La médiation numérique, un levier de changement du travail social

Valéry Molet

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La médiation numérique, un levier de changement du travail social

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Le département de Seine-Saint-Denis a lancé un vaste programme pour faire du numérique un levier d’amélioration de l’accès aux droits et de modernisation du fonctionnement de son administration. Un défi stratégique qui nécessite un accompagnement repensé et une nouvelle organisation des services.

Le numérique bouleverse le champ du travail social. En effet, l’enjeu de l’accès de tous au numérique est essentiel, qu’il s’agisse de l’accès matériel ou des compétences numériques, notamment dans le cadre de procédures de plus en plus dématérialisées. De plus, le numérique vient profondément transformer les relations sociales, qui sont au cœur de l’action des travailleurs sociaux.

Aller maintenant vers le numérique, mais pragmatiquement

Comment faire du numérique un levier d’amélioration de l’accès aux droits et comment moderniser le fonctionnement de l’administration pour répondre à ces enjeux nouveaux, qui ne sont donc pas seulement des enjeux d’équipement ou de dématérialisation des procédures ? Tels sont les questionnements auxquels le département de la Seine-Saint-Denis souhaite répondre.

La relation entre les usagers et les services sociaux est profondément modifiée, par l’écran qui s’interpose.

Il ne faut pas avoir sur ce sujet d’angélisme, car les problématiques d’accès et surtout d’usages restent encore profondément déterminées par des facteurs socio-économiques, et parce que la dématérialisation des procédures, allant parfois jusqu’au traitement par algorithme de certains actes administratifs, pose des questions politiques et déontologiques sur la déshumanisation de la prise de décision.

Mais il faut également éviter l’écueil d’une temporisation excessive qui conduirait à délégitimer nos services publics, car les citoyens sont de plus en plus connectés et attendent des services publics qu’ils fassent la preuve de la réactivité et de l’ouverture que le numérique favorise.

Lire aussi : Et ils sont où les services au public ?

Des besoins de compétences nouvelles pour les travailleurs sociaux

Pour les travailleurs sociaux, ce sont des questions qui se posent quotidiennement. La relation entre les usagers et les services sociaux est profondément modifiée, par l’écran qui s’interpose, y compris lors de rencontres en face-à-face. Comment concilier l’irruption de ces outils avec une relation basée sur l’écoute, permettant de déceler la complexité d’un cas personnel pour orienter vers le meilleur accompagnement ?

Il s’agit de permettre l’accès à des prestations indispensables pour la vie quotidienne des personnes concernées.

C’est la raison pour laquelle la question de l’inclusion numérique est au cœur des réflexions du département de la Seine-Saint-Denis. Le numérique crée des besoins de compétences nouvelles, pour les usagers accueillis par le service social départemental comme pour les agents. Dans le champ du travail social, ce besoin prend un relief particulier car il s’agit de permettre l’accès à des prestations indispensables pour la vie quotidienne des personnes concernées. En aucun cas le numérique, dépourvu de médiation, ne doit devenir le masque de politiques visant à restreindre l’accès aux droits.

Lire aussi : Réussir la démocratie numérique

Accompagner les travailleurs sociaux et améliorer l’accès des usagers aux droits

Dans le cadre de sa stratégie numérique, le département mène plusieurs projets pour accompagner les travailleurs sociaux et améliorer l’accès des usagers aux droits. Il a mis en place une cartographie des espaces publics numériques, ces lieux qui accompagnent les personnes dans leur apprentissage du numérique. Cette cartographie est à disposition des travailleurs sociaux qui peuvent ainsi orienter les usagers.

Des méthodes de design de service public ont été utilisées pour repenser les espaces d’accueil à l’heure du numérique.

Le département mène depuis fin 2016 une expérimentation avec l’association WeTechCare afin de développer les capacités d’accompagnement numérique des professionnels de l’action sociale départementale en faveur des publics en difficulté. Il s’agit, sur six sites pilotes, à la fois de former et sensibiliser les agents, et de les outiller grâce au déploiement d’une plate-forme leur permettant de faire un diagnostic des compétences numériques des usagers et de les orienter vers des modules de formation. Un des enjeux de cette expérimentation réside dans la mise en réseau des acteurs afin de créer des réseaux d’inclusion numérique sur chaque territoire et ainsi d’élargir les capacités d’accompagnement via des structures partenaires et le recours à l’action citoyenne.

On le voit dans cette mise en œuvre très concrète, la médiation numérique demande pour les travailleurs sociaux de mobiliser des compétences nouvelles. Cela implique à la fois des nouvelles missions, et l’évolution ou la disparition d’autres missions. La formation des intervenants sociaux, la réflexion sur l’évolution de leurs métiers doit donc être au cœur de l’organisation de la mise en œuvre des politiques de solidarité.

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Nouvelles compétences, donc nouvelle organisation

L’imprégnation des outils numériques dans le champ social nous amène par ailleurs à repenser notre organisation pour aller vers plus de transversalité et offrir à l’usager un parcours plus fluide. Le département travaille dans ce sens à la création de maisons départementales des solidarités (MDS) regroupant dans une même équipe le service social départemental, l’aide sociale à l’enfance et la protection maternelle et infantile. Des méthodes de design de service public ont été utilisées pour repenser les espaces d’accueil à l’heure du numérique, en mettant l’usager au centre des réflexions.

Ces nouveaux questionnements appellent aussi de nouveaux partenariats, de nouvelles méthodes, raison pour laquelle le département s’est doté d’un laboratoire de services publics et travaille avec la chaire de l’ENSCI-ENA (École nationale supérieure de création industrielle et École nationale d’administration).

En plaçant les personnes comme contributeurs, l’administration numérique favorisera l’autonomisation des individus.

Le numérique réinterroge enfin les rôles des citoyens et usagers par rapport à l’administration. Ce champ de progrès, la puissance publique doit s’en saisir, car la réponse aux besoins sociaux des personnes fragiles ne peut se faire qu’en adéquation avec les évolutions sociétales et la demande de plus de transparence, de démocratie, de souplesse et de réactivé. En plaçant les personnes comme contributeurs, comme membres d’une plateforme ou d’un réseau, l’administration numérique favorisera l’autonomisation des individus, ce qui constitue un objectif essentiel du travail social. En ce sens, le numérique peut être, pour les politiques sociales, un formidable levier pour favoriser la créativité, la production collaborative, le partage d’informations afin de l’utiliser au profit de l’amélioration du service public.

Lire aussi : Les civic tech veulent rendre concrète la participation citoyenne

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