Laïcité, pourquoi les petites villes se crispent moins que les grandes

Stéphane Menu

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Laïcité, pourquoi les petites villes se crispent moins que les grandes

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Les crispations autour de la laïcité à l’école ne concerneraient-elles que les grandes villes ? C’est ce que semble démontrer une enquête réalisée par l’Association des petites villes de France. L’étude révèle que les problèmes liés aux signes religieux ou aux menus scolaires sont moins prégnants dans les petites communes. L’Association des maires de France propose une présentation moins idyllique.

Article publié le 29/06/2015

Les problèmes de tension autour de la laïcité font souvent la une des journaux. Mais ils sont visiblement, et comme souvent, surdimensionnés par rapport aux réelles difficultés rencontrées par les maires, notamment ceux des petites villes. L’Association des petites villes de France (fédérant les municipalités de 3 000 à 20 000 habitants et comptant 1 100 adhérents) a proposé à ses adhérents de répondre en ligne à un questionnaire, mis en ligne après les attentats de janvier (entre le 16 février et le 13 avril plus précisément). 180 élus ont joué le jeu, répondant à des questions autour des relations avec les cultes et le vivre ensemble.

Les Républicains divisés sur la lacïcité

Une forte majorité des communes (70 %) semblent accepter le principe de menus alternatifs ou ajustés lorsque la consommation de certains aliments sort du champ de pratiques confessionnelles. Cette position n’est pas celle que partage le président des Républicains, Nicolas Sarkozy, qui se refuse à la substitution des repas au porc. Avis partagé par Gilles Platret (Les Républicains), maire de Chalon-sur-Saône, en charge d’un groupe de travail sur la laïcité pour l’Association des maires de France (AMF) : il les supprimera dans sa ville à la rentrée prochaine ! Sur la restauration scolaire, l’AMF a d’ailleurs tranché le 25 juin, assurant que « les familles (Ndlr, devaient) s’adapter aux règles de l’école républicaine laïque et non l’inverse », précisant que « la diversification des menus ou le choix offert aux enfants dans certaines cantines permet de leur assurer un repas équilibré sans contrevenir aux règles de la laïcité ».

Sur la restauration scolaire, l’AMF a tranché  assurant que « les familles devaient s’adapter aux règles de l’école républicaine laïque et non l’inverse ».

Cette univocité dans le traitement de ce dossier sensible ne fait pas l’unanimité au sein même de la droite. Alain Juppé ou encore Christian Estrosi sont plus enclins à une approche n’excluant personne. Un sentiment partagé par les élus des petites villes. 36 % seulement ne servent qu’un menu unique et cette tendance va se renforcer, 33 % des élus envisageant de poursuivre dans cette voie.

Lire aussi sur ce sujet : À Lyon, on se forme à la laïcité et à la liberté religieuse

Ecoles, crèches et centres de loisirs bannissent le voile

La tolérance est moins grande à l’égard des signes religieux ostentatoires : 11 % des élus ont été saisis pour des problèmes de signes religieux dans l’enceinte scolaire, les centres de loisirs ou encore les crèches. Ils affichent en la matière une intransigeance élevée : 82 % refusent le principe d’un tel affichage sur les trois lieux suscités alors que la loi de 2004 ne concerne que l’école. 4 % des maires ont croisé ou ont été informés des agents portant des signes religieux. Côté bâtiments, 13 % des municipalités seulement ont mis à disposition des locaux pour l’exercice du culte, 8 % l’ayant organisé sans la moindre contrepartie financière, ce que la loi interdit pourtant. Un élu sur cinq participe financièrement à l’entretien d’un lieu de culte, tout autant qu’il reconnaît l’existence de carrés confessionnels dans le cimetière.

Une laïcité plus apaisée

Un petit détail, tout de même : 6 % des maires qui ont répondu au questionnaire ont installé une crèche de Noël dans l’enceinte de la mairie, au nom à la fois d’une tradition plus culturelle que religieuse. Généralement, les élus préfèrent garder leurs distances avec les autorités religieuses et les communautés afférentes. 66 % d’entre eux préfèrent ne pas assister à des évènements relevant de fêtes religieuses ; 10 % ont eu la bonne idée de créer la laïcité et le vivre ensemble ; 9 % disposent d’un adjoint travaillant sur ce thème.

6 % des maires ont installé une crèche de Noël dans l’enceinte de la mairie, au nom à la fois d’une tradition plus culturelle que religieuse.

Finalement, cette enquête permet de considérer que la laïcité se vit de manière plus apaisée qu’on ne l’imagine. 82 % des maires affirment que l’entretien des lieux de culte ne contrarie en rien leurs administrés. L’Observatoire de la laïcité, présidé par Jean-Louis Bianco, avait déjà produit une analyse à peu près similaire. Mais ces constats, plutôt encourageants, suscitent la colère de ceux qui accusent l’Observatoire de sous-estimer la montée des communautarismes.

Lire aussi sur ce sujet : Laïcité : la France en perd son latin

L’AMF veut davantage encadrer

L’Association des maires de France (AMF) a rendu publiques le 25 juin un certain nombre de recommandations destinées à « clarifier le cadre du droit » et à aider les élus à faire appliquer le principe de laïcité au quotidien, notamment dans le domaine scolaire, les crèches ou les rapports avec les associations. André Laignel (PS), vice-président de l’AMF, insiste sur le fait que la laïcité a « subi un certain nombre de reculs ces dernières années et [que] les maires sont les premiers confrontés au problème ». D’où la nécessite de mettre en place un outil qui encadre la question. Selon François Baroin, président (Les Républicains) de l’association, les recommandations présentées ont pour but de restaurer « des barrages » pour une application claire du principe de laïcité et « créer une nouvelle étape pour les nouveaux élus ».

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