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Geoff Mulgan est un auteur au pedigree qui suscite la curiosité. Consultant, universitaire, fondateur du think-tank progressiste Demos, ancien conseiller de Tony Blair, il dirige maintenant la Young Foundation, une organisation dynamique dédiée à l’innovation sociale. De ses expériences et réflexions, notre auteur a tiré quelques leçons.
L’art des politiques publiques
Selon Geoff Mulgan, la pente naturelle des organisations et des responsables publics est de sacrifier le long terme en se cantonnant à la tactique, à l’intuition et à la réaction. Or il importe d’abord de savoir où l’on veut aller et comment y accéder. Une telle orientation (qui paraît évidente) n’est ni naturelle, ni aisée. La France planificatrice des Trente Glorieuses peut être une référence en la matière. Elle est aujourd’hui dépassée par la Finlande, l’Irlande, Dubaï, Singapour, et, bien entendu, selon Geoff Mulgan, le Royaume-Uni (on n’est jamais mieux servi que par soi-même).
Selon Geoff Mulgan, qui n’a rien d’un doux rêveur décroissant, il faut rééquilibrer cette « mauvaise allocation des cerveaux » vers la coopération
L’essentiel d’une stratégie publique consiste à centrer préoccupations et actions sur les usagers, en se fondant sur l’innovation. L’idée n’est pas neuve et les recettes sont également connues : des diagnostics étayés et précis ; des solutions expérimentées et évaluées ; une distinction volontariste de l’urgent et de l’important. Mulgan pense simplement qu’au-delà des slogans il est vraiment possible de faire vivre les cercles vertueux de l’accumulation des connaissances et de la confiance. Il faut du courage, de la vision et de la discipline pour encadrer et conduire (comme disent les hommes de l’art) le changement.
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Vive l’intelligence collective !
Geoff Mulgan propose un traité sur les perspectives possibles des organisations contemporaines. Pour Mulgan, trop d’intelligence passe dans la compétition, ce qui produit des géants économiques et des fortunes considérables. Selon notre auteur, qui n’a rien d’un doux rêveur décroissant, il faut rééquilibrer cette « mauvaise allocation des cerveaux » vers la coopération. Un ancien responsable des données chez Facebook, Jeff Hammerbacher, déplorait – à juste titre – que les meilleurs esprits de sa génération ne pensent qu’à pousser les gens à cliquer sur des annonces publicitaires. On doit pouvoir les employer à des desseins plus utiles.
On peut aussi viser davantage de sagesse, pour fournir des réponses collectives aux grands problèmes collectifs
Le monde de demain, écrit Mulgan, sera inévitablement fait de pornographie en réalité virtuelle et de missiles très intelligents. Mais on peut aussi viser davantage de sagesse, pour fournir des réponses collectives aux grands problèmes collectifs : pandémies, menaces climatiques, pauvreté. L’intelligence collective, qui n’est pas la somme des intelligences individuelles, consiste concrètement en qualités accrues de tout ce qui est observation, mémoire et jugement. Mulgan en liste les principaux ingrédients, sans qu’ils fassent obligatoirement recette : de l’attention (et pas de la distraction), de la coordination (sans subordination bridant la créativité), de l’empathie (consistant en compréhension des autres et non en sympathie béate). À l’aise avec Descartes et Heidegger, comme avec la data, Mulgan explique, par exemple, comment mieux gérer la question des SDF dans les rues ou comment en finir avec la liturgie contre-productive des réunions dans les entreprises ou les administrations. Un texte important, aux accents originaux.
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Extraits
« Comment, avec toutes les intelligences d’individus hyperconnectés et avec l’omniprésence d’ordinateurs hyperpuissants, faire mieux ? »
« L’extension de l’intelligence collective accompagne une humanité qui devient un grand cerveau commun. »
« Un point capital est de ne pas courir après les solutions, mais de bien décortiquer, au préalable, les problèmes. »
Geoff Mulgan, Big Mind. How Collective Intelligence Can Save Our World, Princeton University Press, 2018, 272 pages.