Le BHNS, nouvelle coqueluche des transports publics urbains ?

Séverine Cattiaux

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Le BHNS, nouvelle coqueluche des transports publics urbains ?

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© julia_lazarova - adobestock

Trente et une lignes de bus à haut niveau de service (BHNS) ou de prolongements de lignes ont été créées dans 23 agglomérations, en seulement dix ans. Moins cher que le tram, de moindre capacité aussi, il lui sert aussi de complément. Le BHNS n’est pas pour autant l’apanage des grandes collectivités. Retour sur cette success story.

Les bus à haut niveau de services (BHNS) rencontrent un franc succès dans les grandes et moyennes agglomérations. L’observatoire de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) recense une soixantaine de lignes BHNS en France, dont plus de la moitié a vu le jour ces dix dernières années. « La France est en pointe sur le BHNS, explique Marc Perez, directeur du département Études générales exploitation et matériel roulant à TKK, un cabinet franco-germanique, alors qu’on peine à pousser le concept en Allemagne dans les villes de 100 000 habitants qui n’ont pas de transports collectifs en sites propres (TCSP) ».

Une cinquantaine de projets de BHNS contre 15 de tramway, ont retenu l’attention du ministère de l’Écologie en 2014.

Il faut dire que l’État en France apporte, depuis 2009, un bon coup de pouce aux projets de TCSP, dont font partie le BHNS, le métro et le tramway. En trois appels d’offres successifs (2009, 2011 et 2014), le nombre de projets de BHNS n’a cessé d’augmenter, supplantant les projets de tram. Une cinquantaine de projets de BHNS (à Nîmes, Chambéry, Toulouse, Nantes, Lens-Béthune, Sophia Antipolis, Lille, Perpignan…) contre quinze de tramway, ont ainsi retenu l’attention du ministère de l’Écologie en 2014.

De fortes similitudes avec le tram

« Le BHNS n’est pas un véhicule, précise Stéphanie Lopes d’Azevedo, chargée de mission à l’UTP, c’est un système qui consiste à faire rouler les autobus sur un site dédié, pour assurer une régularité et une fréquence importante sur une grande amplitude horaire ». Plus onéreux qu’une ligne de bus classique, un BHNS permet de substantielles économies en fonctionnement. En site propre, le BHNS atteint une vitesse moyenne de 22 km/h, alors qu’un bus roulant dans la circulation plafonne à 17 km/h. L’UTP a fait les comptes : le gain est de 250 000 euros, soit le prix d’un bus neuf.

« Pour faire le BHNS, on a appliqué ce qui marchait dans le tram au bus, comme la lisibilité de la ligne et les stations aménagées » explique Marc Perez. Même le design des BHNS se rapproche de celui du tram, comme le montre le look du BHNS de Metz (alias Mettis) et ses 24 mètres de long. Autre ressemblance avec le tram : des parkings relais de part et d’autre du trajet, afin de garer les voitures.

L’investissement au kilomètre est deux fois moins élevé pour un BHNS que pour un tram.

Le BHNS : un tram sans les inconvénients en somme ? Ne rêvons pas trop tout de même, des travaux sont inévitables pour aménager le fameux site propre. « Dans les projets qui ont le mieux marché, note Marc Perez, les urbanistes ont copié ce qui se fait avec l’arrivée d’un tram, à savoir une reconstruction de façade à façade de la ville ».

La venue d’un BHNS ne fait pas que des heureux. À Bordeaux, un collectif de riverains a fait stopper en octobre dernier la construction d’une ligne de 21 km de BHNS, invoquant des nuisances sur le quartier et un projet non justifié. Bordeaux Métropole se pourvoit en cassation.

Lire aussi : Les collectivités dépensent 35 Mds d'euros dans les transports

Un transport moins onéreux que le tramway

L’investissement au kilomètre est deux fois moins élevé pour un BHNS que pour un tram. « 25 millions du kilomètre contre une dizaine de millions pour le BHNS » avance prudemment Stéphane Bis, directeur infrastructures et développement de la Semitan, la SEM qui gère les transports en commun nantais. « C’est un transport qui est adapté à un niveau de trafic où le tram serait luxueux » commente Marc Perez. D’où le fait que des villes de taille moyenne puissent se l’offrir : Annemasse, Châtellerault, Chalon-sur-Saône ou Antibes. Tandis que dans les grandes agglomérations, le BHNS arrive désormais en complément du tramway : Lyon avec sa ligne de C, Strasbourg et sa ligne G, l’agglomération de Rouen dispose d’un tramway en nord-sud et d’un BHNS en est-ouest (lignes Teor). Le tramway n’a pas dit son dernier mot néanmoins. De nouvelles lignes de tram sont en projet à Grenoble, Nantes, Bordeaux, Lyon.

L’option BHNS demeure bien tentante en période de raréfaction budgétaire.

Toutefois l’option BHNS demeure bien tentante en période de raréfaction budgétaire. Ainsi, à Grenoble, en lieu et place de la ligne Chrono en direction de Meylan (nord-est de l’agglo) aujourd’hui saturée, le syndicat mixte de l’agglomération grenobloise envisage la mise en place d’un BHNS, là où un tram pourrait faire l’affaire, étant donné le potentiel de fréquentation de la ligne. Le STMC justifie ce choix en raison de l’équité territoriale, et eu égard à ses finances en berne. Yann Mongaburu, son président, explique ainsi : « Nous préservons la possibilité de tramway dans la branche nord-est vers Meylan à horizon 2030, mais cela ne doit pas nous interdire d’agir aujourd’hui avec un projet de BHNS ». Reste que l’ambition en termes de report modal diffère : il faut compter 2 000 personnes transportées par un BHNS à l’heure au maximum, contre 5 000 sur le même temps en tramway.

Des BHNS et bus propres, à horizon 2025
Les agglomérations ne sont pas au bout de leurs efforts en termes d’investissement dans les transports collectifs. La loi de la transition énergétique (décret janvier 2017) impose le passage au 100 % bus propres (électrique, GNV ou hybride) d’ici 2025 pour les agglomérations de plus de 250 000 habitants. Les 22 nouveaux bus bi-articulés de Nantes qui débarquent pour la rentrée 2018, seront ainsi tout électriques. « 53 millions d’euros pour 22 bus : c’est un effort considérable » reconnaît Stéphane Bis, directeur infrastructures et développement à la Semitan. Un montant toutefois en deçà de l’investissement qu’il faudrait pour un tramway : « Les éléments d’infrastructures sont beaucoup plus légers, il va suffire de poser, trois quatre totems de rechargement le long de la ligne » poursuit-il.

« Sur toute la durée de vie du véhicule, un bus électrique coûte deux fois plus cher qu’un bus standard Euro 6. »

L’Union des transports publics et ferroviaires redoute, pour sa part, que « sans soutien des pouvoirs publics », ces nouveaux investissements se fassent au détriment de l’offre dans certaines villes. Le jeu en vaut-il la chandelle s’interroge également l’UTP : « Sur toute la durée de vie du véhicule, un bus électrique coûte deux fois plus cher qu’un bus standard Euro 6 et ce, hors infrastructure ». Sur ce point le directeur de la Semitan est lui plus optimiste : « les coûts de maintenance et de carburant sont nettement favorables au bus électrique ». L’UTP note enfin que la pollution des transports en commun est assez faible comparé aux autres pollueurs. Pour Yann Mongaburu, président du SMTC de l’agglomération et membre du Gart, il n’y a aucun doute à avoir : « Le diesel est derrière nous, et les technologies GNV et électrique vont s’améliorer ». Grenoble expérimente jusque début 2018 différents modèles de bus électriques et… les scénarios d’investissement en lien avec la région Auvergne Rhône-Alpes.

Des nouveaux BHNS bi-articulés à Nantes

Il est donc sûr que le dilemme entre un tram et un BHNS se pose et se reposera ((Lire l’étude de 2016 de la Fnaut réalisé par TTK et Trans-Missions sur le retour d’expérience des choix tramways-BHNS dans plusieurs agglomérations.)). « Au-dessus de 40 000 voyageurs/jour, c’est sûr qu’il faut faire un tram, au-dessous de 20 000, un BHNS. Entre les deux, il est bon s’interroger » estime Marc Perez. Nantes a récemment tranché la question. Avec plus de 30 000 voyageurs jour, les capacités de sa ligne BHNS de 7 km appelée Busway, saturent. Changer pour un tram alors ? Non, la Semitan maintient sa ligne BHNS et passe aux bus bi-articulés de 24 mètres, qui vont embarquer chacun 150 voyageurs.

Plutôt qu’un tram, Nantes passe aux bus bi-articulés de 24 mètres, qui vont embarquer chacun 150 voyageurs.

« On fait ce choix pour trois raisons, justifie Pascal Bolo, président de la Semitan : la première est qu’un tramway serait beaucoup plus cher. La deuxième : on n’a aucune solution de délestage, ni de transport public, ni de transport particulier, on bloquerait complètement la ville avec la construction d’un tram. Enfin le gain au regard de la performance du BHNS ne serait pas si énorme que cela ». En revanche, Nantes a choisi le tram pour équiper la cinquième ligne structurante de son réseau. « Une décision symbolique » dixit le président, la ligne desservira le CHU dit 21e siècle, livré en 2026.

Lire aussi : Le transport aérien par câble arrive en ville

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