se reconnaître dans une République dont l’élite leur est définitivement inaccessible. Tant que la Haute fonction publique ne sera pas au minimum représentative de ce qui compose la société française, la promesse républicaine ne sera pas tenue. En ces temps troublés, il est urgent d’agir.