lumière divine
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Je découvre qu’un collège d’experts s’est penché sur le statut de la fonction publique et préconise le recours systématique aux contractuels. Des contrats de deux ans sont souhaités dans la fonction publique, de cinq ans pour les professeurs et de dix ans dans la police. Passons rapidement sur le procédé en trois temps maintenant bien connu : une information incomplète percole par la presse, provoque une vive émotion, puis l’organisateur de la « fuite » intervient en sauveur pour minorer la menace ; en indiquant qu’au lieu de tout contractualiser, seul le recours aux contractuels sera facilité. Soulagement illusoire si l’on imagine la suite. Par facilité, les collectivités, autorisées et encouragées par de nouveaux décrets, remplaceront par des contractuels les titulaires partant en retraite.
Et en une génération, la fonction publique traditionnelle, garante d’une neutralité et d’une égalité des réponses apportées à la population disparaîtra.
Voilà l’avenir. Quelle stimulation pour la jeunesse, pour l’emploi !
Une image radieuse de la nouvelle fonction publique
Passons donc sur le procédé, et arrêtons-nous sur l’image radieuse de la future organisation connectée 3.0 qui nous est promise.
Délectons-nous par avance de toute la clairvoyance qui a habité ce collège d’experts et que nous ne manquerons pas de découvrir. Tant d’intelligence réunie ne peut que susciter notre curiosité, notre soif de comprendre…
Le profil d’une fonction publique performante, attirante, rémunératrice, conduite par un personnel motivé nous sera révélé…
Ainsi, nous lirons, j’imagine, un rapport argumenté, justifiant le recours systématique aux contractuels. Celui-ci détaillera les résultats d’une analyse stratégique de type Menace/Opportunité, Forces/Faiblesses, concernant l’avenir de la fonction publique. Formidable ! Nous disposerons enfin d’un document fondé sur des faits, une prospective, une analyse des valeurs sociétales et individuelles qui font le lien social. Le profil d’une fonction publique performante, attirante, rémunératrice, conduite par un personnel motivé nous sera révélé.
Les attentes de la population auront été intégrées et, par effet bénéfique des propositions expertes, la nouvelle fonction publique, répondant enfin aux besoins de tous, sera aimée et choyée par les citoyens de ce pays. Mon impatience à lire un tel document est à son paroxysme !
En matière managériale, un nouveau modèle émergera certainement des analyses du collège d’experts. Nous bénéficierons, d’une explication détaillée des avantages qu’il y a à être embauché sous contrat de deux ans. Par exemple lorsqu’on rencontre son banquier pour envisager un prêt… Ou que l’on veut fonder une famille.
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Le nouveau modèle managérial
J’imagine que des études appuyées par les neurosciences expliqueront aux managers le vif plaisir que retire le cerveau d’être en incapacité de se projeter sur le long terme.
Je vois déjà des consultants opportunistes bâtir de nouvelles théories de la motivation, aptes à rendre compte de la surefficience qui résulte de la précarité instituée.
Certes, il faudra bien régler malgré tout quelques détails… Renvoyer aux études les médecins du travail afin de les déconditionner de ce vilain réflexe consistant à considérer que le stress est mauvais pour la santé. Ne plus parler de qualité de vie au travail. Prévoir une communication de crise en recrutant quelques savants capables de communiquer autour du concept creux de « résistance au changement ».
Expliquer aux salariés que l’expérience n’est plus une valeur. Que ce qui fera valeur demain, c’est le turn-over.
Rien de tel pour déqualifier les mauvais joueurs, certainement d’extrême gauche, qui ne s’enthousiasmeront pas des perspectives formidables annoncées par cette réforme.
Communiquer encore auprès des salariés afin de leur expliquer que l’expérience n’est plus une valeur. Que ce qui fera valeur demain, c’est le turn-over.
Expliquer encore que, si le turn-over entraîne une perte des savoirs acquis sur une fonction, cela n’est pas pour autant un problème sérieux pour les nouvelles organisations déconnectées 3.0.
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