La haute fonction publique, un club toujours select d'hommes "bien nés"

Christine Cathiard

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La haute fonction publique, un club toujours select d'hommes

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La haute fonction publique reste un bastion d'hommes "bien nés" formés dans les grandes écoles. La fonction publique resterait-elle rétive aux actions correctives à cause de sa conviction d'être dans l'égalité ?
Né à Tourcoing, ancien footballeur et ex-élu d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), Zaïr Kedadouche vient de démissionner du Quai d'Orsay en se disant victime d'un "racisme abject", des accusations que le ministère a vivement démenties. Quel que soit le fond de l'affaire, le sentiment de discrimination de M. Kedadouche a pu être nourri par son isolement: il était le seul diplomate issu de l'immigration sur les 32 ambassadeurs nommés par François Hollande lors de sa première année à l'Elysée, selon une étude associative.

3% des préfets issus de la diversité

Sur les 52 préfets nommés par le chef de l'Etat lors de sa première année au pouvoir, seuls trois étaient des représentants des minorités visibles: Nacer Meddah en région Lorraine, Marcelle Pierrot en Guadeloupe et Richard Samuel en Isère, selon ce décompte du Conseil représentatif des associations noires (Cran) et de Banlieues citoyennes. En avril 2013, seuls 2,39% des ambassadeurs et 3,96% des préfets étaient issus "de la diversité", toujours d'après cette étude construite, en raison de l'interdiction de statistiques ethniques, sur la base des patronymes et des photos.

Depuis les choses n'ont pas évolué

Un recteur issu de la diversité a été nommé en Conseil des ministres, mais aucun préfet, ambassadeur ou inspecteur général venu des minorités visibles, selon une source au gouvernement.
 "Dans son ensemble, la fonction publique est plutôt ouverte aux minorités, les armées notamment sont remarquables en termes de diversité, mais ça s'arrête à un certain niveau hiérarchique", confirme le sociologue Jean-François Amadieu de l'Observatoire des discriminations.
Pour lui, le problème vient du passage quasi obligé par l'Ecole nationale de l'administration (ENA) ou autre grande école. Avec un concours unique très sélectif, elles favorisent indirectement les bien-nés dotés d'un fort capital culturel.

Codes de langage

"La difficulté dans ces écoles c'est surtout le grand oral, par essence très subjectif, ajoute Fadiha Mehal, présidente-fondatrice des Mariannes de la diversité. C'est là que se produit l'hécatombe pour les personnes issues de l'immigration qui ne maîtrisent pas toujours les codes de langage et de savoir-être des élites". Pour cette militante, également élue du Modem à Paris, la haute fonction publique est à rebours des évolutions du temps: en politique et dans les médias, la diversité a progressé, dit-elle.  Le bilan dans le secteur privé est plus contrasté. Mais "les dirigeants peuvent arriver à considérer qu'ils sont faillibles: si on leur montre des statistiques, ils peuvent admettre le problème et entamer une réflexion avec leur DRH", souligne-t-elle. C'est ainsi que des entreprises comme l'Oréal ont engagé des programmes pour rendre leur programme de recrutement le moins discriminant possible.Egalité, fraternité..."La fonction publique", juge-t-elle, "est innervée par le principe d'égalité", qu'elle considère respecter avec des concours similaires pour tous les candidats. "La fonction publique reste rétive (aux actions correctives) à cause de sa conviction d'être dans l'égalité". Par ailleurs, pour les plus hauts postes, qui dépendent d'une nomination politique, "le climat n'est pas favorable aux minorités avec la montée du Front national qui pousse à la frilosité", selon Mme Mehal. Fini le temps où Nicolas Sarkozy s'affichait avec "le premier préfet musulman" ou avec des conseillers issus de l'immigration. "Le gouvernement précédent ne s'est pas servi de ces exemples pour structurer une politique publique, regrette-t-elle. Et maintenant, la fenêtre de tir est passée".

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