Incêndio
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De nombreuses collectivités ont à conduire des transformations majeures, au sein de leurs organisations, et en externe, dans les processus coopératifs avec les diverses parties prenantes (population, autres collectivités ou institutions, groupes de pression, État…).
Lire sur ce sujet, l'interview de Gilles Teneau : « La résilience organisationnelle s’appuie sur des ressources déjà présentes dans l’organisation »
Ces transformations ne sont plus des changements en périphérie. Elles touchent aux fondamentaux portés par les acteurs. Beaucoup d’entre eux considèrent que l’on attente à leurs valeurs et à l’esprit de service public, alors que d’autres vont plutôt considérer que la préservation des institutions publiques se fera au prix de ces transformations. Celles-ci dépassent ce que les collectifs peuvent auto-décider pour eux-mêmes et relèvent de décisions descendantes. Mises au pied du mur, les collectivités s’engagent parfois de façon brutale dans ces ajustements forts.
Mises au pied du mur, les collectivités s’engagent parfois de façon brutale dans ces ajustements forts.
Ces conditions font que ces transformations sont de nature à faire crise, à la fois pour les professionnels concernés et pour les citoyens qui ne comprennent pas les arbitrages : crises de confiance, crises de compréhension, crises de coopération, crises d’engagement, crises de crédibilité.
Se forger un cadre d’interprétation et un cadre d’action
En tant que professionnels de l’accompagnement du changement, nous avons à répondre à la question suivante : peut-on imaginer un mode de pilotage managérial, des pratiques managériales, qui permettraient non seulement de réduire les effets négatifs des crises, mais aussi d’en favoriser l’exploitation positive dans une perspective de rebond ?
Les gestes managériaux constructeurs de résilience ne sont pas nécessairement inédits.
C’est cette question qui nous a conduits à nous intéresser à d’autres ressources. C’est d’abord la question du sens de toutes ces transformations que posent les acteurs, managers et élus compris. Ici, le recours à la pensée complexe d’Edgar Morin permet de se forger un cadre d’interprétation de la période que nous sommes en train de connaître, et, par exemple, de mieux imaginer et gérer la difficulté des arbitrages. Il s’agit ensuite de se forger un cadre d’action pour traverser la période adaptative sans se retrouver dans des culpabilisations mutuelles ou bloqués sur le registre de la déploration et de la résignation. La notion de résilience des organisations nous paraît proposer un espace propice à se poser les bonnes questions et à rechercher les gestes de management pertinents.
Faire le deuil, digérer le choc
Prise au triple sens de la robustesse, de l’adaptabilité, et du rebond, la résilience des organisations devient une capacité critique d’un collectif, d’un maillage de partenaires, d’une relation institution-citoyens… Plus encore, elle est de nature à constituer une cible managériale, qui commence très en amont du moment de survenue de la transformation à potentiel de crise.
Ce sont les ressources internes des acteurs qui sont alors mobilisées, ainsi que les soutiens sociaux externes.
Lorsqu’une transformation susceptible de constituer un choc de rupture fait irruption, l’ensemble des acteurs impliqués vont avoir à vivre, avec plus ou moins d’aisance, un processus de deuil (on se référera ici au modèle développé par Elisabeth Kubler-Ross). Ce sont les ressources internes des acteurs qui sont alors mobilisées, ainsi que les soutiens sociaux externes. Dans cette perspective, les promoteurs et animateurs du changement auront à reconnaître la réalité du choc, accepter les temps de déni et de colère, les temps de résignation, non comme des états d’âmes parasites, mais comme un processus naturel de « digestion » du choc. Ils éviteront en particulier de porter un regard excessivement disqualifiant sur les acteurs, mais s’interrogeront plutôt sur les raisons pour lesquelles ils n’ont pas, bien à l’avance, développé les ressources internes des collectifs qui auraient musclé cette capacité de résilience.
Les gestes managériaux constructeurs de résilience
Ce développement en amont du degré de résilience nous parait être l’une des conditions majeures de la résilience, qu’elle soit individuelle ou collective. Mais de quelle nature est-elle ? Les travaux de recherche montrent qu’elle a à voir avec la dimension des représentations, celle de l’estime de soi, celle du soutien offert par l’environnement. Elle a à voir également avec l’acceptation de la dimension émotionnelle, les acteurs ici ne pouvant se résumer à la notion d’agents mais devant être considérés dans la globalité de ce qu’est une personne en situation professionnelle.
L’intérêt de la résilience paraît être d’offrir une mise en cohérence de pratiques souvent abordées de façon éparpillée.
Les gestes managériaux constructeurs de résilience ne sont pas nécessairement inédits. L’intérêt de la résilience organisationnelle et de la réflexion sur le management de la résilience nous paraît être d’offrir une mise en cohérence de pratiques souvent abordées de façon éparpillée dans les institutions : la prévention des risques psychosociaux, les politiques de gestion des ressources humaines, le management du changement, l’amélioration continue via les projets d’administration et les projets de direction, la conduite de projet, l’évaluation de l’action chemin faisant.
Même s’il s’agit d’une approche nouvelle encore en construction, la mobilisation de la résilience organisationnelle dans le secteur public territorial, nous paraît constituer une branche décisive du management soutenable de la performance.