La solidarité est-elle soluble dans la crise ?

Marjolaine Koch

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Comment faire vivre la solidarité des territoires à l’heure de la crise et quand on doit en plus subir la suppression de la TP et le gel des dotations de l’État ?

La décentralisation, la suppression de la TP, l’arrivée du fonds de péréquation et le gel des dotations de l’État… faites plus avec moins ! Le mot d’ordre est implicite, mais comment, dans ce climat, parvenir à être solidaire ? Et à quel niveau cette solidarité doit-elle intervenir ? Le fonds de péréquation (FPIC) promettait de redistribuer des fonds aux communes les plus pauvres. L’intention est louable, mais sa mise en oeuvre soulève de nombreuses questions. Le mode de prélèvement et de répartition est-il bien pensé ? Pour le délégué général de l’Acuf, Olivier Landel, la réponse est non. « Le problème, c’est qu’on a conçu des modalités de calcul sans prendre la peine de définir précisément ce que l’on voulait corriger. Alors forcément, on vise à côté. »

Compétitif tout seul ou ensemble ?

D’autant plus que le gel des dotations de l’État rend les prélèvements plus douloureux, pour certaines villes aux contraintes budgétaires déjà fortes. Jean-Claude Reydel, le maire adjoint aux finances de Garches, se trouve dans cette situation ambiguë propre aux villes résidentielles : des recettes faibles, un budget de fonctionnement de 26 millions d’euros pour 18 000 habitants et une contribution à apporter au FPIC. Sa petite communauté de communes de trois villes va contribuer à hauteur de plus de 2 millions d’euros pour 2013.

Ce qui fera demain la richesse d’une ville sera plutôt la matière grise des habitants et des fonctionnaires territoriaux

« Il faut parvenir à donner le maximum à sa population tout en donnant au FPIC, l’équation n’est pas facile. On se demande si on ne paye pas pour une commune dispendieuse : on n’a aucune idée de l’utilisation qui sera faite de cet argent. » Dans les communes reversant des fonds au FPIC, la crainte est partagée. Le DGS de Corenc et maire adjoint de Meylan, Damien Guiguet, abonde dans ce sens : « sur le principe, bien entendu qu’on ne peut pas accepter qu’il y ait des territoires complètement à la dérive.

TEMOIGNAGE
« Développer la solidarité intercommunale »
« L’an passé, le maire de Sevran a fait une grève de la faim pour demander plus de solidarité envers les villes en grande difficulté. Stéphane Gatignon a obtenu une réponse en partie à travers la mise en place d’une dotation. Moi, ça m’a mis un petit peu en colère, parce que Sevran est membre d’une communauté qui s’appelle Terre de France, réunissant Sevran, Villepinte et Tremblay. Or, Villepinte et Tremblay sont des communes qui se « partagent » une partie de l’aéroport de Roissy, ce qui leur procure des fonds les classant parmi les plus riches de France. Mais cette communauté n’existe que sur le papier. Elle n’a développé aucune politique de solidarité entre ses membres et ça, c’est scandaleux. Je trouve qu’il faut d’abord essayer de trouver des réponses de proximité avant d’aller frapper à la porte de Paris. »
Franck Claeys, Directeur économie et finance territoriale de l’AMGVF

Seulement si l’on va trop loin en déstabilisant les ressources d’une commune, est-ce qu’on ne va pas déstabiliser tout un territoire ? Sans marge de manoeuvre, on ne peut plus investir, et je ne suis pas sûr que les économies réalisées ne se paieront pas en perte d’emplois ». Ludovic Fonck, DGS de la ville de Roubaix et bénéficiaire du FPIC, voit les choses autrement : « il faut éviter les décrochages. Une agglomération ne peut être compétitive que si l’ensemble de son territoire fonctionne bien. On doit être dans une logique de développement des quartiers les plus défavorisés pour qu’ils rebondissent vraiment, plutôt que de satisfaire tout le monde : plus les écarts se creusent, moins le « ciment » tient ».

Poupées russes

Pour faire tenir ce « ciment » social, certains estiment que l’exercice d’une solidarité de proximité devrait plutôt être encouragé. « Sur le principe des poupées russes » précise Franck Claeys, de l’AMGVF. « Ce n’est pas exactement ce qu’il se passe actuellement avec les mécanismes de péréquation mis en place ces dernières années : on continue de privilégier les instruments nationaux, de véritables usines à gaz ! »

La péréquation qu’il appelle de ses voeux devrait d’abord corriger les inégalités de proximité, en encourageant le développement des solidarités locales et en pénalisant les collectivités qui refusent de jouer le jeu. « Dans un second temps, si tout le territoire est en difficulté comme à Amiens ou à Saint-Étienne, alors une solidarité nationale est tout à fait pertinente. » Pour qu’il y ait redistribution, il faut que les territoires les plus riches continuent de dégager du surplus pour financer les plus pauvres. Mais… si ces surplus venaient à disparaître ?

TEMOIGNAGE
Métropole du Grand Lyon, la solidarité en question
« Gérard Collomb et Michel Mercier ont décidé de couper le département du Rhône en deux. Les ressources du conseil général qui étaient prélevées dans la métropole lyonnaise n’iront plus dans les Monts du Lyonnais, donc on coupe un lien de solidarité. On peut penser que c’est gênant. Pourtant quand vous les mesurez, vous vous rendez compte que l’essentiel du mécanisme de redistribution entre communes riches et pauvres via le budget du conseil général est en fait lié à un tiers : l’État, par le bais du système des dotations.
Qu’un département soit entier, coupé en deux ou en quatre, du point de vue des habitants, en termes de redistribution sociale, ce sera finalement à peu près équivalent. On n’est pas en train d’assister à un cataclysme en matière de solidarité, dans la mesure où il y a un très grand équilibre des situations sociales entre les deux territoires. Il y a une grande différenciation aussi, il y a beaucoup de riches à Lyon, il y a aussi beaucoup de très pauvres ! Alors qu’on est sur des catégories beaucoup plus moyennes sur le reste du département. »
Laurent Davezies, Professeur au Cnam, titulaire de la chaire Économie et développement des territoires

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