La révolution métropolitaine américaine

Julien Damon
La révolution métropolitaine américaine

Concept of power

© ChenPG

Alors que le terme "métropole" désignait, il y a peu encore, essentiellement la France métropolitaine (à distinguer des colonies et de l’Outre-Mer), ce sont maintenant une France et un monde faits de métropoles (c’est-à-dire de grandes villes) dont on parle. Selon de nombreux auteurs, une « révolution métropolitaine » se dessine même. En un mot : un crépuscule des Nations et des États, un nouvel essor des régions et des métropoles. Illustration par le cas américain.

Article publié le 19 novembre 2014

Bruce Katz et Jennifer Bradley, du très influent think-tank Brookings Institution, publient un livre important, accompagné d’un excellent site comprenant notamment la vidéo de promotion. Ils rappellent que les cent principales métropoles américaines ne représentent que 12 % du territoire, mais rassemblent 66 % de la population (dont 90 % des travailleurs qualifiés) et génèrent 75 % du PIB.

Les cent principales métropoles américaines ne représentent que 12 % du territoire, mais rassemblent 66 % de la population.

Aux États-Unis, les métropoles sont un concentré des dynamiques démographiques : augmentation, vieillissement et diversification des populations. Surtout, la révolution métropolitaine (une tradition américaine, dans la mesure où la Révolution y fut urbaine) est un grand renversement. Ce n’est plus l’État qui donne le « la » ; ce sont les métropoles qui composent leur mélodie.

Les métropoles adultes

L’État, désarçonné par la crise, n’est plus un parent devant des enfants. Les métropoles sont devenues adultes, plus indépendantes et plus efficientes, prenant leur destin en main. Dans l’après-crise, des écosystèmes locaux, des « districts d’innovation », se sont affirmés, grâce aux coopérations entre élus, entreprises, universités et organisations civiques. En matière d’innovation, d’attractivité, de transport, d’intégration ou d’environnement, c’est à cette échelle que se joue la performance.

« Mais la faillite récente de Detroit ? », rétorquera-t-on. Pour les auteurs, il ne s’agirait que d’un cas isolé (ce qui est très discuté). Ce désastre sert de point de référence pour expérimenter ce qui peut être fait afin de renaître. Pour Katz et Bradley, la plus grande faillite est celle de l’État de Washington.

Les métropoles sont devenues des agglomérations assez grandes pour les grands problèmes et assez petites pour les petits.

Selon nos auteurs, les métropoles sont devenues des agglomérations assez grandes pour les grands problèmes (démographie et économie) et assez petites pour les petits (la vie des gens). Ils célèbrent les maires entrepreneurs, dans une vision peut-être idyllique de la ville comme solution à un monde désormais plus en réseau qu’en hiérarchie, plus en entreprenariat qu’en bureaucratie.

Ils convainquent en édifiant la métropole en moteur de la croissance et en échelle pragmatique, opposée à un État paralysé par la polarisation partisane et par la perspective d’une faillite généralisée, liée aux coûts de la santé et des retraites.

Célébration métropolitaine

Après la parution de leur ouvrage, interrogés sur la crise de l’État fédéral, Katz et Bradley ont martelé que le « shutdown » (la fermeture des services publics fédéraux) est bien le signe de la faillite de l’État, tandis que les métropoles continuent à fonctionner et à investir.

Les grandes métropoles régionales sont plus efficaces que l’État jacobin parisien.

Transposée au cas français, leur analyse pourrait être rédigée de la sorte : les grandes métropoles régionales sont plus efficaces que l’État jacobin parisien. Reste que la France se distingue puissamment des États-Unis par la macrocéphalie (politique et économique) de la région capitale. Ceci dit, le propos de Katz et Bradley ne porte pas sur la circulation nationale des transferts sociofiscaux, mais sur la place, la légitimité et l’efficacité du pouvoir.

Leur texte, lu à Washington, New York, Paris ou Lyon ouvre, dans des nations qui sont dites plus « métropolitaines », sur bien des questions d’avenir pour l’organisation des territoires et la souveraineté.

Références

Bruce Katz, Jennifer Bradley,

« The Metropolitan Revolution : How Cities and Metros are Fixing Our Broken Politics and Fragile Economy »,

Brookings Institution Press, 2014, 258 pages.

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