La monnaie numérique locale, un élément de cohésion

Marjolaine Koch
La monnaie numérique locale, un élément de cohésion

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En 2018, plusieurs villes se réunissaient pour travailler à l’élaboration de monnaies locales destinées à promouvoir l’entraide et la solidarité, et à soutenir les commerces de proximité. Pour mettre en place cette monnaie, elles se sont appuyées sur l’application développée par la société britanico-israélienne Colu.

En 2018, plusieurs villes se réunissaient pour travailler à l’élaboration de monnaies locales destinées à promouvoir l’entraide et la solidarité, et à soutenir les commerces de proximité. Pour mettre en place cette monnaie, elles se sont appuyées sur l’application développée par la société britanico-israélienne Colu.

Elles cherchaient un moyen de soutenir l’économie locale et de développer les interactions sociales, dans le but de dynamiser leur territoire et d’embarquer dans le sillage les populations les plus vulnérables. Ces villes, toutes membres du groupement des cent villes résilientes (le 100RC Network, voir encadré), se sont réunies lors du CityXchange summit 2018, pour réfléchir à des outils permettant de développer le « nudge », ce mode d’incitation positif destiné à améliorer le quotidien des habitants.

Une application adaptable aux besoins des villes

C’est finalement vers le développement d’une monnaie numérique locale que se tournent Milan, Porto Alegre, Cape Town, Belfast, Addis Abeba et Tel Aviv, les villes participantes. Avec la start-up Colu, basée à la fois en Israël et en Grande-Bretagne, elles organisent un séminaire qui leur permet de définir leurs attentes vis-à-vis de cette monnaie, et son mode d’utilisation. Colu est connue pour son application adaptable aux besoins des villes : la plateforme permet aux particuliers de s’en servir comme d’un porte-monnaie, et de transformer certaines de leurs actions ou de leurs achats, en fonction des paramètres sélectionnés par les villes, en monnaie locale qu’ils pourront utiliser dans les commerces affiliés.

Les commerces ont tout intérêt à emprunter cette plateforme : la transaction ne leur coûte rien et s’avère plus rapide

Quant aux commerces, ils ont tout intérêt à emprunter cette plateforme : la transaction, à la différence de l’usage d’un terminal de carte bleue, ne leur coûte rien et s’avère plus rapide, puisqu’en un clic la somme est transférée d’un compte à l’autre.

La monnaie numérique locale, un nouvel outil pour les collectivités
Ces outils monétaires locaux, destinés à construire des économies locales durables, sont dans les radars des urbanistes depuis plusieurs décennies. C’est l’avènement des nouvelles technologies qui permet enfin leur essor, grâce à un usage facilité par l’installation d’une simple application sur son téléphone portable. Ces technologies peuvent contribuer à combler les fossés parfois ressentis entre l’administration locale et les commerces d’un territoire, mais aussi avec les associations. L’objectif de telles applications est clair : renforcer le bien-être économique et social des habitants.

Encourager les comportements impactants

À Belfast en Irlande du Nord, c’est le « Belfast Coin » qui a vu le jour suite à ce séminaire. Désormais instaurée, cette monnaie est destinée à soutenir la croissance économique locale et à renforcer la connexion entre les habitants et leur ville. Fonctionnant comme une plateforme de récompense, l’application encourage les comportements impactants. La ville a sélectionné un panel d’actions : en matière de responsabilité sociale, devenir volontaire dans l’un des centres d’aide de la ville, faire des dons à la librairie locale ou aider à l’aménagement d’un jardin communal vous rapporte des « coins » ; en matière environnementale, les habitants sont encouragés à réduire leur empreinte carbone en empruntant les transports en commun, en emmenant les enfants au parc et en utilisant des sacs recyclables en échange de « coins ».

La monnaie est destinée à soutenir la croissance économique locale et à renforcer la connexion entre les habitants et leur ville

Pour améliorer la santé des habitants, la ville a ajouté un volet où le cumul de séances de sport dans l’un des fitness center municipaux, les déplacements à vélo pour se rendre au travail, l’achat de fruits et légumes au marché rapportent aussi de la monnaie locale. Enfin, acheter son café avant l’heure de pointe, dépenser au festival d’art local ou bien recourir à des promeneurs pour chiens est aussi valorisé. Hygiène de vie, recyclage, volontariat, autant de points d’entrée destinés à encourager les actions quotidiennes favorables à la communauté : Belfast est la ville qui a poussé le concept le plus loin parmi les participants.

Lire aussi : Les monnaies locales ont-elles un avenir ?

Agir sur le niveau de vie

Pour Tel Aviv en Israël, l’objectif était de réduire le coût de la vie pour une partie de la population, tout en renforçant l’économie locale et en améliorant les responsabilités sociales des habitants. Les « Florentin shekels » – c’est le nom de la monnaie locale – sont principalement collectés en fréquentant les commerces locaux. Ces récompenses monétisables ont rapidement séduit les commerces, qui sont plusieurs centaines, dans la ville, à avoir rejoint l’application.

Un partenariat public-privé  permet aux résidents de payer toutes leurs factures de services au même endroit, pour faciliter les démarches

Enfin, la ville éthiopienne d’Addis Abeba, dont les problématiques diffèrent des villes européennes, a mis en place plusieurs outils pour atteindre son objectif fixé à 2025, de devenir une ville à revenu moyen. Elle a commencé par lancer une première plateforme en concluant un partenariat public-privé : le « Lehulu payment service center » permet aux résidents de payer toutes leurs factures de services au même endroit, pour faciliter les démarches. En parallèle, la ville a également travaillé au développement d’une plateforme locale de management, qui comprend un service de réclamation et de suggestions en ligne, pour améliorer l’efficacité des agences de la ville.

Lire aussi : Pour un monde sans argent liquide

Récompenser les actions citoyennes

Enfin avec la start-up Colu, la ville travaille désormais à la mise en place d’une monnaie locale destinée à influencer les changements de comportements. Améliorer le recyclage en offrant un ticket de transport public toutes les trois bouteilles en plastique collectées, récompenser avec de la monnaie locale l’engagement bénévole des citoyens investis dans les centres de soins pour personnes âgées, mais aussi inciter les habitants à collecter leurs reçus et factures dans l’application, pour que la ville puisse améliorer son taux de collecte de taxes locales de la part des commerces. Ce recensement des tickets, du côté des habitants, transforme un pourcentage de leurs paiements en monnaie pour accéder à des services municipaux : théâtres, cinémas, piscines et centres sportifs… de leur côté, les commerces qui règlent leur taxe dans les temps via cette appli bénéficient aussi de récompenses.

Les premières monnaies, lancées au début de l’année, semblent trouver leur public tant du côté des commerces que des habitants

Des modèles de villes disparates, qui ont utilisé un outil commun pour l’adapter à leurs besoins et faire levier sur certains aspects de la vie quotidienne des habitants. Cet outil pratique, utilisable aussi bien par les habitants que par les visiteurs, bénéficie de l’avantage de la souplesse d’une application mobile. Les premières monnaies, lancées au début de l’année (en mai pour Belfast), semblent trouver leur public tant du côté des commerces, déjà nombreux à s’être référencés sur la plateforme, que des habitants.

100 Resilient Cities, un groupe de réflexion à l’échelle mondiale
Créé par la fondation Rockefeller en 2013, 100 Resilient Cities, ou 100RC, réunit des maires souhaitant partager leurs innovations destinées à améliorer le quotidien de leurs habitants, et à rendre la ville plus vivable. L’objectif est « d’aider les villes autour du monde à devenir plus résilientes aux défis physiques, sociaux et économiques qui constituent une part croissante de ce XXIe siècle », selon la présentation du site.
Plutôt que de partager uniquement des solutions sur des situations critiques, comme les séismes, feux ou inondations, ce groupement se penche aussi sur les stress qui fragilisent une ville dans son quotidien. Le chômage, les transports publics, la violence, la pauvreté font partie des thèmes traités lors de ces rencontres. Les villes membres du 100RC se voient attribuer des ressources pour développer des actions de résilience, que celles-ci soient logistiques, financières, au moyen d’un support d’expertise ou de partenariats avec des sociétés ou des ONG qui peuvent les aider à développer de nouveaux outils, comme c’est le cas avec Colu dans cet exemple. Enfin bien sûr, le partage d’expériences est un élément important de cette communauté.

Lire aussi : Environnement : trois expériences de transition durable

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