« La maîtrise foncière a été un outil pour faire adhérer les agriculteurs à la conversion au bio »

« La maîtrise foncière a été un outil pour faire adhérer les agriculteurs à la conversion au bio »

BAVENT

Comment les collectivités peuvent-elles accompagner les agriculteurs ? Explications avec l'exemple précis et détaillé d'un projet normand.

Pierre-Julien Bavent est responsable de la protection de la ressource en eau pour la communauté d’agglomération Seine-Eure (27).

Comment peut-on concrètement protéger un captage ?

Le captage des Hauts-Prés, à Val-de-Reuil, alimente en eau 40 000 personnes. Pour protéger cette ressource, nous avons acheté 110 hectares sur le périmètre de protection rapproché à partir de 2009, les agences de l’eau pouvant apporter jusqu’à 80 % du financement. L’objectif était de maintenir le tissu agricole et de passer en bio.

Lire aussi : Transition écologique : tous les outils sont là

Les agriculteurs peuvent-ils être des partenaires de ces démarches ?

Au départ, nous avons rencontré les sept agriculteurs, tous en grandes cultures, pour leur présenter le projet. Tous n’ont pas été convaincus par la conversion en bio, mais la maîtrise foncière a été un outil pour les faire adhérer. L’un d’eux, à deux ans de la retraite, a cédé ses terres et nous avons réussi pour deux autres à faire un échange de parcelles. Pour les quatre autres, nous avons assuré un accompagnement financier et technique, en prenant en charge leur adhésion au Grab pendant trois ans. Cela a, par exemple, débouché sur la création d’une coopérative d’utilisation du matériel agricole. En 2014, toutes les terres étaient certifiées bio et nous avons constaté une baisse des pesticides, en nombre et en concentration. Nous avons également installé cinq maraîchers dont un jardin d’insertion sur 30 hectares.

En 2015, pour assurer le développement de la filière et la pérennité des exploitations, nous avons acheté une friche industrielle

Comment peut-on installer ces démarches dans la durée ?

En 2015, pour assurer le développement de la filière et la pérennité des exploitations, nous avons acheté une friche industrielle qui abrite aujourd’hui des locaux pour le matériel des agriculteurs, un traiteur, un brasseur, des maraîchers, une association qui fournit les cantines scolaires et une légumerie-conserverie. L’opération totale a coûté 5,5 millions d’euros cofinancés par l’AESN, la région Normandie et le département de l’Eure. Ce montant, à comparer à l’investissement dans une unité de traitement, a permis de créer de l’emploi, de maintenir un tissu agricole local et de favoriser une dynamique locale de conversion au bio.

À SAVOIR

Agriculture urbaine : nourrir les villes ou les esprits ?

L’agriculture urbaine, dans un sens large, regroupe plusieurs formes d’agricultures, dans l’intra-urbain, mais aussi en périurbain, car les frontières sont poreuses. Pour Antoine Lagneau, chargé de mission agriculture urbaine à l’agence régionale pour la biodiversité, département de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme, « l’agriculture urbaine ne nourrira pas les villes, mais elle peut être un complément et assurer d’autres fonctions que la seule production alimentaire ». Les jardins ouvriers, familiaux, partagés ou collectifs, sont souvent installés sur des friches, de manière temporaire ou au pied d’immeubles et d’anciens quartiers ouvriers et ont une dimension sociale importante. « On trouve aussi des jardins pédagogiques, comme à Rosny-sous-Bois (93), où les enfants peuvent retrouver ce lien à la terre, dont les urbains, malheureusement, ont perdu toute idée. Les microfermes urbaines, sur moins d’un hectare, ont une fonction avant tout pédagogique et ne vivent pas des revenus de la production », précise Antoine Lagneau.
Plus récemment, des cultures se sont implantées sur des toits, dans des hangars ou des conteneurs, par exemple avec la start-up Agricool, qui compte faire pousser des fraises toute l’année, en hydroponie. Une évolution antinomique avec le cahier des charges de l’agriculture biologique (la culture hors sols y est interdite) qui, pour Antoine Lagneau, pose des questions sur le rapport à la terre et à la saisonnalité des produits.

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